Y croire

Par Émélie Bernier 6:00 AM - 30 juin 2023 Initiative de journalisme local
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Madeleine Desgagnés et Marc-André Gagnon devant leur maison.

Madeleine Desgagnés et Marc-André Gagnon venaient tout juste de terminer le grand ménage du printemps de leur petite maison de la rue Ménard. Ne restait plus qu’à remplir le frigo. Leur petite balade à l’épicerie ne s’est pas tout à fait terminée comme ils l’auraient espéré…

Madeleine et Marc-André adorent leur maison, qui était jadis celle des grands-parents de madame, et dont ils ont fait l’acquisition il y a une quinzaine d’années.

« On avait tout rénové de A à Z, on venait de finir de la mettre à notre goût… Le 1er mai, on était content, notre grand ménage de printemps était tout juste terminé! On se disait: on va-tu faire un bel été! »

Certes, il pleuvait à verse depuis plusieurs jours. Au sous-sol, la pompe fonctionnait, mais rien d’alarmant. « Chaque printemps, il pleut, et l’eau monte! J’ai grandi dans le quartier, on connaît la chanson. »

Madeleine Desgagnés a grandi et vécu sur la rue Saint-Joseph. Elle connaît les humeurs de la rivière, mais ce qu’elle a vu en ce premier mai est sans précédent. « Comme ça, ce n’était jamais arrivé! »

Marc-André Gagnon pointe le niveau atteint par l’eau lors de la crue.

Alors qu’ils débarquent l’épicerie de l’auto, Marc-André Gagnon et Madeleine Desgagnés constatent que la situation s’est envenimée. Ce que leur confirment les pompiers quelques instants plus tard. « On vient d’arriver, la pompière Dominique Maltais vient nous voir et nous dit « vous avez 5 minutes pour sortir »… On a tout laissé là et on est parti à l’aréna. »

Ce qui les attend à leur retour quelques jours plus tard est indescriptible.

« Ma fille est arrivée avant nous à la maison. Elle est venue nous voir dehors et nous a dit de nous préparer… que c’était vilain. »

Du petit nid dont ils venaient à peine de terminer tous les travaux, il ne reste que bien peu de choses, enchevêtrées dans un chaos indicible.

« Là, on voit l’apocalypse chez nous… 4 pieds et demi d’eau, de la boue… Les meubles sont virés à l’envers, ça flotte. Le congélo, le frigo, la télé, les livres, les meubles, la vaisselle… tout est détruit! Notre beau terrain est rempli de débris, d’arbres de 10 pouces de diamètre, de branches, de rochers… La piscine est partie. »

Il était une fois.. une piscine.

Heureusement, le mur de béton qui les protège de la rivière a tenu le coup, ce qui n’est pas le cas un peu plus loin sur la rue. « On n’ose pas imaginer si le mur avait lâché! »

Madeleine, pieuse, en appelle à sa foi. « Ça en prend dans une situation comme celle-là », lance la dame qui est d’ailleurs responsable des Associés des Petites Franciscaines de Marie.

Dans sa malchance, le duo a la chance d’être d’abord accueilli par celles-ci, puis réfugié chez la sœur de Madeleine où ils habitent encore. Madeleine est émue de toute l’aide reçue.

Sans savoir s’ils seront autorisés à retourner vivre chez eux, Madeleine et Marc-André font le choix d’y croire. Et se retroussent les manches.

« Dès qu’on a été autorisé à aller à la maison, on a commencé à travailler. On a tout sorti avec l’aide de nos enfants, nos petits enfants, des bénévoles, des amis de nos petits-enfants… On a nettoyé de la boue, défait les murs, les planchers… Même si de voir l’ampleur des dégâts ne nous laissait pas beaucoup d’espoir d’avoir l’autorisation de rénover, on s’est mis à l’ouvrage. On voulait rester chez nous! »

Parmi tous les sinistrés à qui nous avons parlé pour cette série de chroniques, les résidents du 7, rue Ménard, sont les premiers à n’avoir rien à reprocher aux intervenants qui les ont accompagnés, et ce, du plancher (bien boueux) des vaches au plus haut échelon politique!

Madeleine Desgagnés a serré la main du premier ministre François Legault. La ministre des Affaires municipales et de l’Habitation Andrée Laforest lui a donné son numéro de cellulaire personnel. L’honorable Jean Yves Duclos lui a assuré personnellement que son gouvernement ne les laisserait pas tomber.

« On a rencontré M. Legault qui a été rassurant. Il nous a promis de faire le plus vite possible. Puis, à la réunion de la Ville, on nous a dit que quelqu’un de la Sécurité publique viendrait évaluer les dommages. On a rapidement eu notre certificat de dommage. On a eu un montant qui nous aurait permis de se louer un loyer si c’est ce qu’on avait voulu. Mais nous, on souhaitait rénover, rester chez nous, dans ce quartier qu’on aime et où on peut tout faire à pied. On a fait notre demande de permis, sans savoir s’il nous serait accordé… »

Madeleine Desgagnés lors de son bref tête-à-tête avec le premier ministre François Legault.

La veille de notre entrevue, qui s’est déroulée le 20 juin, Madeleine Desgagnés et Marc-André Gagnon ont reçu le cadeau tant espéré : l’autorisation de retaper leur maison.

Madeleine et son mari n’ont que de bons mots pour le maire Michaël Pilote et son administration. « On s’est senti écouté, accompagné, les gens avaient de l’empathie. On a été répondu d’une manière courtoise, polie, avec célérité, respect et compassion… Le DG Gilles Gagnon a été extraordinaire. Michaël répondait à mes messages sur Messenger. Oui, il y a eu du stress, terrible, mais on n’a jamais perdu la foi dans notre projet de retourner chez nous. Et on était ensemble, mon mari et moi. En santé. On s’est toujours dit qu’on allait se relever. »

Lorsqu’elle lit les histoires des autres sinistrés, elle comprend leur impatience et leur désarroi. « Quand on attend des réponses, ça paraît toujours trop long! Mais il faut se dire qu’on est à un mois et demi seulement de l’événement. Pour nous, les choses avancent, et je sais qu’on n’est pas les seuls. »

Sans révéler le montant inscrit sur le chèque, le couple confie qu’il faudra faire preuve de prudence. « Si on n’embauche pas d’entrepreneur, qu’on reçoit de l’aide, qu’on fait une bonne gestion et que la santé nous permet de faire une partie nous-mêmes, on va être correct! », lance Madeleine Desgagnés avec détermination.

Il faudra beaucoup de jus de coude et de courage pour remettre la maison sur le sens du monde, mais le couple est prêt à relever le défi. « Je regarde ma maison et je n’ai pas de misère à l’imaginer aussi belle qu’avant. Ce n’est pas un château, on va y aller simplement… On est positif! »

À 70 ans et des poussières, les amoureux font confiance à la vie. « Peut-être que c’est parce qu’on a une certaine sagesse. Notre foi nous a beaucoup aidés. L’aide de notre entourage et d’une panoplie de bénévoles nous a tellement encouragés… C’est fou l’énergie qu’une petite soupe, une galette peut donner quand ça vient du cœur. »

N.D.L.R. : Ce texte est le 5e de la série Des sinistrés parmi tant d’autres.

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