Baie-Saint-Paul aux mains d’apprentis sorciers?
De nombreux résidents ont dû être évacués le 1er mai à la suite des inondations.
Le 19 mai dernier, le ministre de l’Environnement du Québec, Benoit Charette, nous a servi, concernant l’inondation à Baie-Saint-Paul du 1er mai, une déclaration déconnectée de la réalité : « Faut s’adapter, mais faut pas mal s’adapter (…) s’assurer qu’on ne construise plus et qu’on ne reconstruise plus dans des secteurs qui sont vulnérables ; ce sera beaucoup plus efficace que n’importe quelle structure bétonnée qui ne fait que dévier l’eau. » (Téléjournal de Radio-Canada).
Encore plus déjantée, la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, expliquait ainsi la raison du refus d’une aide financière pour solidifier la digue de la rue Ménard : « le mur en question n’offrait pas d’espace de liberté à la rivière (…) Le Québec entend réduire ce type d’infrastructures au profit d’ouvrages plus perméables. » (RCI internet).
Rien ne réjouit mieux un politicien qu’une solution n’engageant aucun frais, comme un coup de baguette magique aux mains d’un apprenti sorcier.
Cette attitude, ajoutée à l’ignorance de l’histoire et du terrain, oblige à l’action citoyenne.
Il est vrai que le mot « espace de liberté des cours d’eau » est dans la plupart des cas approprié. Mais pas en ce qui concerne la rivière du Gouffre à Baie-Saint-Paul.
Ce cours d’eau est un « méandre », qui est une rivière très sinueuse, créant des « presqu’iles » (espaces de terre entourés d’eau sur trois côtés, comme le quartier Saint-Joseph et le secteur de la rue Clarence), de sorte qu’un méandre a tendance à changer de lit à travers les décades et les siècles, comme le fleuve Mississippi (les inondations de 2005 nous ont appris que sans digues le long du Mississippi, La Nouvelle-Orléans n’existerait pas).
S’il avait fallu penser, il y a 70 ans, en beaux mots actuels, jamais les murs de béton enrochés n’auraient été construits ; jamais les champs de la Congrégation Notre-Dame ne seraient devenus les rues Leclerc, Du Capitaine, Des Cèdres, Notre-Dame et Ménard. Les rues Sainte-Anne et Saint-Jean-Baptiste se seraient également effondrées sans leurs défenses bétonnées contre l’érosion.
Car, en théorie, un méandre interdit tout établissement humain sur ses rives.
Je ne crois pas exagérer en soumettant que si les digues de béton sont abandonnées, dans quelques décennies le secteur le plus admiré et riche en histoire de Baie-Saint-Paul deviendra une sorte d’Atlantide.
Et le pont du centre-ville aura été de beaucoup allongé pour rejoindre la route 362 – la « liberté » de la rivière ayant fait son œuvre – le tout précédé, longtemps avant, d’une dévaluation générale immobilière, jusqu’en dessous de la valeur des terrains.
Une digue le long d’un méandre, contrairement à la déclaration du ministre Charrette, ne sert pas à « dévier l’eau », elle sert à la contenir.
La digue ne dévie rien et respecte le cours naturel au moment de l’implantation humaine. Il faut la maintenir et la renforcer.
Par ailleurs, il existe d’autres moyens de prévenir les inondations que de permettre aux cours d’eau une libre dévastation.
Bassins de rétention, ouvrages de captation des eaux de pluie, création de marais artificiels, travaux de nivellement des sols, ouvrages de retenue d’eau à la source, qui sont des mesures pourtant déjà connues du gouvernement du Québec et de ses experts, permettent de maintenir l’implantation humaine, respecter le tissu social, les choix d’une population et son histoire.
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