Sale temps pour les céréales

Par Émélie Bernier 6:00 AM - 15 août 2023 Initiative de journalisme local
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Brigitte Lavoie a troqué le journalisme pour l’agriculture. Photo Bon Appétit

Stéphane Dufour est à la fois copropriétaire de l’entreprise Les belles Récoltes de Charlevoix et de la Ferme laitière M.B.inc. De part et d’autre, la température apporte son lot de défis cet été. Après un mois de juin très sec, la pluie n’a pas tari. « C’est l’enfer! En juin, on souhaitait la pluie, mais je pense qu’on l’a trop souhaitée! C’est tout le temps de mal en pire! »

Les épisodes de pluie du début août ont été particulièrement difficiles sur les récoltes. « Un moment, ils ont annoncé jusqu’à 100 mm de pluie! La végétation n’a pas besoin de 100 mm, c’est au-delà des besoins. À ce stade-ci, quand les journées ont raccourci, la végétation est développée et elle prend moins d’eau qu’au printemps, quand la capacité d’absorption est plus grande. Là, on parle de réserve pour l’an prochain, mais le sol est saturé ou en voie de l’être », explique l’agriculteur.

Dans le cas des céréales, il y a péril en la demeure. « Le gros danger, c’est le développement de toxines sur les grains et les céréales. On parle de microchampignons qui se développent sur l’épi. Les céréales à épi sont plus vulnérables parce que les grains sont tassés serré et que ça reste humide », poursuit M. Dufour. Le mauvais temps complique également les périodes de récolte.  

« Quand il pleut tout le temps, nos cultures arrivent à maturité, mais on n’est pas capable de les récolter! Elles deviennent très très mûres et il y a même un risque de germe sur l’épi  comme dans le cas du blé, qui est très sensible à ça. C’est une perte totale dans ces cas-là. Il n’y a rien à faire. »

Les vents sont aussi néfastes à ce moment-ci de l’année. « Dans l’avoine, entre autres, les orages importants qu’on a eu créent de la verse. Le vent et la pluie font coucher les tiges sur le côté. Si le grain est peu développé, il va se relever un peu, mais quand le grain est pesant, à maturité, non. Il s’aplatit et couché par terre, c’est très difficile à récolter avec la moissonneuse. Et les risques de contamination au contact la terre sont très élevés…. », énumère Stéphane Dufour. Le bilan est difficile à quantifier, mais les pertes seront importantes.  

« Pour l’alimentation des animaux, on va être correct. Je parle pour nous, mais pour les foins, on a été assez chanceux. On a démarré tôt en juin, on a fait la première coupe à temps. Certains producteurs vont trouver ça plus difficile… C’est costaud comme année! »

En ce qui a trait aux Belles récoltes, qui produisent des céréales pour la consommation humaine (riz d’avoine, avoine en flocons, sarrasin…), on estime être en mesure de répondre à la demande. « On en fait  plus que nos besoins alors on espère avoir la quantité et la qualité nécessaire. Tout n’est pas perdu, mais il faut avoir un beau mois de septembre pour sauver la mise. Il faudrait qu’il commence à faire beau là! »

Il est trop tôt pour savoir s’ils feront appel à l’assurance récolte. « C’est possible qu’on demande de l’aide pour notre partie biologique. Avec le mois de juillet chaud, humide et pluvieux, on a 7 hectares qui ont été complètement contaminés par les mauvaises herbes, c’est du jamais vu. Depuis qu’on fait du bio, soit 6 ans, c’est la première fois qu’on a de mauvaises herbes aussi déchaînées. Ailleurs, c’est relativement contenu, mais on a un 7 à 8% de nos superficies où ça peut être problématique… »

Les conditions sont changeantes, concède l’agriculteur, et chaque année amène son lot de défis. « L’an passé, les semis ont été difficiles. Cette année, les récoltes sont en jeu…les années où tout marche parfaitement, on se tape dans les mains, mais elles sont rares… Faut être fait fort pour faire ce métier! Les occasions de découragements sont nombreuses… », dit celui qui n’entend pas lancer la serviette pour autant. « C’est costaud comme année », conclut-il.

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