Ces jeunes étudiants qui paient leur appartement pour rien

Par Emelie Bernier 5:00 PM - 7 octobre 2020
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Près du tiers des Québécois emprunteraient de l’argent pour des dépenses courantes. Photo archives

Les jeunes Charlevoisiens qui poursuivent leurs études à l’extérieur de la région ont en commun l’obligation de devoir se loger loin du foyer familial. En cette année particulière où une vaste majorité des cours sont donnés de façon « non présentielle », payer un appartement équivaut pour les jeunes sondés à jeter leur argent par les fenêtres.

Vincent Couturier

Comme plusieurs de ses amis, Vincent Couturier doit continuer de payer pour la location de son appartement qu’il n’habite pas. 460$ s’envolent de son compte chaque mois. « J’étudie en administration, c’est ma première session à l’Université Laval. En janvier, j’avais trouvé un appartement et signé un bail qui débutait en juillet. C’était avant que toute l’histoire de la COVID arrive ici… Je ne pensais pas que ça allait dégénérer comme ça», explique-t-il.

En août, il a su qu’aucun cours présentiel n’exigerait sa présence, une façon de faire qu’il apprécie, mais qui hypothèque sérieusement sa vie sociale. Il a d’abord tenté l’expérience de vivre et d’étudier à Québec. «Tous mes cours sont 100% en ligne. C’est plate. J’étais à Québec, mais je ne rencontrais personne, je ne pouvais pas sortir dans les bars et cafés… Comme je voulais redescendre les fins de semaine pour travailler dans la région, je ne voulais pas passer d’une zone rouge à orange et mettre le monde à risque », dit celui qui poursuit donc ses études à partir du foyer familial où il économise à tout le moins sur l’épicerie et autres frais connexes. Philosophe, le jeune homme fait contre mauvaise fortune bon cœur. « Je me dis que l’appartement, je l’aurais payé pareil, que je sois là ou pas. Je ne peux pas mettre la faute sur qui que ce soit », lance-t-il.

Laurence Tremblay paie 600$ chaque mois pour un appartement désert. «C’était ma première année seule en appartement. C’est beaucoup d’argent, c’est un peu choquant de payer ça et de ne pas en profiter », dit celle qui avait pris grand soin de la décoration de son nouveau cocon. À l’instar de Rose Tremblay et Vincent Couturier, elle se trouve quand même chanceuse de pouvoir vivre chez ses parents où elle ne paie ni l’Internet, ni l’électricité, ni la bouffe. «À la maison, je n’ai pas d’autres dépenses au moins», dit-elle.

La jeune femme qui étudie en criminologie à l’Université Laval est elle aussi déçue de voir sa vie universitaire gâchée par la pandémie. « Tout ce qui entoure l’école fait aussi partie de la vie universitaire : aller au pub avec les amis, étudier à la bibliothèque, dans des cafés… Je trouve ça plate de manquer ça», dit-elle. « Je m’étais fait des amis de partout et je ne peux pas les voir. Même ici, la vie sociale est restreinte. On est tous dans le même bateau…»

Rose Tremblay

Rose Tremblay étudie en pharmacie, à l’Université Laval. À temps plein dans Charlevoix. « J’avais trouvé mon appartement en janvier. Il faut le faire d’avance si tu veux trouver quelque chose de bien », dit-elle. Son appartement n’est pas vide, puisque ses deux colocataires l’habitent. Elle espérait les rejoindre en janvier, mais une lettre datée du 2 octobre a confirmé que les cours seraient donnés «majoritairement» à distance cet hiver.

Elle demeurera chez ses parents toute l’année. «Ça reste que c’est un peu choquant de voir la ponction dans mon compte chaque premier du mois pour le loyer d’un appartement que je n’habite pas… », dit celle qui ne peut risquer de voyager entre les zones rouges et oranges.

« Mon frère et moi faisons de l’arthrite, on a un système immunitaire très faible. Ma grand-mère reste à côté de la maison. On s’est dit qu’on ne voulait pas s’exposer inutilement ni la mettre à risque. »

Thomas Desgagné

Thomas Desgagné avait choisi de terminer son DEC au Cégep de Sainte-Foy, parce que cette institution offrait des cours qui l’intéressaient. Joueur de soccer, il souhaitait s’investir dans le sport scolaire et prendre un an pour s’adapter avant sa rentrée à l’université.

Finalement, l’attrait de la formation en présentiel l’aura incité à annuler son inscription à Sainte-Foy pour demeurer au CÉCC. «On a su que ce serait à distance le jour même qu’on a reçu notre horaire, même si on nous avait initialement dit que ça devait être hybride. En plus, je n’avais même pas à l’horaire les cours que j’avais choisis », confie le jeune homme.

Son appartement est vide et il tente de le sous-louer. Un étudiant français s’y intéresse et Thomas croise les doigts.

« Si je peux sous-louer, je vais sauver un 12 000$!», dit le jeune homme qui travaille au casino et qui a vu ses heures fondre comme neige au soleil… « Il y a beaucoup de réduction d’heures. Heureusement que mes parents m’aident! »

 

S’adapter à l’école virtuelle

Étudier seul, en « mou » devant son ordinateur, comporte son lot d’avantages, mais aussi ses défis. Étudiant en administration, Vincent Couturier s’en sort assez bien. «Ça se passe bien, c’est une différente façon d’étudier. J’aime bien l’aspect « cours en ligne », tu fais ça n’importe quand, mais ça prend beaucoup d’organisation et de temps. Il faut être à son affaire! », indique-t-il.

Il constate que l’université et les professeurs font des efforts pour rendre le tout fluide. « L’université a bien adapté son site, les profs sont habitués, puisqu’ils ont eu une première pratique en fin de session au printemps. C’est bien fait. En math, le professeur filme son écran pendant qu’il parle. Le prof d’économie fait des podcasts, je l’écoute en m’entraînant! » illustre-t-il.

Laurence Tremblay confie qu’elle doit parfois chercher la motivation. «Avec les cours en ligne, au lieu d’aller directement en classe selon un horaire précis, c’est toi qui décides quand tu fais ton cours. Si ça ne te tente pas et que tu le repousses, il y a un risque que ça s’accumule », dit-elle. Ses profs donnent les cours de manière synchrone (elle peut y assister en direct via Internet), mais ils sont aussi enregistrés et restent en ligne quelques semaines. Elle constate que la charge de travail est plus grande. « J’ai décidé de garder mes cinq cours cette session-ci, mais si c’est en ligne l’an prochain, je vais diminuer. C’est beaucoup et on a plus de travaux parce que les profs veulent moins donner d’examens», dit celle qui souhaite retourner à l’école le plus rapidement possible.

Suivre des cours en présence est beaucoup plus motivant pour Thomas Desgagné qui a choisi de revenir à La Malbaie pour terminer son DEC au CÉCC. «Je me suis dit que tant qu’à faire mes cours à distance enfermé dans mon appart, c’est vraiment plus motivant en présentiel. On se sent moins isolé.

L’étudiante en pharmacie Rose Tremblay espère un retour à la normale. « Je ne sais pas si je vais renouveler mon bail… À quoi ça va ressembler l’automne prochain? En pharmacie, ils veulent qu’on ait des cours en présence, c’est primordial, alors dès qu’on va pouvoir, on va avoir des cours en présence. Là, on fait les laboratoires à la maison… c’est sûr que ce n’est pas l’idéal!»

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