La précarité énergétique frappe près d’un ménage sur cinq, selon une équipe de la Chaire de recherche du Canada en logement, communauté et santé de l’Université McGill qui étudie le phénomène depuis maintenant quatre ans.
La précarité énergétique fait référence à la difficulté d’avoir accès ou d’avoir les moyens de bénéficier de services énergétiques à la maison, de pouvoir maintenir des températures confortables au sein de celle-ci et de vivre dans la dignité, explique Mylène Riva, titulaire de la chaire de recherche et professeure agrégée au département de géographie de l’Université McGill.
Selon elle, cette précarité énergétique revêt différents visages. «On voit la précarité énergétique par exemple pour des ménages qui doivent décider où allouer le budget mensuel, donc soit payer les factures de l’électricité ou mettre de la nourriture sur la table»., dit-elle.
«La précarité énergétique, c’est pas juste une facture que les ménages reçoivent qui est élevée pour leur capacité de payer, c’est aussi des conditions de logement inadéquates», nuance la professeure, en citant en exemple les maisons mal isolées, celles avec des problèmes de moisissures, ou des logements plus humides et difficiles à chauffer.
État de la situation au Canada
Une des plus récentes études de l’équipe de chercheurs a été publiée dans la Revue canadienne de santé publique en 2023, et tentait d’explorer l’association entre la précarité énergétique des ménages canadiens et la santé en se basant sur les données de l’Enquête canadienne sur le logement de 2018.
«On a observé des associations statistiquement significatives entre le fait de vivre dans un ménage en situation de précarité énergique et rapporter une plus faible santé générale et une faible santé mentale», conclut Mme Riva.
Une autre de leurs études, publiée par Energy Research and Social Science, en 2021, révèle que 19% des ménages canadiens seraient en situation de précarité énergétique, trois points de pourcentage de plus qu’au Québec. La situation demeure particulièrement préoccupante dans les Maritimes, là où un ménage sur trois serait affecté.
À cet effet, les résultats obtenus par la Chaire de recherche du Canada en logement indiquent que la précarité énergétique touche davantage les zones rurales. Plusieurs facteurs contribueraient à cette disparité, comme le statut socio-économique des ménages, mais aussi la composition du logement. «Ce qu’on voit en milieux ruraux, c’est des maisons qui sont plus grandes. (…) et des opportunités d’emploi qui sont différentes», précise Mme Riva.
Une transition énergétique injuste?
Si l’enjeu de la précarité énergétique est longtemps demeuré dans l’ombre des politiques publiques, le sujet refait surface alors que le Canada cherche à mener sa transition énergétique, selon les chercheurs.
Or, les programmes provinciaux et fédéraux sont loin d’être équitables et rejoignent principalement les personnes plus nanties. «La majorité des programmes qui existent en ce moment ciblent les ménages qui sont propriétaires et souvent les ménages propriétaires avec une capacité d’emprunter pour effectuer des rénovations écoénergétiques ou avec la capacité de payer pour les rénovations et se faire rembourser à travers les programmes plus tard», indique Mme Riva.
Celle-ci mentionne que cette transition énergétique s’opère au moment où les ménages canadiens traversent «une crise de l’abordabilité». Selon elle, les programmes doivent tenir compte de la dimension de l’équité pour s’assurer que la transition puisse être l’affaire de tous et de toutes.
«Lutter contre la précarité énergétique est essentiel pour une transition énergétique équitable et pour la résilience climatique», mentionne d’ailleurs l’étude publiée en 2023.
Une batterie de tests à venir
Mylène Riva admet que beaucoup de travail reste à faire afin de brosser un portrait fidèle de la précarité énergétique au Canada.
Dans un premier temps, son équipe poursuit sa collaboration avec Bridgewater, en Nouvelle-Écosse, pour évaluer les impacts d’un de ses projets visant à réduire les coûts de l’énergie et développer des solutions abordables. En 2022, l’équipe a réalisé une enquête auprès de quelque 500 résidents de Bridgewater et les résultats ont été particulièrement révélateurs. 38% des répondants seraient en situation de précarité énergétique, 12% ont affirmé avoir eu du mal à dormir l’hiver précédent parce qu’il faisait trop froid dans le logement et 8% ont rapporté pouvoir voir leur souffle dans le logement, indique Mme Riva.
Puis, la Chaire de recherche du Canada en logement, communauté et santé continue de récolter des données au Québec et souhaite accorder une attention particulière à la situation des locataires.
Les chercheurs organisent également un colloque sur la question lors du 91e congrès de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences (ACFAS), en mai. «C’est un thème qui gagne en importance et en intérêt», se réjouit Mme Riva.
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