Chronique Brigitte Lavoie: Quand l’environnement te condamne à être un goujat

Par Brigitte Lavoie 6:00 PM - 25 novembre 2018
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Le Club Med peut faire le choix de prend acte de son réel poids environnemental créé par son hôtel afin de le dépecer à grand coup de tronçonneuse pour en faire un feu d’artifice de choix verts.

Je suis condamnée à être une hypocrite sans principes même si, comme ma collègue Émélie, j’ai signé Le pacte pour la transition environnementale. J’aime la planète, son état me préoccupe et je crois que je peux faire mieux pour l’aider. Je vais donc manger plus de légumes, composter davantage, limiter ma consommation de bébelles, d’électricité et d’eau… Des petits gestes quotidiens de sauvetage qui, avouons-le, me remplissent d’une fierté fébrile puisqu’ils contribuent à remplir le réservoir des bonnes intentions citoyennes. Mais c’est clair que je vais devoir acheter cette voiture à essence 2018 qui est déjà désuète d’un point de vue environnemental. Et espérer que dans sept ans j’aurai enfin accès à un véhicule vert qui conviendra à mes besoins et à mon portefeuille tout en me permettant d’alléger mon poids sur la planète.
Comme vous, comme le Club Med qui fera venir ses touristes par avion à Petite-Rivière-Saint-François où il a coupé des érables, comme les épiceries qui ignorent le vrac et emballent les oranges, comme les concessionnaires qui vendent les véhicules hybrides et électriques plus cher que les véhicules conventionnels, l’état de la planète me condamne à être une fripouille. Parce que nécessairement, dans l’état actuel des choses, mes bottines ne suivent pas toujours mes babines.
L’état actuel des choses, c’est une planète qui a une fissure des vertèbres, mais qui continue de s’entraîner pour les Jeux olympiques. L’état actuel des choses, c’est tout un paquet d’entreprises, de municipalités, d’industries, de politiques qui fonctionnent sans connaître leur impact environnemental et sans savoir par quel bout commencer pour faire les choses différemment et mieux et sans que ça coûte la peau des fesses. Mais surtout, l’état actuel des choses, c’est une opinion publique qui va plus vite que les systèmes en place. Une vraie voiture de Formule 1 dans une zone de 50 km/h.
Nécessairement, dans l’état actuel des choses, les accrochages de conscience et la réalité crue des choix quotidiens sont inévitables et multiples. Nécessairement, dans l’état actuel des choses, ce sont les ados qui ont des idées et les commissaires et les gestionnaires de la Commission scolaire de Charlevoix qui sont scotchés au divan. Actuellement, peu importe que tu sois chef de la direction d’une multinationale ou simple citoyen, l’environnement te condamne à être un jour sur deux un goujat.
N’en demeure pas moins qu’il y a actuellement un momentum intéressant. Et pas besoin d’avoir une firme de marketing à 100 000 $ pour s’en rendre compte. Actuellement, toute personne, entreprise ou gouvernement ayant un nouveau projet sur la planche à dessin peut décider de faire les choses pour la planète, ou pas. Chacun choisit son clan et il n’y a pas de no man’s land. Sois tu achètes des bananes emballées dans une barquette de styromousse, soit tu prends des pommes du Québec sans sac.
Et si tu es un gestionnaire à cravate du projet du Club Med au Massif de Petite-Rivière-Saint-François en novembre 2018, tu as deux choix. Le premier : faire comme s’il était déjà trop tard pour faire mieux et perdre ce qui reste de plumes d’opinion publique à grand coup de pelle mécanique dans un projet rentable emballé sous vide, qui n’a pas de réelle conscience environnementale, mais qui sait animer des réunions. Le second choix : faire plancher tes gestionnaires aguerris sur une version exemplaire d’un projet qui prend acte de son réel poids environnemental afin de le dépecer à grand coup de tronçonneuse pour en faire un feu d’artifice de choix verts. Au final, dans les deux cas, il y aura un hôtel incroyable à remplir de touristes. Mais c’est seulement pour le deuxième que les fripouilles seront confondues… et que la population locale aura envie de chanter la ritournelle « Haut les mains, donne-moi ton cœur! ».

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