L’aigle pêcheur, un souvenir de jeunesse

Par Michel-Paul Côté 4:51 PM - 19 mars 2024
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L’aigle pêcheur, appelé officiellement le Balbuzard pêcheur, offre toujours un spectacle inoubliable aux observateurs et photographes.

Il me fait plaisir de reprendre les chroniques ornithologiques, après une pause de quelques mois. Les chroniques seront publiées, comme à l’habitude, aux deux semaines, sur la nouvelle plateforme numérique du Charlevoisien.

Ce format permettra d’inclure plus de photos, et aussi d’inclure des liens menant aux chroniques précédentes lorsque pertinent. Comme à l’habitude, il me fait plaisir de recevoir vos commentaires à l’adresse oiseauxcharlevoix@gmail.com et de répondre à vos questions.

J’ai été élevé à la ville, mais un oncle possédait des terres dans la région de Plaisance. Sur ces terres se trouvait un chalet. À chaque été, nous y passions plusieurs semaines à faire le plein d’air frais et de nature. Le chalet était situé sur une longue presqu’île assez étroite. Mon oncle étant un chasseur, il avait aménagé de nombreux lacs artificiels un peu partout sur ses terres.

Cet endroit était un paradis pour l’observation des oiseaux. Il m’avait donné de vieilles jumelles de l’armée et un guide d’oiseaux écrit en 1947 par Claude Mélançon : Charmants voisins. Je possède encore ce livre, compagnon de mes premières observations. En page 195, on y voit le Balbuzard fluviatile, appelé communément l’Aigle pêcheur, vedette de cette chronique.

Les eaux entourant notre presqu’île regorgeaient de poissons. Tôt le matin, je partais à l’aventure, seul, jumelles au cou. J’avais à peine 8-9 ans. Pas très loin, un immense arbre mort avait gardé de longues branches qui surplombaient les eaux. Et au bout d’une de ses branches se trouvait un ami, toujours fidèle à son poste, à 8 h 30 le matin. C’était un aigle pêcheur. Il me fascinait. De son côté, je le laissais probablement totalement indifférent. Mais il tolérait ma présence.

L’aigle pêcheur, maintenant appelé balbuzard, peut ressembler à un goéland lorsqu’on l’aperçoit de loin. Mais quand il plonge, nul doute n’est possible. Avec une envergure d’ailes de 1.8 mètres, les ailes et le dos bruns, le dessous de la gorge et le poitrail blancs, et un bec recourbé typique des rapaces, il est facile d’identification.

Je m’installais confortablement, toujours au même endroit, et je l’observais pendant environ 90 minutes.

L’aigle pêcheur est un rapace qui aime l’eau. Il se nourrit uniquement de poisson. Il survole lentement une étendue d’eau, à basse altitude. Lorsque la proie est aperçue, il s’arrête, se place au-dessus de sa victime, relève les ailes et se laisse tomber sur le poisson, relevant ses griffes au dernier moment pour saisir solidement sa proie. Il arrive souvent que l’aigle se retrouve sous l’eau. Mais quelques coups d’aile et voilà qu’il remonte à la surface et tente de prendre son envol.

C’est souvent difficile, car les poissons sont gros et lourds. Mais notre pêcheur est fort et finit par surmonter la gravité. Il n’aura pas à aller bien loin, car il déguste son poisson sur sa branche, juste devant moi. Un peu goinfre, il dépèce rapidement le poisson, laissant retomber au sol ce qu’il considère comme moins appétissant. De toute façon, il a l’embarras du choix, car les poissons sautent partout à la surface de la baie de Plaisance.

Pendant notre rencontre de 90 minutes, il pouvait attraper deux, parfois trois poissons qu’il mangeait devant moi. Puis, vers 10 h, il attrapait un dernier gros poisson, le plaçait habilement tête vers l’avant entre ses puissantes griffes, et il s’envolait de l’autre côté de la baie. Il ne revenait pas en après-midi. Mais il était toujours au rendez-vous le lendemain matin.

Je sais maintenant que c’était probablement un mâle et qu’il retournait au nid retrouver la femelle pour nourrir les deux à quatre petits. Un nid, très gros, composé d’un treillis de petites branches, situé souvent au sommet d’un arbre mort. Il pêchait probablement à un autre endroit en après-midi.

Après son départ, je m’avançais parfois pour observer les restants de poisson que l’aigle avait laissé tomber sous l’arbre. Les grands hérons bleus ne tardaient pas à arriver. Ils étaient d’ailleurs souvent sous les branches de l’arbre en même temps que l’aigle. Un repas gratuit, sans effort.

Lorsque je repassais dans ce secteur en après-midi, les hérons avaient quitté. Mais les oiseaux noirs trouvaient tout de même suffisamment de nourriture autour des arêtes de poisson. En fin de journée, il ne restait plus rien, si ce n’est qu’une odeur nauséabonde.  Mais à 8 ans, cela importe peu.

Dans Charlevoix, on rencontre occasionnellement le Balbuzard pêcheur. Il n’est pas fréquent, préférant les cours d’eau reculés et poissonneux de l’arrière-pays. Mais avec un peu d’effort, on l’observera.

Pour ma part, je compte bien l’été prochain retourner à Plaisance. Les terres de mon oncle furent transformées, il y a très longtemps, en parc national (parc national de Plaisance). Ce parc est réputé pour la richesse des observations d’oiseaux qu’on y fait. Notamment l’aigle pêcheur qui y est toujours présent.

Mais ça, je le sais depuis longtemps…

Bonnes observations.

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