Charlevoix entre hospitalité et hostilité: ce qu’ils en disent

Par Emelie Bernier 5:59 PM - 19 mai 2020
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Les points de contrôle sont levés depuis lundi dans Charlevoix, bien que les voyages non essentiels interrégionaux ne soient pas recommandés encore.  Les avis sont divisés sur la question de la réouverture puisque Charlevoix est jusqu’ici épargnée par le coronavirus qui fait des ravages dans la communauté métropolitaine de Montréal. Reconnue pour son hospitalité, est-ce que la région,  berceau de la villégiature, sera à la hauteur de sa réputation? Nous avons demandé à des élus et des intervenants des secteurs économiques et touristiques de partager leur opinion sur la question.

 

Jean Fortin, maire de Baie-Saint-Paul

«Je pense que les intervenants touristiques sont prêts à accueillir le tourisme, mais que pour la population, c’est une autre affaire. Il y a beaucoup de craintes. La pandémie n’est pas finie! Cependant, les commerces, les épiceries se sont donnés des façons de faire sécuritaires, il y a une discipline collective et individuelle qui est là. Nous sommes prêts, mais pas pour le « free for all ». Je n’étais pas un grand partisan de la fermeture de la région au départ, mais depuis le début, je me fie à ce que la Santé publique nous recommande. On va continuer de travailler en ce sens. Baie-Saint-Paul, c’est une ville de tourisme et de culture et ce sont vraiment les parents pauvres dans cette pandémie…  Un jour, il faut que la vie reprenne, mais évidemment, on a tous un peu peur, on ne se le cachera pas. On vient d’annoncer que le train ne redémarrera pas cet été… Qui va avoir envie de prendre le train avec tout ce qu’on entend sur les métros, les transports en commun? On espère d’un autre côté que les gens d’ici vont être respectueux envers les visiteurs.  Il va falloir se reconditionner à être accueillants!»

 

Gilles Charest, propriétaire des Galeries L’Harmattan et Art et Style à Baie-Saint-Paul

«D’après moi, la région va ouvrir très lentement vu que la consigne est encore de changer de région le moins possible. Mon impression est que ce sera d’abord des gens de Québec, qui veulent sortir un peu. Les séjours avec nuitées, ce ne sera pas tout de suite. Je pense que les Charlevoisiens qui sont rébarbatifs à l’ouverture de la région ne sont pas en affaires. La région vit du tourisme! Sans tourisme, des commerces vont fermer, l’économie va souffrir. Ce que je constate chez les commerçants que je côtoie, c’est qu’eux sont prêts. Je pense qu’ils seront accueillants, encore plus que la normale!  Pour moi, il est temps que ça bouge, il faut faire rouler notre économie! Je suis assez optimiste, mais il faut faire attention : les gens changent d’habitude très facilement et si on ne les accueille pas bien, les touristes vont aller ailleurs! »

Patrice Desgagnés, maire de L’Isle aux Coudres et co-propriétaire de la Cidrerie Vergers Pedneault, Biscuiterie Aux fruits du Biscuitier et Restaurant Le Corylus)

«On commence à avoir hâte que ça grouille,  mais il y a beaucoup de questions. Dans le domaine hôtelier, certains se demande si ça vaudra la peine ou pas d’ouvrir. Est-ce que le tourisme va reprendre pour la peine? Ils se préparent, mais il y a beaucoup d’inconnu. Pour notre part, le restaurant devait ouvrir début mai. On en profite plutôt pour faire des travaux… C’est sûr que de fonctionner à 50% de notre capacité ne serait pas l’idéal. D’un autre côté, on doit offrir à nos visiteurs un accueil digne de ce nom! L’île est une destination vélo. Les gens qui font du vélo n’ont pas trop de contact avec les gens de l’ile, a part les commerçants, on doit être là! Si tout le monde respecte les consignes de la Santé publique, ça va aller. Je pense que c’est à la fois un besoin et un mal nécessaire que l’économie reparte! Si on ne relance pas l’économie, on va avoir d’autres problèmes! ! Et c’est toujours possible de faire marche arrière, si la courbe de la COVID prend la mauvaise tendance!»

