Ma Société: Vaut-il mieux en rire?

Par Emelie Bernier 2:28 PM - 7 janvier 2018
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Chaque 31 décembre, elles s’incrustent dans nos veillées. Certains quittent la fête pour s’y river, tandis les autres boudent un peu parce que la dilution des convives a généralement pour effet collatéral de mettre de l’eau dans le vin de la fête. Qu’on les trouve drôles ou pas, on adore les critiquer. Une chose est sûre, on n’y échappe pas: les revues de l’année.
Elles jettent un regard parfois caustique sur l’actualité des 12 mois fraîchement écoulés. On rit jaune, mais on rit quand même. On rit gras, pour rester dans le thème
« tourtière, beignes et ragoût de pattes ». On rit pour ne pas pleurer.
Faites l’humour pas la guerre! À se ronger les sangs, on préfère se faire sécher les dents, surtout quand l’heure est à la fête.
Ce n’est pas d’hier que l’on délaye le tragique avec la farce! Faire du drame une blague est un processus qui permet de contourner la réalité, de l’alléger. Comme sucrer le café ou mettre du tonic dans le gin. Bien avant la réalité augmentée existait la réalité édulcorée. Parlez-en aux Guignols de l’info….
En me tapant en différé les revues de l’année, j’ai ri et je l’assume. J’ai trouvé ça marrant qu’on se moque de Trump en reprenant les comptines de Passe-Partout. J’ai adoré le Kim Jong-Un d’Anne Dorval. J’ai apprécié la qualité visuelle du « remake » de Ça avec Lauzon dans le caniveau. J’ai trouvé cinglantes et succulentes les capsules Belle cause pour la cause sur les désordres psychologiques des Michaëlle Jean, Manon Massé ou Gaétan Barrette… Safia Nolin les a trouvées déplacées. La santé mentale serait-elle le dernier tabou?
J’ai aimé le graphisme stylé qui ponctuait chaque mois de la revue de l’année d’Infoman et la façon allègre qu’avaient politiciens et personnalités de se prêter au jeu déjanté de Dufort et sa bande. Vive l’autodérision. Même les moins sympathiques de nos élus y prennent du galon.
J’ai aimé qu’on aborde le sensible sujet des migrants, notamment qu’on joue au lancer du lourd préjugé, une façon fine de traiter d’un sujet pas fin. En espérant que ça en inspire quelques-uns… Ceux qui ont lu le journal de la semaine dernière comprendront que les migrants et les réfugiés sont pas mal plus mal pris que nous. Ils ne débarquent pas ici pour abuser de notre système, voler nos emplois et nous imposer leur religion. Ils débarquent ici pour sauver leur vie. Final bâton.
Il ne faudrait pas oublier que l’humour n’est qu’un filtre coloré sur la réalité, beaucoup plus crue, et moins hop la vie hop la joie. Aristote parlait de la tragédie grecque comme d’une purgation des émotions par la réinterprétation. L’humour a un peu le même effet, atténuant les consternations le temps d’un Bye-Bye, d’un Tourlou 2017, d’un À l’année prochaine…
Début janvier. Pour l’instant, on ne peut que spéculer sur la matière première qui inspirera les créateurs des revues de l’année 2018. Il y aura sans aucun doute des scandales politiques, quelques affaires de mœurs, des parodies d’émissions « dounes ». On verra encore le toupet jaune coiffer le front tout le tour de la tête de Donald Trump et le visage poupin et vilain de Kim Jong-Un, en espérant qu’ils ne se tirent pas sur la tronche d’ici là.
Rira bien qui rira le dernier, mais d’ici là, écoutez un peu moins de télé et frottez-vous un peu plus à la réalité! Lisez les nouvelles, celles de vos médias de proximité, mais aussi celles d’ailleurs. Décrochez des écrans pour vous accrocher à la vie vraie de vraie, avec ses nuances, ses éclats, ses douleurs aussi. Mais de grâce, ne faites pas fi du réel! Et soyez vigilants. Il y aura toujours quelque part quelqu’un qui essaiera de vous faire des accroires… et c’est encore plus vrai en cette année électorale!

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