Chronique de Brigitte Lavoie: Tous champions!

Par Brigitte Lavoie 12:00 PM - 17 octobre 2018
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Les bouteilles et cartons recyclables se retrouvent dans la poubelle dans de nombreux restaurants.

Ça m’arrive à l’occasion. Surtout quand on est au bout du monde, quelque part dans un patelin traversé par la grande route. Tu aurais le goût d’un menu du jour servi par une Solange enjouée dans un relais de camionneurs à l’ambiance amicale où on sert une savoureuse soupe aux légumes bien assaisonnée et des « fish and chips » maison. C’est l’endroit où il y a seulement les biscuits soda et le beurre qui sont emballés. Et que Solange va ramasser.
Mais ces endroits sont devenus rares… les camionneurs apportent leur lunch, faut croire. Alors dans ce patelin du bout du monde où tu t’arrêtes pour faire le plein d’essence, tu te sustentes à six mètres de la grande route en commençant par faire la file indienne. Quand c’est ton tour de commander, la préposée au service à la clientèle s’appelle Nancy et elle te donne inévitablement l’impression d’être le client le plus lent de la terre à choisir ton fabuleux menu.
Tu finis par t’assoir avec un plateau bien garni de boîtes et de gobelets qui t’as coûté le prix d’un menu du jour roast-beef maison sans les coupons-rabais. Tu avales ton repas tiède en 5 minutes 45 secondes assis sur une chaise froide et dure. Au moment de libérer les lieux de cet efficace repère de la sustente, tu restes un peu étonné devant la poubelle à battant. Que veux-tu, ça fait longtemps que t’avais pas fait ce genre de sortie… Ton plateau est rempli de plats de services cartonnés et de papiers recyclables, et sans doute compostables, mais la seule et unique option dans la valorisation de tes déchets du midi est cette grande poubelle qui prendra le chemin du site d’enfouissement de la petite localité où tu t’es arrêté, mais que tu n’as pas visitée. T’as l’impression d’être dans un monde parallèle où l’environnement n’a jamais fait les manchettes.
Sur le site internet de la multinationale inscrite à la bourse chez qui tu viens de manger, quand tu écris le mot « environnement » et « gestion des déchets » dans le moteur de recherche, on te propose des informations sur les conditions de travail et les emplois disponibles… Environnement de travail… ah bon.
Sur ton trajet, sur la grande route ou les petits rangs, même à 107 km/h, tu pourrais compter le nombre de gobelets et d’emballage de repas qui traînent sur l’accotement. Il y a aussi un grand assortiment de cannettes et de bouteilles d’eau, comme celle que tu t’es achetée en cours de route parce que tu avais oublié ta gourde. Tous ces objets à utilisation unique sont recyclables. C’est ce que dit le site internet d’une autre chaîne de restauration rapide où tu t’es arrêté plus tôt faire le plein de café. Une fois de plus, c’est le monde parallèle.
Dans ce monde parallèle, comme dans la réalité, ton geste de jeter tes déchets par la fenêtre est dérisoire, isolé et n’a aucun impact. Tellement dérisoire que grâce à chacun de nous, Coca-Cola, PepsiCo, Nestlé, McDonald’s et Tim Hortons sont les champions au Canada de la pollution plastique[i]. Leurs gobelets et autres ustensiles utiles sont partout dans le paysage. Mais pas de panique sur le Titanic, nos gestes sont de tout petits gestes, insignifiants, qui laissent à peine une trace dans le décor…
T’as fait la route en un temps record. Un vrai champion. Mais quand tu es revenu à la maison, t’étais encore plus convaincu que t’allais continuer de faire de petits gestes. De trier tes ordures, de composter tes restants de table au fond de ta cour, de trimballer ta gourde, de faire tes lunchs. Parce qu’au final, si jeter ses restants par la fenêtre de la voiture ça finit par compter, tout le reste compte aussi. Tous champions!
[i] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1128666/coca-cola-pepsico-nestle-pollution-plastique-classement-greenpeace

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