Mme Gilberte ou l’art de la vieillesse joyeuse

Par Brigitte Lavoie 6:30 AM - 27 février 2019
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Mme Gilberte Boulianne aura 100 ans en mai et elle attend les célébrations avec fébrilité. « Il y aura de la bonne musique. J’adore la musique! »

Le 31 mai prochain, Mme Gilberte Boulianne aura 100 ans. Et c’est avec une bonne humeur contagieuse et une formidable vivacité qu’elle s’apprête à célébrer son siècle de vie.

Je n’ai pas découvert Mme Gilberte par hasard. C’est sa jeune (!) amie Gisèle Dumont qui a organisé notre rencontre. Parce que 100 ans, ce n’est pas rien. Et parce que la vie de Mme Gilberte, de 1919 à aujourd’hui, c’est comme un grand livre d’histoire dont elle a tourné les pages.

Mais avant d’écrire sur l’amitié et l’art de vieillir, racontons qu’au début du siècle dernier, Mme Gilberte voyait le jour sur une ferme du « nord’est », à Rivière-Malbaie. Neuf enfants, une maman partie trop vite et un labeur quotidien de subsistance auquel tout le monde prenait part, voilà la vie d’alors. « Nous étions pauvres, mais on a toujours mangé trois repas par jour. On s’entraidait », insiste Mme Gilberte.

L’esprit vif et la mémoire sans faille, l’aïeule évoque sa jeunesse avec les lampes à l’huile, les grandes tablées trois fois par jour, l’eau à faire chauffer sur le poêle à bois, les courtisans à cheval, les travaux de la ferme, les soirées de cartes et les nuits entières à danser la quadrille, les sacrifices de son père, son voyage de noces en bateau blanc jusqu’à Montréal en juillet 1949. « On n’avait rien. Aujourd’hui, y’en a trop » lance-t-elle, pince-sans-rire. « Aujourd’hui, c’est un autre siècle. Nous, c’était le calme. Aujourd’hui, tout va vite. Vous êtes à la course. Vous ne pourrez même pas vivre jusqu’à 90 ans, vous ne serez pas capables », lance-t-elle en riant.

La vieillesse de Gilberte en est une comme beaucoup la souhaite. Remplie de souvenirs et d’une santé qui garde le cap, mais aussi de l’amour et de la présence de ses proches. Sa routine de centenaire est simple et bien huilée, et elle en garde le contrôle avec une grande vivacité d’esprit et au gré de ses intérêts pour ses proches, l’actualité et la religion.

Et l’amitié dans tout ça? Mme Gilberte et Gisèle Dumont sont amies depuis 20 ans. Les deux femmes se sont rencontrées alors que l’aïeule s’initiait au traîneau à chien à l’invitation de son fils, à l’âge de 80 ans!  « Il faisait très froid. On a fait un petit tour de traîneau et ensuite, on est rentré à la maison et on a jasé », se remémore Gisèle. Depuis ce jour, les deux femmes entretiennent une amitié complice et chaleureuse. « On parle de tout, mais jamais de notre prochain », résume Mme Gilberte. « J’ai des amies de tous les âges. C’est pour ça que je suis restée jeune. C’est comme ouvrir des boîtes de fun. » Son amitié avec Gisèle est un cadeau. « Ça améliore ma vie de l’avoir », confie-t-elle.

Mme Gilberte Boulianne et Gisèle Dumont partagent une solide et chaleureuse amitié depuis 20 ans.

Pour Gisèle Dumont, cette amitié est des plus précieuse. « Je la trouve fantastique ma Gilberte. Les gens voient la vieillesse tellement négativement. Les modèles de gens qui vieillissent bien, comme Gilberte, on ne les montre pas. La vie, ce n’est pas juste le corps physique. C’est aussi 100 ans d’expérience et de vécu. Je crois qu’il ne faut pas avoir peur de vieillir. »

À la veille de célébrer son anniversaire, Mme Gilberte entrevoit son âge avec philosophie : « Je vis un jour à la fois. Mais c’est vrai que j’ai la vieillesse joyeuse. Je suis gâtée pourrie. Il y a des gens qui me demandent ma recette. Je n’ai pas de recette. J’ai eu la chance d’avoir des gens autour de moi. J’apprécie la vie et je dis merci. » Avec le regard espiègle, Mme Gilberte ajoute que Dieu a sans doute aussi un rôle à jouer dans sa vieillesse heureuse et son anniversaire qui arrive à grands pas. « Je suis privilégiée, c’est un cadeau. Il (Dieu) m’a oubliée. »

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