Au front contre la COVID

Par Karine Dufour-Cauchon 11:20 AM - 6 mai 2020
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L’infirmier clinicien doit faire une tournée régulière des chambres des résidents de Courville. Les équipements de protection sont utilisés judicieusement afin de donner des soins de façon sécuritaire aux aînés ayant la COVID-19, tout en ne la propageant pas aux autres résidents.

Keven Gagné est parti au front. L’infirmier clinicien a quitté momentanément son poste à l’Hôpital de Baie-Saint-Paul pour se lancer dans une «zone de guerre » où la COVID-19 veut gagner du terrain. Il nous raconte pourquoi il s’est lancé volontairement dans cette mission humanitaire.

Le Nord-Côtier de 33 ans a adopté Charlevoix comme terre d’accueil il y a près de six ans. Détenteur d’un baccalauréat en sciences infirmières de l’Université de Chicoutimi, Keven Gagné travaille à l’Hôpital de Baie-Saint-Paul à l’unité d’hospitalisation de courte durée. En cette période de crise sanitaire, il a prêté son expertise au Manoir Courville de Québec, là où le besoin de main-d’œuvre est criant.

Le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Capitale-Nationale a dû placer la résidence pour personnes semi-autonomes sous tutelle. Keven raconte qu’à son arrivée, il y avait seulement un ou deux préposés pour l’ensemble des 70 résidents. Il a vécu un choc en constatant que les détresses psychologiques et les confusions étaient plus nombreuses que les détresses respiratoires.

« Je m’attendais à beaucoup de signes de la COVID: des états fiévreux, des toux et des détresses respiratoires, raconte l’infirmier. Mais ce n’était pas le cas. Quand on est arrivé, on a davantage remarqué des signes de déshydratation, de fatigue extrême, des états confusionnels. Il fallait s’assurer que les gens aillent bien».

Keven relate que les soins de base n’étaient plus prodigués aux usagers, faute de personnel. « Ces gens-là n’avaient plus accès aux services et aux soins de base. Les employés sur place étaient soit malades ou tout simplement partis. Les usagers sont d’habitude semi-autonomes. Ils avaient soudainement perdu toute leur autonomie. Notre prémisse était vraiment de les réhydrater, de les alimenter à nouveau. Une zone de guerre ! », soutient-il.

La mission dans laquelle il s’est « enrôlé » exige qu’il porte plusieurs chapeaux. «Par exemple, dans les premiers temps, on trouvait souvent les gens dans leurs selles par terre. Comme ils étaient déshydratés et confus, lorsqu’on leur demandait de se lever cela occasionnait des chutes. Mon rôle aurait été en temps normal d’évaluer les risques de trauma neurocranien et les signes neurologiques. Là, la grande différence, c’est que je dois faire l’évaluation clinique, nettoyer cette personne-là, nettoyer le plancher, les meubles si nécessaire et faire le suivi. Je suis à la fois un préposé aux bénéficiaires, un agent à l’entretien ménager, gardien de sécurité, en plus de mon rôle d’infirmier », raconte-t-il.

« On doit dire que le CIUSSS a fait véritablement preuve de leadership. Par leur bienveillance et la mobilisation de sages-femmes, de médecins et de gestionnaires, on se sent vraiment investis d’une mission humanitaire. Quand j’étais en congé chez moi, à Baie-Saint-Paul, je voyais ce qui se passait dans les médias et je ne pouvais pas rester à ne rien faire. Comme moi, la majorité des gens avec qui je travaille sont là par volontariat. Ils ont tous la même envie d’aider. On est vraiment en zone de guerre et tous font leur possible. Qu’on soit en zone verte, jaune, rouge, chaude, froide… On va la traverser cette tempête, tous ensemble, une paire de gants à la fois ! », conclut celui qui compte rester à Québec tant que « le front à Courville» aura besoin de lui.

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