Une recette pour faire lever la conscience sociale

Par Emelie Bernier 9:00 AM - 5 mars 2024
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Autour des grandes tables dispersées dans la salle communautaire, les trios s’affairent. Il y a l’huile, la farine et les flocons d’avoine à mesurer, les carottes à peler puis à râper, les œufs à casser, les ingrédients secs à mélanger aux ingrédients liquides, les épices à saupoudrer… 

« Oups, on a mis les carottes dans les ingrédients secs! C’est grave, madame? »

Si peu, les enfants! Ici plus qu’ailleurs, c’est l’intention qui compte. Et très noble est d’ailleurs cette intention. 


Ce jour-là, deux classes de 5e année de l’école Forget de Baie-Saint-Paul joueront les cuistots d’un jour dans le cadre d’un atelier du projet Communoterre, l’initiative qui a fait l’objet d’un reportage dans nos pages (édition du 21 février). Trois ans après son idéation, le projet est bel et bien lancé. 

Chaque degré scolaire est associé à un thème du monde agroalimentaire, servi à la sauce locale (les cinq sens, les fleurs comestibles, les fruits d’ici, les trois sœurs -maïs, haricot, courge-, les légumes de conservation, les grains entiers et céréales).

Les plus grands concluent leurs parcours « communoterre » avec de l’acquisition de connaissances pratiques sur les fines herbes et les choix de consommation (local, emballage, éthique…). 

Outre de palpitantes sorties sur le terrain, des rencontres intergénérationnelles avec divers groupes d’aînés viennent ponctuer le tout! Imaginez le bonheur des résidents des Bâtisseurs quand la joyeuse marmaille débarque à la cafétéria…

Popote solidaire 

Des ateliers de cuisine au centre communautaire sont réservés aux plus âgés, les 4e, 5e, et 6e années. C’est à eux que revient le privilège de côtoyer certains chefs de la région et de « popoter » pour ceux qui en ont besoin, hélas de plus en plus nombreux dans notre si joli coin de pays, comme le relate Guylaine Corriveau, intervenante au soutien budgétaire dans le volet pauvreté du Centre communautaire Pro-Santé. 

Elle se fait un point d’honneur de mentionner la provenance des denrées préparées par les élèves. 

« C’est un groupe d’enfants avec tel chef qui vous a fait ceci… on le dit! Et les jeunes écrivent des petits mots gentils sur les sacs dans lesquels les muffins sont distribués aussi. Le côté que j’aime, c’est de voir que l’animatrice prend le temps d’expliquer ce qu’est la banque alimentaire, ce que fait le centre communautaire. Ça vient bonifier l’expérience. On a tellement une belle implication de la communauté, des restaurateurs, des producteurs et le mix avec l’école est vraiment une plus-value. »

Les questions candides des enfants l’émeuvent. « Est-ce que vous donnez juste des muffins? Qui vient à la banque alimentaire? Pourquoi? En expliquant que certaines personnes, dans certaines circonstances, ont besoin d’un coup de pouce comme celui que nous offrons, on déstigmatise. »

Et les jeunes, eux?

« Les élèves sont vraiment fiers de faire ça! Ils ne font pas juste du potage, des galettes, des muffins… Ils fabriquent de la fierté! Dans leur cœur, ce sont les bénévoles de l’année. Et ils comprennent que ça peut arriver à tout le monde d’avoir besoin d’aide », relate Josianne Ménard, enseignante. 

Au final, peu importe si les carottes ont été mélangées aux ingrédients secs plutôt qu’aux ingrédients liquides, si untel s’est un peu râpé le bout du doigt ou s’il y a de petits morceaux de coquille dans la pâte… Parce qu’entre les graines de lin moulues et la muscade, les super bénévoles juniors auront surtout déposé une grosse tasse d’amour pur dans leurs muffins destinés à la clientèle de la banque alimentaire du Centre communautaire Pro-Santé. 

Et qu’au-delà d’une recette, ils auront appris les rudiments de la solidarité et de la conscience sociale.

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