La tradition vivante

Par Emelie Bernier 11 mai 2010
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Partout ou presque, le plastique a remplacé le bois, le béton a détrôné la pierre et des alliages peu coûteux ont supplanté l’infaillible fer forgé. Malgré ce progrès discutable, des artisans d’ici portent encore fièrement des savoir-faire souvent hérités de leurs pères, mais plus rarement transmis à leurs enfants. Dans l’espoir que ces savoir-faire leur survivront, cinq artisans ont accepté de se prêter au jeu de la pérennisation.

 

Viateur Gaudreault, Daniel Savard, Jean-Marie Thibault, Jean-Claude Tremblay et Jacques Vaillancourt ont en commun  un indéniable talent manuel qu’ils mettent au profit du patrimoine. Ces porteurs de tradition témoignent désormais de leur maîtrise de techniques appelées à disparaître.

 

C’est à la firme Cinémanima, spécialisée dans le patrimoine et la muséologie, et à la réalisatrice Nicole Catellier qu’on a confié le mandat d’immortaliser les cinq personnages et les techniques qu’ils maîtrisent, celle de la pose de tôle à la canadienne comme celle des assemblages en tenons et mortaises par exemple.

 

Jacques Vaillancourt, ferblantier-couvreur, crée de ses mains chacune des pièces utilisées pour l’installation de toitures de tôle traditionnelles. Ses techniques font école.« J’ai commencé très jeune avec mon père qui était le plus gros entrepreneur de Québec. On est une dizaine à faire ce que je fais à Québec et il y a des jeunes qui apprennent sur le tas, comme on a appris. La pose de tôle à la canadienne comme on le fait aujourd’hui, un morceau à la fois, c’est moi qui l’ai inventée », explique-t-il, modeste. Il est content d’avoir participé au projet de la MRC de Charlevoix. « J’aime que le monde apprenne comme j’ai appris. » Avec 82 000 heures d’ouvrage à son actif, M. Vaillancourt n’a pas encore accroché son tablier.

 

Le menuisier et ébéniste Viateur Gaudreault a aussi commencé son apprentissage auprès d’un prédécesseur, son beau-père Lucien Bouchard. Il travaille encore dans l’atelier de ce dernier, aujourd’hui décédé. Ses fenêtres, assemblées le plus souvent sans clous et toujours avec minutie, font le plaisir des amoureux de patrimoine. « C’est un beau métier. Durant le tournage, j’en ai profité pour dire des choses que peu de gens savent, pour que ça se transmette. Ceux qui veulent préserver le patrimoine, ils viennent me voir », explique-t-il entre deux coups de scie. L’homme maîtrise aussi l’art de tresser la babiche.

 

Jean-Claude Tremblay, quant à lui, a une longue histoire d’amour avec les bateaux. La restauration de la Marie-Clarisse, c’est lui. ‘C’était un beau défi, il fallait utiliser les mêmes méthodes et les mêmes matériaux que dans le temps.’ Maquettiste, il se spécialise dans les bateaux du 17e siècle. Celui qu’il construit actuellement sera une création absolue. ‘C’est le premier que je fais sans kit.’ Il a beaucoup aimé l’expérience du tournage. ‘J’ai même appris des choses sur ma vie’, rigole-t-il.

Le projet fait suite à un inventaire mené en 2007 en collaboration avec le Musée de Charlevoix et dont l’objectif était d’identifier les porteurs de tradition. Les courts-métrages ont été réalisés grâce à l’entente de développement culturel entre la MRC de Charlevoix, le CLD de la MRC de Charlevoix et le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine au coût de 11 800$. Une seconde phase à laquelle participeront quatre autres porteurs de tradition est prévue. « La MRC de Charlevoix jugeait important de consigner et conserver des traces de nos savoir-faire et de promouvoir ces artisans qui ont les compétences pour intervenir sur nos biens patrimoniaux », explique Annie Vaillancourt, agente de développement culturel à la MRC de Charlevoix.

 

Les courts-métrages issus de ces rencontres sont diffusés sur le site web de la MRC de Charlevoix au www.mrccharlevoix.ca dans la section « culture et patrimoine », tandis que la version intégrale des entrevues sera sous peu archivée au Centre d’archives régionales de Charlevoix.

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