Chronique: La renaissance d’Annie Desgagnés, greffée du rein

Par Émélie Bernier 7:03 AM - 24 avril 2019
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Annie Desgagnés est consciente de sa chance et elle tire le meilleur parti de sa 2e vie!

Glomérulonéphrite membraneuse. Ces deux mots ont radicalement changé le cours de la vie d’Annie Desgagnés, une belle et énergique fille de L’Isle-aux-Coudres que rien ne semblait pouvoir arrêter. Si elle est en vie pour en parler aujourd’hui, c’est grâce au rein d’une autre.

Annie Desgagnés a toujours été une dynamo : sportive, impliquée à hue et à dia, bondissant allègrement d’un projet à un autre, prenant la vie à bras le corps dans un perpétuel tango effrené!

A 17 ans, la pétillante jeune femme remarque que ses chevilles sont enflées. Elle n’en fait pas trop de cas, jusqu’à ce que la douleur s’immisce dans le tableau. Quand elle se décide enfin à consulter, le diagnostic tombe : insuffisance rénale causée par la fameuse glomérulonéphrite membraneuse. «À ce stade-là, il n’y avait pas grand’chose à faire sauf prendre de la médication pour éliminer l’eau. Je n’ai pas eu d’autres symptômes pendant plusieurs années», dit celle qui continue alors à mener sa vie tambour battant pendant près de 9 ans.

Vers 27 ans, les choses se gâtent. « J’étais essoufflée, j’avais le teint blafard. En fait, mes reins ne fonctionnaient plus, je m’empoisonnais et je manquais de tout : je n’avais plus de fer, plus d’hémoglobine… », raconte Annie, aujourd’hui âgé de 45 ans. Malgré tout, à l’époque, elle mène un train d’enfer. Elle fait du théâtre, anime à TVCO, travaille au Casino de Charlevoix, suit des cours à l’université, fait du sport comme s’il n’y avait pas de lendemain. «Le déclin arrive lentement. Tu t’habitues à vivre avec ça, tu trouves des ressources, l’adrénaline embarque. J’étais dans le déni et tout ce que je faisais, ça me tenait debout. Il ne fallait juste pas que j’arrête, car je n’aurais plus été capable de me relever », réalise-t-elle aujourd’hui.

Lorsque son médecin prononce le mot « dialyse », Annie est choquée. «Il m’avait fait visiter l’unité de dialyse à l’Hôtel Dieu où il n’y avait que des personnes très âgées… Pour moi, c’était impensable d’aller m’asseoir là 4 heures durant, 3 fois par semaine…Je n’avais pas fait tout ce que j’avais envie de faire, je voulais acheter du temps! », se remémore-t-elle.

Mais son corps, lui, est au bout du rouleau et les médecins le lui font clairement comprendre.
La greffe, dont on lui a déjà parler, devient de plus en plus persistante dans le scénario. Les médecins emploient sans badiner le terme « urgence ». « J’étais jeune, j’étais une candidate idéale. On m’a fait passer une batterie de test. Mais j’étais toujours dans le déni. Je ne voulais pas signer pour être sur la liste de receveur, je voulais profiter de mon été… », lance-t-elle.

Les médecins lui accordent ce sursis, puis lors des examens de septembre, c’est la panique à bord du Titanic. «J’avais un rendez-vous entre mon cours du matin à l’Université et ma job au Casino en après-midi. Ma « créat », (ndlr : créatinite, mesure des déchets dans le sang) était beaucoup trop élevée… Les médecins m’ont dit : si tu ne signes pas, on signe pour toi. On ne veut pas que tu meurs », se rappelle Annie. Fini, le déni. «J’ai compris que je m’étourdissais, que j’essayais de me sauver en courant devant la maladie. À partir de ce moment-là, je n’ai pas eu le choix de faire de la dialyse et j’ai eu en permanence un paget de Transplant Québec avec moi », résume-t-elle.

Son père passe alors tous les tests afin de lui offrir un de ses reins, une opération délicate beaucoup plus difficile pour le donneur que pour le receveur. L’opération est prévue en mai, mais la santé d’Annie se détériore. «Je ne travaille plus, je dois me déplacer régulièrement pour faire de la dialyse directement au cœur à l’Hôtel Dieu… Malgré ça, je fais une quinzaine de kilomètres de ski de fond trois fois par semaine. » C’est d’ailleurs au retour d’une de ses fameuses randonnées, les cheveux en bataille et habillée en mou, alors qu’elle regarde un film sur le divan chez ses parents que le paget se met à sonner… Pour une rare fois, elle ne l’a pas sur elle et ne l’entend pas. «Dans ces moments-là, le temps est un facteur crucial. Heureusement, ils m’ont rejointe chez mes parents. «Comment te sens-tu? As-tu un rhume On a une donneuse, son rein est compatible avec toi. Est-ce que tu l’acceptes? » J’ai dit : «oui, je le veux!» J’étais étonnamment très calme, mais il était 22h25, j’étais en pyjama à L’Isle-aux-Coudres… » Et qui dit île dit traversier. La course contre la montre débute. « J’ai fait mes bagages en quelques minutes et on est parti en cortège vers le traversier. Ils ont tassé les autos pour que je débarque en premier. En traversant, le capitaine faisait crier le criard. On était tous pas mal ému », dit-elle. A l’évocation de ce souvenir, les larmes lui montent aux yeux.

La « rencontre » avec son rein est une histoire fabuleuse qu’elle résume d’ailleurs magnifiquement dans une lettre publiée le jour de l’anniversaire de cette union improbable survenue le 24 mars 2002 (à lire en version abrégée en page 6 de la version papier du 24 avril ou en version longue sur lecharlevoisien.com)

«La greffe s’est vraiment bien passée. Je suis née une 2e fois », résume Annie qui sait qu’elle doit cette deuxième chance à une femme de 42 ans foudroyée par un ACV alors qu’elle magasinait des clubs de golf.
«Je ne suis pas une vraie golfeuse, j’aime ça, de temps en temps. Mais l’an dernier, quand j’ai frappé mon premier coup sur un terrain du Bas-du-Fleuve, j’ai senti quelque chose. Une chaleur, un rayon qui touchait ma peau. C’est arrivé à un moment de ma vie où j’en avais réellement besoin. C’était un coup parfait et ça ne venait pas de moi! Je sais que ma donneuse m’accompagne, elle vit en moi », conclut celle qui est remplie de reconnaissance envers cette inconnue qui lui a fait le plus grand don qui soit.

 

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