Stevens Gravel ne pourra pas poursuivre Transports Québec

23 novembre 2011
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Parce qu’elle questionne la responsabilité de Transports Québec en rapport avec l’accident survenu le 29 août, la victime, Stevens Gravel, voulait poursuivre le ministère, mais le «no fault» rend impossible sa quête de réponses.

Rappelons les faits. Tard la nuit, M. Gravel voyageait avec un ami, Jean-François Hovington. Leur voiture avait plongé dans un gouffre après que la route s’est affaissée, à la hauteur de Saint-Siméon dans Charlevoix, en pleine tempête. Prisonniers de leur voiture en flammes, ils avaient été secourus in extremis par des camionneurs et des automobilistes qui suivaient.

«Transports Québec a-t-il fait ce qu’il fallait ce soir-là? Avait-il assez d’effectifs? Aurait-il dû fermer la route? Aurait-il dû être au bon endroit au bon moment? Pour évaluer cette responsabilité, il faudrait poursuivre le ministère, mais on ne peut pas en raison du «no fault»», déplore la conjointe de M. Gravel, Claudine Émond.

Trois mois après l’accident, Stevens Gravel est toujours en fauteuil roulant, cinq jours par semaine en réadaptation. Une série d’opérations est prévue pour lui retirer les tiges de fer dans les jambes et dans le dos, sans compter sa dose quotidienne de 18 pilules. «C’est un châtiment pour quelqu’un qui aime la vie», laisse-t-il tomber en énumérant sa «nouvelle» vie.

«Ma vie, c’était de travailler, de pêcher, d’aller dans le bois. Tout ça, c’est fini pour moi. J’ai des séquelles permanentes. Mais pour les autres, faudrait changer la loi», implore l’homme de 41 ans, incapable de retenir quelques larmes. Son seul réconfort, c’est que l’accident dont il a été victime n’a pas touché des enfants.

Le couple avait évalué les dommages entre 5 et 7 millions $. Insatisfait des explications de Transports Québec qui soutient avoir fait ce qu’il devait, le couple demande à rencontrer le ministre Pierre Moreau, «pour lui dire que la loi n’a pas de bon sens». Ce dernier s’est dit ouvert à le rencontrer.

Au chapitre des mauvaises nouvelles, Mme Émond est estomaquée d’avoir reçu une facture de 1900 $ de la municipalité de Saint-Siméon pour son intervention du 29 août, deux semaines après l’accident alors que son conjoint n’était toujours pas sorti du coma!

«C’est un dossier bien monté au niveau des possibles négligences du ministère des Transports, sur le nombre de patrouilleurs qui circulaient ce soir-là, mais ils ne peuvent pas poursuivre en raison du «no fault»», confirme l’avocat Marc Bellemare, dont les modifications à cette loi sont un cheval de bataille depuis belle lurette.

Pour Me Bellemare, la loi fournit l’échappatoire voulue pour négliger ses responsabilités. «Ça crée un contexte où il n’y a pas beaucoup d’incitatifs pour le ministère à mettre des effectifs nécessaires ou corriger des lacunes», admet-il.

Le «no fault», en vigueur depuis 1978, ne s’applique pas uniquement aux automobilistes impliqués dans un accident, mais aussi aux constructeurs de voitures et de routes. C’est le même cadre législatif qui a notamment empêché toute poursuite dans le triste drame du pont de la Concorde. Le dernier jugement, datant de 1976, avait permis à un Gaspésien d’arracher 3 millions $ au gouvernement du Québec. «En 30 ans, il y a eu de nombreuses victimes qui ont essayé de poursuivre, mais qui n’ont jamais réussi», dit-il, tout en conservant l’espoir de faire modifier cette loi un jour.

 

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