Prête pour un Club Med ?

Par Dave Kidd 6 janvier 2016
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L’arrêt des discussions entre Groupe Le Massif et Club Med semble somme toute une bonne nouvelle car la région n’était pas prête. Nous ne sommes pas moins intelligents que les habitants des autres pays où l’on chante Haut les mains sur la plage. Notre faiblesse, elle concerne d’abord les infrastructures, mais surtout le « night life ».

Les Italiens, les Suédois ou les Chinois aimeraient sans doute aller au Casino et au Manoir Richelieu en Train léger. Après ça, ils feraient quoi? Ajoutons une visite des parcs nationaux et une croisière aux baleines. Disons que pendant trois des sept jours de leur séjour, Charlevoix peut les divertir. Maintenant, les quatre autres jours, ils les passent où ? Sur la Grande Allée, au Village des sports ou à Montréal ? Payant pour une région d’envoyer l’argent neuf ailleurs. C’est bien trippant chez Tony et Charlo, sauf que c’est le seul bar de la ville. Le déficit du volet amusement m’apparaît donc assez important. Peut-être que certains hommes d’affaires caressaient des projets dans ce domaine, mais avec l’annonce du 22 décembre, les plans ont pris le bord du bac bleu.

La réaction des élus surprend. Aucun n’est monté aux barricades. Personne n’a osé. L’interprétation du mot déception a été entendue sous toutes ses formes. Mais elle semble forcément petite, la déception, puisque personne n’a déchiré sa chemise pour un projet de 100 M$ mené en partenariat avec le géant mondial des vacances. Les élus espèrent que Daniel Gauthier sortira un plan B. Un village dans le village de Petite-Rivière-Saint-François ? Un hôtel au pied des pentes? Un concept inédit à Baie-Saint-Paul? La conversion du complexe des Petites Franciscaines de Marie en complexe récréotouristique ? Il me passe encore plein de concepts dans la tête. J’arrête ici, mon boss va devoir couper ma chronique.

L’implantation d’un Club Med n’était pas vue par tous comme la « bonne nouvelle ». Pour certains, c’étaient vendre son âme au diable. On craignait l’implantation d’un « resort », un second Mont-Tremblant. Par curiosité et surtout pour tirer ça au clair, je suis allé au Mont-Tremblant il y a quelques années. Je logeais au cœur du centre de villégiature. Savez-vous quoi? Je suis toujours vivant. Plus encore, j’ai trouvé ça cool. Le golfeur que je suis a encore la tête bourrée de souvenirs mémorables, dont l’impression d’être Phil Mickelson… le talent en moins!

Revenons au village. Les employés des commerces n’ont jamais hésité à me dire d’essayer des restaurants ou des activités à l’extérieur. La seule occasion où j’ai été en contact avec le « resort », c’est lorsqu’une employée d’Intrawest m’a proposé, en plein cœur du site, d’aller écouter une vidéo présentant les diverses destinations de la compagnie en échange de deux manteaux d’une valeur de 150 $, sans aucune obligation de ma part. J’ai refusé parce que la présentation était commencée depuis 30 minutes.

Prendre le plancher

J’étais là quand Daniel Gauthier a acheté la station de ski du Massif. C’était même mon « scoop ». J’étais là lorsqu’il a dit vouloir « réinventer l’expérience touristique ». J’ai couvert toutes ses annonces et conférences de presse et j’ai aussi vu migrer le projet « rassembleur qui a obtenu l’adhésion du milieu » à un projet d’affaires comme tous les autres. C’est tout à fait normal. Qui se lance en affaires pour perdre de l’argent ? Son rêve a séduit Charlevoix. Nos politiciens ont accepté toutes ses demandes. Ceux du Québec et d’Ottawa ont allongé les millions. Investissements Québec a même soufflé quelques réponses à la MRC de Charlevoix dans l’élaboration de son schéma d’aménagement. Un peu plus et on rebaptisait la MRC de Charlevoix pour celle du Massif!

Mais même aujourd’hui, sans être un fan, je crois encore Daniel Gauthier qui disait vouloir faire autrement. L’affaire s’est compliquée lorsque son banquier lui a dit que ça prendrait des entrées d’argent – beaucoup d’entrées – pour satisfaire les partenaires. J’ai entretenu des centaines de discussions avec des collègues sur ce projet et la manière de faire de l’homme qui a toujours refusé l’étiquette du sauveur. Cependant, la distance qui le sépare maintenant de Charlevoix semble aussi grande que celle séparant la terre d’où se déroule l’action de Star Wars. Ma principale critique est la suivante : « M. Gauthier, vous avez coupé le contact avec la région après avoir vu toutes vos demandes être acceptées. Tous croyaient que la “force était avec vous”. Vous êtes le patron et c’est vous qui devriez parler. Tous peuvent très bien comprendre qu’il n’y aura pas de deal avec le Club Med. Mais en demeurant dans vos bureaux sur le boulevard Laurier, vous maintenez la distance. Votre dernière sortie publique ici était ce déjeuner organisé par vos amis de la Chambre de commerce. Depuis, vous ne parlez plus. La nature a horreur du vide » .

Rappelons que dans les semaines précédant le dévoilement de son projet, Daniel Gauthier avait réuni une équipe d’étoiles. Diane Laberge, Jean-Michel Perron et combien d’autres. Son équipe jouissait d’une aura incroyable. Pour un homme d’affaires, recevoir un appel d’un membre de la garde rapprochée du président  de Groupe Le Massif symbolisait la réussite. Le Massif faisait figure de « rock star ». Avec lui, finis les hivers maussades et les étés pluvieux tellement on le percevait puissant. Le cofondateur du Cirque du Soleil revenait dans ses terres pour faire rayonner Baie-Saint-Paul et Charlevoix sur la planète. Aujourd’hui, où est l’effet « Wow »?

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