(Des sinistrés parmi tant d’autres, suite)
Quand Benoît Liard et sa blonde Claudia ont cherché à se loger à Baie-Saint-Paul, ils ont été séduits par une construction haute perchée au coin Saint-Joseph/Des Cèdres. Puis l’eau a envahi leur quartier le 1er mai dernier. Leur maison était à l’orée du désastre.
« Le ruban orange était accroché à notre galerie. Les pompiers plaisantaient au début : si vous voulez pas être mal pris, restez de ce bord-là du ruban », illustre Benoît Liard. Aujourd’hui, même si la maison n’a pas l’air d’avoir trop souffert, il a dû se réfugier, avec femme et fillette, dans un chalet de La Martine.
Les dégâts sautent aux yeux. Dans la cour, les cabanons ont été déplacés comme des fétus de paille. Les pieds s’enfoncent dans la boue séchée de ce qui fut un grand terrain gazonné. La porte de la cave est grande ouverte. Les pompes ont fait place aux déshumidificateurs.

Bien qu’haute sur pattes et toute jolie dans ses aires de vie, la maison n’est plus habitable, du moins pas pour l’instant. Et surtout pas avec un bébé fille de deux ans.
« La situation est différente pour tout le monde. On a le petit bébé de la rue. Notre maison n’a pas été complètement inondée, mais on ne peut pas rentrer parce que l’électricité est bâclée. Plusieurs rentrent chez eux malgré ça, en ne sachant pas vraiment si c’est salubre ou pas. C’est un choix, mais on ne dort déjà pas très bien alors on n’imagine pas prendre ce risque. »
Le jour, Benoît, Claudia et même la petite Madeleine vont faire des tours à la maison. « C’est plus pratique avec une seule voiture pour y travailler et pouvoir faire des activités avec la petite, vu que nous n’avons pas de garderie… » lls ont mis beaucoup d’énergie à nettoyer ce qu’ils pouvaient. Et à réfléchir à la suite… Cette suite sera-t-elle à Baie-Saint-Paul? La question se pose.

Le quartier a triste mine, alors ils ont tenu à mettre des fleurs comme d’habitude. Comme si ce printemps était normal. « On s’est dit : on va mettre un peu de beauté, mais ça a quand même l’air d’une zone de guerre… », déplore-t-il.
Les poubelles débordent, les brunes, les vertes et les bleues remplies d’à peu près tout et n’importe quoi. Les pots de peinture, les résidus de construction, les tas de sable et de boue séchée essaiment encore, plus d’un mois après le coup d’eau.

Au fil des semaines, l’attention mise au nettoyage s’est étiolée, remarque le résident. « Il y a eu les mesures d’urgence, toutes les corvées des bénévoles, mais là, on semble retombé dans un beat normal alors qu’on est encore vraiment loin de la normalité! »
Il ne jette pas la pierre à la Ville, mais quand il voit les employés poser les jardinières sur les artères principales, il tique un tout petit peu. Il comprend ça, les fleurs. La vie continue. Mais quand tout un quartier n’est plus qu’un tas d’immondices qui « schlinguent », la question des priorités se pose. « Peut-être que la Ville devrait passer le balai à toutes les semaines sur les trottoirs et les rues du secteur pour ramasser ce qu’elle peut de poussière? Là, on marche et la poussière lève. C’est suffocant », suggère-t-il. Comme pour corroborer ses propos, Madeleine, avec qui nous arpentons les rues désertes, demande de l’eau…

Voir les enfants traverser le quartier à pied soir et matin pour se rendre à l’école le préoccupe. « Dans notre coin, ça semble un peu à l’abandon, la saleté accumulée est d’un autre niveau. Y’a de la vitre, des clous, des pots de peinture, de produits toxiques, des fils qui pendouillent… Qu’est-ce qu’on sait de la qualité de l’air? Chaque coup de vent qui arrive, le sable lève, ça sent mauvais. Il commence à faire chaud, mais tu ne peux pas laisser les fenêtres ouvertes. Dimanche, on plantait nos fleurs, la petite était assise dans la brouette et le vent s’est levé. C’était insoutenable. On est parti. »

D’autres restent. « Est-ce qu’ils sont en train de se rendre malades? Le CIUSSS était là pour de l’aide psychosociale, mais est-ce qu’il y a un enjeu de santé publique, de qualité de l’air? On dirait que tout l’aspect sanitaire est laissé au chacun pour soi, aux bonnes intentions… Avec un bébé, on n’a pas le choix d’être vigilant. »

Pendant tout ce temps, les factures, dont les taxes municipales, continuent de rentrer. Et le loyer de la maison locative s’ajoute à l’hypothèque d’une maison qui a probablement perdu beaucoup de sa valeur aux yeux d’éventuels acheteurs.
Oui, ils savaient que leur maison se trouvait en zone inondable, mais la zone législative où ils se retrouvent aujourd’hui est encore plus vaseuse. Quelles sont les obligations de qui en matière de salubrité? De nettoyage des propriétés abandonnées?
« La Ville a travaillé sur ses propriétés, le parc de la Virevolte… Dans l’absolu, tout est important, mais on n’a pas trop la tête à jouer à la pétanque, disons! »

P.S. Au moment de mettre en ligne cet article, Benoît Liard avait reçu un message personnel du maire. Il faut tout un village pour se remettre d’une catastrophe. Il semble que la volonté y soit…

(N.D.L.R.: Ce texte est le 2e de la série Des sinistrés parmi tant d’autres)
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