Des sauvetages qui pourraient être évités

Par Emelie Bernier 8:00 AM - 30 juin 2021
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Une partie de l’équipe de sauvetage TNO. Courtoisie.

Alors qu’une troisième évacuation a dû être orchestrée dans le parc des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie en un mois, la Sépaq et l’équipe de sauvetage TNO rappellent qu’il importe d’aborder des défis à sa mesure et de partir préparés.

Depuis l’ouverture du sentier de l’Acropole-des-Draveurs du parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie le 22 mai, déjà trois randonneurs se sont retrouvés en fâcheuse position, nécessitant des opérations d’évacuation majeures par l’équipe de sauvetage TNO (des Territoires non organisées).

La Sépaq et l’équipe de sauvetage TNO réitèrent leur invitation aux randonneurs à se préparer davantage et à faire preuve de prudence sur les sentiers.


De bonnes chaussures avec un soutien à la cheville et des semelles antidérapantes, de l’eau en quantité suffisante, une collation, des vêtements chauds au cas où la température chuterait au sommet: pour les randonneurs expérimentés, cette liste d’items à emporter avec soi lors d’une excursion en montagne relève de l’évidence. Toutefois, de plus en plus de néophytes veulent conquérir des sommets sans s’y être adéquatement préparés.

«Ces trois sauvetages en si peu de temps sont une bonne occasion de faire de la sensibilisation. Toutes proportions gardées, il n’y a pas une explosion de cas problématiques, mais le fait qu’on soit plus nombreux dans les parcs implique qu’il y a plus de chance que des gens se tournent une cheville… Ce n’est pas une catastrophe, mais il y a certainement un peu plus de risques compte tenu de l’achalandage et des nouveaux utilisateurs», indique Simon Boivin de la Sépaq


Daniel Groleau, directeur des parcs nationaux des Grands-Jardins et des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie, constate que la clientèle des parcs change, un «cadeau» de la pandémie qui, depuis mars 2020, force les Québécois à vivre leurs vacances dans la province. Il rappelle toutefois que l’an dernier, aucun incident notable n’a eu lieu.

«Il faut respecter ses capacités physiques. Une ascension de 848 mètres comme celle de l’Acropole, ce n’est pas rien. Il faut se garder des forces pour la descente qui est souvent plus exigeante sur les muscles et articulations. L’Acropole-des-Draveurs n’est possiblement pas le bon sentier pour commencer sa saison de randonnée si on sort d’une période moins active durant l’hiver. Lors d’une visite aux Hautes-Gorges, pourquoi ne pas faire le Riverain par exemple qui est un sentier qui offre des vues spectaculaires, si jamais on se sent moins prêt à affronter l’Acropole?», propose-t-il.
La «culture de la randonnée pédestre en montagne» doit faire partie des discussions.


«C’est un travail essentiel pour tous les partenaires gestionnaires de cette activité et de l’ensemble des partenaires touristiques. C’est un gros travail de sensibilisation que nous devons continuer de faire tous ensemble. Nous avons un territoire exceptionnel pour développer cette activité qui vient avec une responsabilité de sensibiliser les randonneurs», insiste le directeur général des parcs charlevoisiens.


«Les pompiers volontaires ainsi que les employés de la Sépaq affectés à la descente des victimes, courent eux aussi des risques de blessures lors de chaque intervention. Descendre une victime sanglée sur une civière dans un sentier étroit et abrupt est très exigeant», indique une récente publication sur la page Facebook du parc des Hautes-Gorges. Simon Boivin et Daniel Groleau rappellent eux aussi que les évacuations ne sont pas sans risque pour les équipes des sauvetages (voir autre texte), d’où l’importance de les éviter le plus possible.

«La question qui nous est souvent posée, c’est «si je me blesse, comment aller vous me secourir?». C’est donc important de sensibiliser la population à cette réalité et c’était l’objectif derrière notre récente publication», conclut Daniel Groleau.

Des risques pour les sauveteurs aussi

La MRC de Charlevoix-Est est l’une des premières au Québec à avoir mis en place une équipe de sauvetage pour intervenir sur les territoires non organisés, les ZECS et les territoires sous la gestion de la Sépaq. Depuis sa mise en place il y a environ 10 ans, l’équipe, qui compte aujourd’hui 17 membres, a effectué une cinquantaine de sauvetages.

Selon le coordonnateur de l’équipe, Toby Jean, les interventions des dernières semaines auraient facilement pu être évitées.

« La première victime avait l’air préparée, elle avait des bottes de marche, mais elle n’avait peut-être pas la capacité physique de faire cette randonnée. La seconde a été motivée par son copain et un ami, mais elle a eu de la difficulté à la descente. Elle était en espadrilles. Ça se fait, mais c’est moins efficace que des bottes, c’est certain», dit-il.

L’histoire du plus récent sauvetage, qui a eu pas plus tard que le lundi 28 juin, est similaire.


Toby Jean tient à saluer les membres de l’équipe qui n’hésitent pas à sauter dans leur voiture pour participer à ces opérations de sauvetage qui ne sont pas de tout repos.


«Pour le sauvetage du samedi 19 juin, on a eu l’appel à 18h20 et huit pompiers se sont présentés. Plusieurs n’étaient pas disponibles et c’est normal. Six ont monté l’Acropole et on a eu l’aide de trois gardes parcs, qui ont été super bons. On est arrivé en bas à 1h30 du matin. Une fois, on est parti à 21h pour ressortir du sentier… 14h plus tard. On en travaille un coup. C’est extrêmement physique!», indique Toby Jean, qui est aussi préventionniste à la MRC de Charlevoix-Est.

Bientôt sur vos écrans?
Radio Canada a approché Toby Jean. La télévision d’état envisage de réaliser un reportage pour mettre en lumière le travail de l’équipe de sauvetage composée de citoyens.

«On a tous des jobs, on n’a pas besoin de ça pour vivre, mais quand les gars reçoivent l’appel, ils y vont! Et ils montent l’Acropole puis la redescendent chargés avec un blessé s’il le faut!», lance M. Jean, rappelant que les membres sont des pompiers volontaires des brigades de Saint-Aimé-des-Lacs, Notre-Dame-des-Monts et Clermont.

« Des gars comme Claude Ouellet, Gilles Gaudreault, Daniel Boies, Alain Bouchard, Denis Desbiens, Christian Gagnon, Serge Audet, ils sont en forme, mais ce ne sont pas des athlètes. Ils ont le cœur gros comme la montagne! Chaque fois, on se demande s’ils vont être capables, mais ils y vont! À sa dernière montée de l’Acropole avant qu’il arrête, Ernest Guay avait 69 ans et il s’est jamais plaint. Il n’aurait jamais abdiqué… On doit leur donner du crédit! J’aimerais ça qu’ils aient cette reconnaissance », indique Toby Jean.


Abondant dans le même sens que la Sépaq, il invite les randonneurs à affronter des défis à leur portée et bien équipés.
«J’aimerais que les gens soient conscients que les risques qu’ils prennent sont un risque pour les équipes de sauvetage aussi», conclut-il.

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