Des chercheurs américains ont constaté, à l’analyse d’une soixantaine d’échantillons de placenta, que chacun avait été contaminé par des microplastiques, rapporte une étude publiée récemment par le journal Toxicological Sciences.
Les échantillons provenaient d’une biobanque constituée entre 2011 et 2015, ce qui démontre que l’exposition des humains aux micro- et même aux nanoplastiques encore plus petits, même si elle retient actuellement beaucoup l’attention, ne date pas d’hier.
«On peut s’attendre à ce qu’il y ait d’autres études qui vont sortir avec des tissus plus récents», a estimé la professeure Cathy Vaillancourt, une spécialiste de l’implication des facteurs environnementaux sur la neuroendocrinologie du placenta humain à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).
«Mais pour moi, ce que ça démontre, c’est que (le placenta) doit être étudié. Si on est déjà exposés in utero à ces agents-là, c’est doublement important de faire les réglementations en fonction de, et d’avoir des lignes directrices qui sont pour, les personnes enceintes.»
Les chercheurs américains ont trouvé des concentrations allant de 6,5 à 790 microgrammes de microplastiques par gramme de tissu. Ils ont principalement détecté du polyéthylène (qui entre dans la fabrication des sacs et des bouteilles de plastique), des PVC et du nylon dans leurs échantillons.
Les particules de micro- et de nanoplastiques proviennent de la dégradation d’articles de plastique plus gros. La taille des microplastiques va d’un micromètre (soit un millionième de mètre) à environ cinq millimètres. On mesure la taille des nanoplastiques en milliardièmes de mètre. En guise de comparaison, la circonférence d’un cheveu humain est d’environ 70 micromètres.
Les particules de nanoplastiques sont tellement infimes qu’elles peuvent entrer dans la circulation sanguine (par exemple, en franchissant la barrière intestinale) et se rendre directement aux organes.
L’impact sur la santé humaine de ces particules est encore mal compris, mais elles interfèrent possiblement avec le fonctionnement de certains organes (dont le cerveau) et avec celui du système reproducteur. Elles pourraient aussi avoir des propriétés cancérogènes, être une source de stress oxydatif et imiter l’action de certaines hormones (ce qu’on appelle des perturbateurs endocriniens). D’autres études les impliquent dans des maladies inflammatoires de l’intestin.
«Ce qu’on sait avec des modèles animaux, c’est qu’ils (les plastiques) altèrent la structure et donc les fonctions du placenta, a souligné Mme Vaillancourt. Et toute altération, tout défaut ou toute modification du fonctionnement placentaire est un indice que quelque chose est survenu durant la grossesse, et ça peut avoir des impacts chez le bébé à court, moyen et long terme sur sa santé, mais chez la maman aussi.»
Le placenta existe pour protéger aussi bien le bébé que la mère, poursuit-elle, «mais à un moment donné, il dépasse cette capacité-là, et on sait que des altérations au niveau du placenta ou dans son fonctionnement vont être associées à des problèmes de développement».
«On a souvent tendance à penser que le placenta est une barrière (…) de sûreté, puis que ce qui ne traverse pas de la maman au bébé n’est pas dangereux, mais c’est un mythe parce que ce qui affecte le placenta va affecter le bébé, même si ça ne se rend pas au bébé», a prévenu Mme Vaillancourt.
Une problématique inquiétante
Mais la problématique des nanoplastiques est encore plus inquiétante et plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord, prévient le professeur Daniel Cyr, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en toxicologie de la reproduction à l’INRS.
Les microplastiques, rappelle-t-il, peuvent causer de l’inflammation, et l’inflammation aura comme effet «d’ouvrir» des barrières cellulaires qui resteraient autrement fermées.
«Et ce n’est pas seulement le type ou la grosseur du plastique, a indiqué le professeur Cyr. Il y a de plus en plus d’études (qui montrent) qu’il y a un paquet d’autres molécules qui peuvent se lier aux plastiques, comme des polluants, des pesticides, des hydrocarbures, des métaux… On n’avait pas réalisé que tous ces produits-là peuvent être transportés par les microplastiques vers certains organes.»
Les microplastiques, dit-il, permettent à ces substances indésirables de «contourner» les systèmes de défense de l’organisme pour en infiltrer les moindres racoins.
La question qui se pose dès lors, évidemment, est de savoir si et comment il est possible de minimiser notre exposition à ces particules.
«Ça fait plusieurs années qu’on dit aux gens de faire attention, de ne pas réutiliser les plastiques jetables, a rappelé le professeur Cyr. On utilise de moins en moins de plastiques, on en relâche de moins en moins dans l’environnement, mais ça va prendre un effort grandiose parce que (les plastiques sont) vraiment la nouvelle dioxine des années 2000. Autant dans le temps on parlait de la dioxine comme étant répandue partout, autant les nanoplastiques sont rendus partout sur la planète, et la seule façon d’arrêter ça, ça va être de cesser de les utiliser.»
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