Martin, ce grand pêcheur

Par Michel-Paul Côté 4:00 PM - 26 juillet 2023
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Drôle de physique, mais parfaitement adapté à la pêche. Son plumage bleu-gris assez éclatant, la poitrine blanche avec un peu de roux pour la femelle, l’immense bec noir et la grande huppe hirsute, le tout accompagné d’un cri strident lors de ses déplacements, tout rend cet oiseau fort sympathique. Photo Michel Paul Côté

Par Michel-Paul Côté

Les observateurs qui fréquentent les lacs, étangs, marécages et rivières poissonneux de Charlevoix sont familiers avec cet oiseau que l’on rencontre régulièrement lors de nos voyages de pêche ou excursions en canot. Leur apparition est toujours très visible et bruyante. S’il y a de l’eau avec des poissons, il y aura un couple de martins-pêcheurs. C’est pourquoi on rencontre le martin-pêcheur partout au Canada et dans une grande partie des États-Unis.

Quel drôle de physique, fort différent des autres oiseaux! Le corps gris-bleu est solide et trapu, avec une tête qui semble très grosse, surmontée d’une huppe qui bat au vent. Un long bec noir complète le portrait. La gorge est blanche, de même que le poitrail. Un collier bleu-gris brise ce blanc. La femelle montre un peu de roux sur la poitrine.

Mais ce physique inhabituel est un atout car il permet à Martin d’accomplir des prouesses exceptionnelles alors qu’il est en quête de poisson. 

On l’aperçoit souvent, perché sur une haute branche surplombant un lac ou une rivière, à l’affût. Il plonge volontiers de plus de 15 mètres de hauteur, tête première dans les eaux limpides et profondes, et ressort généralement avec un poisson dans le bec. Parfois, il survole un ruisseau, s’arrête en vol, fait presque du sur place pour bien identifier la proie, puis plonge. Il rate rarement sa chasse en eau peu profonde.

En vol, le battement d’aile est fort, rapide, laborieux et saccadé. Et les déplacements sont souvent accompagnés de cris retentissants, qui ressemblent à des sifflements. De toute évidence, il ne craint pas d’effrayer ses proies par ses cris. Il se nourrit évidemment de petits poissons, insectes aquatiques, salamandres.

Il nous revient du Sud pendant la deuxième moitié du printemps, alors que les cours d’eau sont libres de glace. Le mâle arrive en premier et retourne généralement au lieu de nidification utilisé les années précédentes. Les Martin-pêcheurs nichent sous la terre, dans de longs terriers creusés généralement dans la partie élevée d’une falaise de sable. La falaise doit être abrupte, souvent plus de 60 degrés, ce qui assure une certaine protection contre plusieurs prédateurs. Le terrier est un long couloir étroit, parfois plusieurs mètres. Au besoin le mâle creusera un nouveau terrier, mais il est plus simple de remettre en état un terrier endommagé par l’hiver. Il défend avec férocité son terrier contre les prédateurs et ne tolère pas la présence d’autres Martin-pêcheurs. 

À l’arrivée de la femelle, le mâle démontre ses talents de chanteur, il effectue quelques acrobaties aériennes, et, bien sûr, met en évidence ses talents de pêcheur. Il n’en faut pas plus, on s’accouple. La femelle pondra entre 6 et 10 œufs, qu’elle couve pendant une quinzaine de jours. Le mâle la nourrit, la remplace parfois, et dort à ses côtés la nuit.

Les jeunes naissent nus, sans même un léger duvet. Lorsque les plumes arriveront, elles auront la couleur gris-bleu des adultes. Au début, le mâle apporte la nourriture aux jeunes car la femelle doit demeurer auprès d’eux pour les réchauffer, le temps qu’ils acquièrent leur plumage.

Ensuite, les deux parents feront un aller-retour continuel pour nourrir toute cette marmaille.

Après quelques semaines, les parents incitent les jeunes à prendre leur premier envol. L’apprentissage de la vie et de la survie durera encore 3 semaines. Le couple enseigne aux jeunes comment voler, chasser, pêcher, et même comment transporter les proies.

Les parents vont pendant cette période s’assurer que les jeunes soient suffisamment nourris, le temps qu’ils deviennent totalement autonomes.

Puis c’est le départ. Les jeunes quittent le couple, vont séparément, chacun de leur côté, poursuivre leur apprentissage. Ils passeront le reste de l’été à se nourrir, à explorer seuls différents territoires, avant de partir à l’automne pour le Sud des États-Unis et l’Amérique centrale.

Au Québec, notre ami Martin rencontre de plus en plus de difficultés à s’établir. Depuis 30 ans, les escarpements sablonneux tendent à disparaître. Érosion naturelle des berges et activité humaine ont un impact négatif sur l’espèce. Curieusement, les nouvelles réglementations qui obligent les sablières à planter de la végétation dans les carrières et sablonnières abandonnées ont contribué à éliminer un habitat de reproduction essentiel.

L’espèce n’est toutefois pas menacée, car elle continue de se reproduire loin des milieux habités. Bonnes observations.

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