 

Léa Proux, propriétaire de la Boutique Le pot aux roses et  présidente de l’Association des gens d’affaires de Baie-Saint-Paul

« Je suis mitigée par rapport à la réouverture. Il y a d’un côté ma vie entrepreneuriale où j’ai les bras grands ouverts et j’ai envie de dire aux visiteurs : venez-vous en, abandonnez nous pas! En plus de ma boutique, je fais de la location touristique et c’est vide! C’est beaucoup de pertes, financièrement. De l’autre, il y a ma vie ma petite vie tranquille avec mes enfants. On est bien dans notre cocon, on a peu de cas dans la région. Et on vient de vivre une rentrée scolaire!  J’en suis à un point où j’ai moins peur. On va prendre les mesures nécessaires, on s’adapte. La plupart des gens que je côtoie ont hâte que ça démarre, qu’on puisse faire ce qu’on fait de bien : accueillir! Il va falloir faire confiance au monde! Si les gens sont malades, j’imagine qu’ils ne sortiront pas… Je fais confiance à la vie! »

 

 

Christophe Dandurand, co- propriétaire du regroupement Chalets Spa Canada du Grand-Fonds  

« Quand je parcours les commentaires sur les réseaux sociaux, je suis très pessimiste quant au résultat. Les « restez chez vous » « Montréal dehors » « pas besoin de vous » etc etc ne sont pas acceptables par nos concitoyens. Il faudra que beaucoup baissent en intensité leur peur, pour être dans le même état d’esprit qu’il y a simplement cinq mois, avec nos touristes. Nous sommes une région d’hospitalité et d’ouverture et nous vivons tous en grande partie grâce à eux toute l’année. Si tout le monde par civisme respectent les barrières de sécurité, courtoisie, confiance et sérieux, alors oui je pense que nous pourrions recevoir nos touristes avec la même hospitalité ! Mais c’est loin d’être gagné.»

 

Raphaël Dubois, président de la Chambre de commerce de Charlevoix  

« Nous sommes responsables les uns des autres. Ça signifie que les entreprises touristiques doivent tout mettre en œuvre pour éviter la propagation du virus à la population. En contrepartie, la responsabilité de cette sortie de crise repose aussi sur les citoyens qui doivent accueillir adéquatement les touristes qui sont un des piliers de notre économie. Pour que nous puissions continuer à vivre ici dans Charlevoix, il faut maintenir un écosystème économique qui nous permette d’avoir des commerces de proximité, un emploi près de notre domicile, des restaurants, des boutiques, etc. Bref, pour maintenir notre qualité de vie, il faut accueillir l’autre chaleureusement, en gérant le risque. La question n’est pas de savoir si nous sommes prêts; nous devons l’être. Par responsabilité envers nos commerçants. »

 

Michel Couturier, maire de La Malbaie et propriétaire de Couturier, Mode & Travail

« De 1, oui, on ouvre le 18, mais on ne sera pas envahi de touristes la fin de semaine suivante! Il n’y a pas de restaurants, pas d’hôtels ouverts, aucun plan touristique imminent. On n’est pas prêt à ça! Ceux qui ont des résidences secondaires vont arriver en premier et on va être capable de mesurer les impacts de ça une quinzaine de jours après. Il faut avancer le déconfinement étape par étape, si on veut arriver à un semblant de vie normale! Moi, j’ai évolué depuis deux mois.  J’ai appris à ne pas serrer de main, à me tenir loin, à maintenir une distance et je ne suis pas le seul! C’est une gestion des risques et je pense que le gouvernement travaille bien. Personnellement, je suis confiant. »

Mitchell Dion, directeur général de Tourisme Charlevoix

« D’abord, on est bien conscients de ce qui se passe en ce moment. On sait que les gens ont des craintes par rapport à la relance touristique. Notre stratégie à court terme est de mettre en place des mesures sanitaires pour éviter de relancer une propagation. Ensuite, on se répète, mais il n’y a pas réouverture de l’industrie touristique le 18 mai. Dans les annonces qui ont été faites pour le plein air, c’était très clair que c’était à l’intention des populations locales. Ce n’est toujours pas une invitation à se déplacer entre régions. Le gouvernement continue de décourager fortement le voyage interrégionaux. Quant à savoir si cet épisode « Covid » va nuire à notre réputation d’hospitalité, c’est dur d’y répondre, mais personnellement, je trouve que les mentalités changent dans Charlevoix au fil de la crise. Au début, nous étions tous d’accord à fermer la région afin de se concentrer sur la crise sanitaire.  Malgré qu’il y ait encore de la réticence comme on peut voir à travers les pétitions, je trouve que nous sommes moins pires que d’autres régions. Dans certains cas, il y a eu des sorties politiques de maires très prononcés, ou avec des immenses pétitions avec un nombre monumental de signataires. De plus, je n’ai pas l’impression que cela va ternir notre image accueillante tant que cela. De toute façon, le vrai moment où ce sera déterminent, ce sera quand le temps sera opportun.  Quand les gens vont commencer à réserver et que l’on sera en relance, c’est là que l’on verra si l’on est capable d’avoir une attitude positive envers l’industrie. Finalement, Tourisme Charlevoix réfléchit à comment inclure la population locale dans son processus de relance. Dans notre démarche, la population aura sa place dans les actions, car c’est important que la population se sentent écoutée et partie prenante. Il est trop tôt pour définir comment. C’est important d’avoir des mesures qui les visent aussi. »

