Un directeur d'école témoigne.

Par Emelie Bernier 18 mai 2011
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Intervenant : Jocelyn Simard, directeur pour les 4 écoles de l’acte d’établissement de la Rose des vents.

Question: Est-ce que l’intimidation s’est amplifiée ces dernières années?

Réponse: Je pense qu’il y en a peut-être un tout petit peu plus, mais ça n’a pas tant changé, aussi bizarre que ça puisse paraître. On en entend plus parler cependant.  Il y a davantage de sensibilisation et d’éducation qu’il y a 15 ans, alors que les gens n’avaient pas la connaissance du phénomène! Et c’est la base : identifier ce qui se passe. Je constate que les enfants sont davantage capables de mettre des mots sur ce qu’ils vivent. Le point positif, c’est qu’on en parle, ce n’est pas tabou.

Q: Intimidateur, intimidé: qu’est-ce qui détermine les rôles?

R: C’est dans la nature humaine de vouloir se valoriser. Certains vont y parvenir grâce aux sports, à la musique, à leurs performances académiques… Certains de ceux qui vivent l’échec vont plutôt dénigrer l’autre. De l’autre côté, il y a des jeunes qui attirent l’intimidation, souvent parce qu’ils sont différents. La différence peut être au niveau physique, mais elle peut aussi être au niveau de valeurs, de l’éducation.  Il faut que tu sois capable de bien vivre avec ta différence pour assumer les confrontations, mais aussi faire des efforts pour t’intégrer, sortir de ta bulle.  C’est souvent une question d’acceptation de sa propre spécificité. Dans la vie d’un enfant, il y a trois sphères : l’individuelle, la familiale et  celle de l’école. On n’a pas de pouvoir sur les trois.  L’intimidateur, lui, a un besoin de domination. Il veut se valoriser devant ses pairs et cherche donc à répondre à un besoin lié à l’estime de soi. C’est sa façon de combler un manque.

Q: Comment peut-on lutter contre le phénomène?

R: Comme directeur d’école, je trouve plus facile de régler une « claque sur la gueule » que des manifestations d’intimidation. C’est tellement insidieux. Je pense que notre responsabilité comme parent et comme école, c’est d’outiller les enfants pour faire face à l’intimidation. Un des buts de la ministre, c’est de travailler sur le climat de l’école. Oui, il y a le développement des compétences, mais on devrait  aussi avoir un programme d’habiletés sociales, appliqué systématiquement  dans chaque école dès le préscolaire et jusqu’au secondaire. Il faut que tous aient le même vocabulaire pour résoudre les conflits.

Q: Quelle est l’approche privilégiée dans les écoles de l’acte touchées par le phénomène?

R: De la maternelle jusqu’à la 6e année, c’est la même stratégie, « Vers le pacifique », adaptée aux groupes d’âge. Ce sont en fait des outils de résolution de conflits. On a désigné des coins où on demande aux jeunes de se rencontrer en suivant les étapes : se calmer, se parler, chercher puis trouver une solution.  Il y a parfois une médiation. Depuis qu’on a instauré le programme en octobre, il y a eu plus de conflits que par le passé. Ce sont des conflits qui perduraient qui ont enfin éclaté au grand jour parce que les victimes avaient les outils pour s’exprimer.  La seconde étape, ce sera de former des sentinelles. Ça prend des systèmes de dénonciation.

Q: Mais encore?

R: Il faut que tout le monde mette l’école à la roue, ce n’est pas qu’une affaire de direction ou de prof! Les concierges, l’équipe du service de garde, l’employé de soutien : ils sont aussi responsables d’identifier le problème pour le résoudre. La pire chose qu’on puisse faire, c’est de jouer à l’autruche, c’est ce qui fait le phénomène prend de l’ampleur, Quand on sait que c’est tolérance 0, il y a un cessez d’agir.

Q: Quels conseils aux parents?

R: Souvent, autant les parents d’intimidateurs que d’intimidés ne sont pas au courant. Je dirais aux parents de la victime d’intimidation de garder le contact avec le jeune, de le questionner, encore davantage s’il y a un comportement de fermeture sur soi. Et de ne pas le juger. Il ne faut pas se gêner d’aller chercher de l’aide! Le premier geste, c’est d’en parler à l’école, de dénoncer. Parfois, des parents d’intimidateur sont dans le déni ou ils me disent « il fait ben », mais généralement, ils sont collaborateurs et veulent contribuer à trouver une solution. Cette ouverture est importante.

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