Mangez de la marge

Par Emelie Bernier 6:30 AM - 29 novembre 2018
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Hubert Lenoir au Festif!

 
Initialement, je voulais intituler cette chronique qui me trotte dans la tête depuis un bout « Foutez la paix à Hubert Lenoir ». Puis il y a eu le bel ovni honni Catherine Dorion avec son « VUS pas VUS », sa tuque irrévérencieuse et ses métaphores trempées dans la nitroglycérine. La semaine dernière, Safia Nolin a lancé une jolie chanson et Safia, ben Safia… La cyber intimidation et elle, c’est une dure et durable histoire.
« Hommage à la marge » aurait été un titre trop mou pour la circonstance.
Paraît qu’il faut combattre le feu par le feu (ou passer le râteau avant que le feu pogne, mais ça c’est une autre histoire…) alors je choisis un titre un peu plus « coloré », disons. Parce que ces êtres-là sont tous sauf beiges. Et ça fait un bien fou, n’en déplaise aux coincés du popotin et aux auditeurs de radio-poubelles.
Au pays des trolls, ça ne prend pas grand-chose pour s’écarter du soi-disant droit chemin et tomber dans le fossé boueux de la marge. Un discours éloquent, mais un peu trop imagé, des boucles sur des oreilles de garçon, pas de soutien-gorge sous un gaminet à l’effigie de Gerry Boulet et hop, vous voilà à genoux dans la fange, lapidé par les insultes immodérées des internautes.
Hubert. Bel Hubert. Un marginal, sans l’ombre de doute. Avec fard à joue et bling bling, la fesse, mais surtout les émotions à l’air. Un enfant qui se déguise en lui-même, qui joue comme on ne sait plus jouer. Pur. Une créativité à la Bowie, qui bouscule, qui choque. Mais n’est pas là le devoir des artistes, des créateurs justement? De brasser la cage, de mordre à belles temps dans les conventions et d’éclater les cadres?
Il met un trophée dans sa bouche, et alors? Hey, les grenouilles de bénitier, ce geste n’est pas un désaveu envers Félix Leclerc, mais peut-être un pied de nez à ceux qui le font gerber avec leur haine grotesque, leurs commentaires assassins, leurs menaces de mort ou leurs appels au suicide! Car oui, on va jusque-là dans notre dédain de la toute puissante et effrayante différence! « Suicide-toi, tu nous déranges. » Safia Nolin et Hubert Lenoir en ont fait les frais tout comme Pénélope McQuade, ainsi qu’on le découvre avec consternation dans l’excellent documentaire Troller les trolls qui s’immisce dans cet univers parallèle d’où le respect semble banni. Alors qu’elle confronte ses propres trolls, on découvre que ce sont généralement des citoyens ordinaires. Des M. et Mme Tout-le-monde qui s’ennuient un peu et qui souhaitent partager ostensiblement leur opinion corrosive, voire violente, sur un individu, son allure, sa façon d’être…
La médisance distille un venin hautement contagieux…
La différence entre aujourd’hui et la glorieuse époque d’avant, quand Ozzy Osbourne lançait des foies dans la foule ou décapitait une chauve-souris d’une bouchée en concert, quand Sinead O’Connor déchirait une photo du pape en pleine diffusion de Saturday Night Live ou quand les mecs de Rage Against the Machine se présentaient à poil sur scène avec du « duct tape » sur la bouche pour dénoncer la censure, la seule différence entre hier et aujourd’hui, c’est l’arène du grand méchant ouèbe où chacun devient l’apôtre de sa virulente vérité et ne se gêne pas pour l’écrire.
Vous n’aimez pas Hubert Lenoir, Catherine Dorion, Safia Nolin? C’est votre droit le plus fondamental, mais pourquoi est-ce si difficile de détourner le regard?
Le monde est rempli de Marc Dupré, de politiciens qui maîtrisent parfaitement la langue de bois et de jolies chanteuses épargnées par le spleen et les rondeurs.
 
 
A voir
Troller les trolls, en diffusion gratuite sur le site web de Télé-Québec
(telequebec.tv/documentaire/troller-les-trolls)
A lire
Safia Nolin ne vous doit rien, une chronique de Marc Cassivi sur le site web de La Presse (bit.ly/2ByqClD)
Qui a peur de Catherine Dorion?, une chronique d’Yves Boisvert sur le site web La Presse (bit.ly/2DL5jyL)

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