 

Antoine Neyron, propriétaire de l’Hôtel Baie-Saint-Paul et président du club de golf Le Loup

« La réalité nous rattrape, nous n’aurons pas le choix de trouver une façon de faire, mais elle sera différente. C’est une question de vie ou de mort. Je suis le seul hôtel à Baie-Saint-Paul, qui est demeuré ouvert. La crise nous a frappés comme un madrier en pleine face. Nous avons déjà aménagé des tables de pique-nique à l’extérieur. Nos serveurs et serveuses pourraient apporter la nourriture aux clients à l’extérieur. Notre service de restauration devra s’adapter. Ce ne serait pas rentable d’ouvrir si nous avons droit qu’à la moitié de notre salle à manger. Ceux qui ne veulent pas se réinventer devront fermer. »

 

Jean-Pierre Gagnon, maire de la Ville de Clermont.

« Je ne suis pas contre l’ouverture du barrage. On ne peut pas être barré éternellement. On a la chance d’avoir une région où nous n’avons pas du tout, ou du moins, très peu de COVID. Si nous n’ouvrons pas le 18 mai ce sera le 30, voire le 15 juin. On va ouvrir à un moment donné. Aussi, je comprends les gens qui payent des taxes, qui ont un chalet dans le bois, c’est assez dispendieux. Il y a des gens de Québec ou de plus loin qui ont des chalets et qui veulent en profiter. Je pense que si ces gens-là respectent comme nous autant que possible les consignes sanitaires comme la distanciation sociale, je pense que l’on va quand même bien s’en sortir. »

« Oui, on doit s’attendre à avoir quelques cas à certains endroits. C’est pourquoi nous n’auront pas le choix d’être très prudent.  On doit réapprendre à fonctionner et vivre avec ce virus pour les prochaines années. Il faut essayer de tous et chacun fasse sa part pour que tout aille bien. Les chances sont de notre côté ! »

 

Lyne Dufour, pharmacienne, propriétaire de la pharmacie Jean Coutu de Baie-Saint-Paul

«Il est vrai que ça peut être inquiétant d’ouvrir les régions et que le nombre de cas peut augmenter mais jusqu’à quand pourrons-nous demeurer en vase clos? Le touriste qui veut venir nous rencontrer va le faire en respectant les consignes et ils n’auront pas le choix. Économiquement, nous avons besoin de revenir à une vie plus « normale », nous aurons à vivre avec ce virus encore pour bien longtemps. À mon avis, attendre avant d’ouvrir la région ne va que retarder et non éradiquer le virus car assurément que nous aurons à affronter « la bête ».  mais nous serons outillés pour le faire. Donc oui nous accueillerons les touristes mais avec « distanciation ».»

 

Claudette Simard, mairesse de Saint-Urbain et préfet de la MRC de Charlevoix

«Tout d’abord,  je crois que notre réputation d’accueil n’est plus à faire. À partir de maintenant, rien ne sera plus pareil dans toutes nos activités culturelles, économiques, éducatives, de loisirs, sociales et touristiques. Nous devrons ensemble réaliser la plus importante planification stratégique en tourisme que le grand Charlevoix ait connu pour les années futures avec tous les intervenants de Tourisme Charlevoix ….Tous d’une seule voix pour le meilleur accueil touristique du Québec!»

 

Érick Tremblay, président de la Société de Développement Commercial du centre-ville de La Malbaie et copropriétaire du restaurant Belles et Bum :

« Au niveau de la réouverture, je pense qu’il est temps effectivement qu’il se passe quelque chose. Ça vient bien sûr avec une part de stress. On sait toutefois que nous avons peu de cas dans la région et que notre situation est positive. Oui, des gens de l’extérieur vont bientôt débarquer. Pour la réalité régionale, la réalité économique de tous et la réalité du Québec, c’est toutefois le temps qu’on lève certains barrages et le nôtre en fait partie. Je ne pense pas que cela va affecter notre réputation de région accueillante. Au contraire, je crois que les gens vont devenir conscients plus que jamais qu’il y a des destinations comme Charlevoix qui sont à voir et qui vont mettre de côté leurs vacances et leurs voyages hors-Québec pour visiter ces régions-là. Nous, on voyage beaucoup d’habitude et cette année on regarde où on pourrait aller. C’est sûr que l’on regarde le Québec plus qu’ailleurs ! La réflexion des gens va se faire autour de cela. Je pense que la réputation que Charlevoix avait au niveau de son hospitalité, de sa gastronomie, ses paysages et son plein air, ca va aider à la relance. »

 

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