Chronique: Comme au 500 ou presque

Par Brigitte Lavoie 3:58 PM - 10 Décembre 2019
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Jouer au 500, c’est de la grosse ouvrage et ce n’est pas pour les paresseux.

Un brin de chance, beaucoup d’intérêt, du travail, de la prudence doublée de témérité et de la stratégie. Dans la vie, comme au 500, la réussite appartient à ceux qui se concentrent sur le jeu. Si tu veux un hôpital neuf, un pont, ou une grande maison avec BMW, choisis un bon coéquipier, use de stratégie, prie pour que tes adversaires soient médiocres, oublie la boisson, pis suis !

Noël et ses rencontres de familles et d’amis approchent, mais cette année encore, je ne ferais pas honneur à ma nationalité charlevoisienne puisque je ne jouerai pas au 500. À moins qu’un coéquipier esseulé me jette un regard suppliant pour avoir le privilège de rejoindre une table… Soupir.

Le 500 est ce jeu de cartes que tout le monde semble aimer ici. Oubliez la gentille Dame de pique ayant bercé mon enfance saguenéenne et qui permet de jouer tout en mettant son placotage de l’année à jour et de s’intéresser au contenu de la bonbonnière de chocolat. Non, ici les cartes, c’est du sérieux ! Il y a un p’tit bord et un gros bord (mais quésé ?), des valets qui se prennent pour des rois (ok… Est-ce que c’est comme un genre de Donald Trump?!?) et des levées qu’il faut compter comme si ta vie en dépendait. Sans oublier l’art du langage des yeux et de la couleur des cartes qui expliquent clairement pourquoi la carte de trèfle que ton coéquipier a jeté entre deux cœurs voulait tout dire…

Mon chum, qui adore ce jeu, a bien essayé de faire de moi sa partenaire aux cartes. Peine perdue. Des amis aussi. Même des enfants m’ont fait l’école du 500. Mais y a rien à faire, mon esprit tout entier se révulse et bougonne contre ce jeu qui ne m’amuse pas. Il faut toujours être concentré, comme dans un cours de math 536.

Jouer au 500, c’est de la grosse ouvrage et ce n’est pas pour les paresseux. Au secours ! Est-ce qu’on peut boire un café ? Mettre une bûche dans le poêle ? Manger du dessert ? Faire la vaisselle ? Est-ce qu’un enfant pourrait vomir et me donner une bonne raison de quitter la table ?

Je suis une décrocheuse professionnelle du 500. Je n’en comprends pas la logique, la mécanique et je manque de pratique et d’intérêt. Mais au fond, le 500, c’est pas sorcier, paraît-il… Oui, je sais, j’imagine que je suis capable. Soupir.

Mais vivement une parabole pour m’aider à comprendre. Rien de mieux qu’un dessin de pizza pour expliquer les fractions, non ?

Alors, mettons que le maire Michel Couturier et le préfet Sylvain Tremblay font équipe à la table politique du 500 contre le premier ministre François Legault et la députée Émilie Foster.

Le maire de La Malbaie et le préfet de Charlevoix-Est ont une partie difficile. Ils ont perdu quelques brasses et sont dans les moins. Moins un quai, moins un hôpital, moins un projet du Havre, pas de consensus, une population divisée qui aime syntoniser CHIALE-FM et dislecontraire.com. Avec sa dévitalisation qui s’accroche, Charlevoix-Est donne l’impression d’être la banlieue pauvre de Baie-Saint-Paul et c’est l’endroit où les partys finissent de bonne heure.

Mais revenons aux cartes. Michel Couturier a enfin un beau jeu. Du cœur. Et un valet du gros bord. Il se dit que peut-être son coéquipier Sylvain Tremblay en a aussi, du jeu. Michel mise huit cœurs. Émilie Foster est la suivante à parler. Elle est prudente, connait ses possibilités, elle passe, laisse le dernier mot à M. Legault. Sylvain Tremblay a un très beau jeu lui aussi, de toutes les couleurs. Avec des atouts. Et Michel, avec sa mise, lui a envoyé un signal clair. Sylvain mise donc neuf sans atout. On se sort du trou ou rien !

François Legault tique un peu. La chance lui colle habituellement aux fesses, mais il ne misera pas la partie. Il passe, laisse les maires rêver à mieux. De toute façon, il sait que même s’il n’arrive pas à découdre le jeu de Michel et Sylvain, c’est lui et Émilie qui vont finir par gagner la partie.

Ce qui va se passer, c’est que Michel et Sylvain vont gagner leurs neuf levées de peine et de misère. Le nouvel hôpital de La Malbaie se pointe le bout du nez. Hourra !

Concentrés, tenaces et stratèges, ils ne se sont pas laissés découdre. Mais évidemment, au final, c’est François Legault et Émilie Foster qui gagneront la partie.

Parce qu’aux cartes, presque que comme dans la vie, le gros bord est toujours une question de jeu : les cartes et les atouts, c’est l’argent et le pouvoir. Et même si le p’tit bord du gros bon sens s’acoquine avec les valets et que tu as la main tout en cœur, c’est quand même le pouvoir qui a le dernier mot.

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