Bien que minuscule, elle est le nouvel ennemi à abattre, celle que l’on craint plus que la peste et dont le territoire s’étend vitesse grand V, gracieuseté des changements climatiques. Même si les risques ne sont pas encore énormes dans notre coin de pays, une rencontre de trop près avec elle peut sérieusement gâcher votre existence : la tique à pattes noires.
Il y a quelques années, le territoire de la tique à pattes noires, vectrice de la maladie de Lyme, semblait s’arrêter pile poil à la frontière des États-Unis. Puis l’Estrie, la Montérégie, l’Outaouais, la Mauricie-et-Centre-du-Québec ont accueilli bien malgré eux l’indésirable qui continue d’étendre tranquillement son territoire. La Capitale-Nationale et la Côte-Nord n’y échappent plus. Trois cas de maladie de Lyme ont été diagnostiqués sur la Côte-Nord en 2016, 2018 et 2020.
Najwa Ouhoummane et Miarisoa Rindra Rakotoarinia sont toutes les deux conseillères scientifiques spécialisées à l’Institut national de santé publique du Québec. Elles en connaissent un bout sur les arbovirus, ces maladies transmises par les insectes.
« On peut considérer la maladie de Lyme comme un enjeu de santé publique, en raison de la progression continue de cette maladie au Québec« , indique la première sans détour. »D’une année à l’autre, on voit les cas qui augmentent et de nouveaux secteurs qui deviennent endémiques, c’est-à-dire où le risque est élevé. »
Les tiques, de plus en plus abondantes, se déplacent de plus en plus du sud vers le nord. Les virus pathogènes transmis par les moustiques et les tiques suivent évidemment cette progression géographique de leurs hôtes.
C’est notamment le cas du virus du Nil oriental (VNO), spécialité de Miarisoa Rindra Rakotoarinia. « Plusieurs études suggèrent qu’il va y avoir un développement des espèces vectrices vers le nord, en fonction des changements climatiques », commente-t-elle.
En ce qui a trait aux tiques, la période où elles sont actives s’allonge. « Normalement, elles étaient actives de mai à octobre, mais actuellement, elles le sont parfois à partir du mois de mars, jusqu’au mois de novembre », explique l’épidémiologiste Najwa Ouhoummane.
Là encore, le réchauffement est pointé du doigt. « On s’attend à avoir des printemps plus tôt en saison. La fonte des neiges va favoriser la formation des eaux stagnantes, qui vont favoriser à leur tour le développement des larves. Les larves parviennent à hiverner. Si on a une fonte qui arrive plus tôt, on pourra avoir aussi des moustiques plus tôt », indique-t-elle.
Les deux spécialistes se font malgré tout rassurantes.
« Il faut savoir que tant la problématique de la maladie de Lyme que du VNO sont des problématiques bien connues et prises en charge. Des systèmes de surveillance sont mis en place depuis plusieurs années et permettent de suivre l’évolution de ces maladies. L’INSPQ et la direction de Santé publique travaillent en collaboration, pour suivre la situation et mettre en place des mesures préventives adéquates. Qui plus est, la maladie de Lyme répond bien au traitement antibiotique qui est efficace surtout s’il est donné rapidement », indique Najwa Ouhoummane. « L’être humain n’est infecté que lorsqu’il y a débordement du cycle naturel », ajoute pour sa part Miarisoa Rindra Rakotoarinia.
Quoi qu’il en soit, pas question de vous encabaner!
« Le message n’est pas d’arrêter de faire des activités à l’extérieur! Mais il est important d’adopter des mesures de prévention pour se protéger contre la piqûre de tique. On a la chance d’avoir un bon système de santé publique. Les risques par rapport aux arbovirus ici au Canada demeurent relativement faibles par rapport au reste du monde », conclut Najwa Ouhoummane.
Quoi faire pour éviter les morsures de tique?
-Portez des vêtements longs et couvrez votre peau le mieux possible (portez des souliers fermés, glissez vos bas de pantalon dans vos chaussettes… Le chic de l’été!)
-Utilisez un chasse-moustiques à base de DEET ou d’icaridine en suivant bien les instructions (les bébés et les femmes enceintes ne devraient pas s’en asperger la peau)
-Privilégiez la marche dans les sentiers plutôt que dans les herbes hautes
-Entretenez bien la végétation autour de votre maison, particulièrement près des aires de jeu des enfants.
Lorsque vous rentrez d’une activité extérieure, faites un examen visuel des parties exposées de votre corps, de celui de votre enfant et de celui de votre animal de compagnie. Lorsque vous apercevez une tique, il est essentiel de l’enlever avec précaution pour éviter de la briser. Il est recommandé de conserver la bestiole dans un petit flacon au réfrigérateur. N’oubliez pas de vérifier vos équipements : souliers, sac à dos… Les tiques ne résisteront pas à un tour de 10 minutes dans la sécheuse à température élevée.
Etick.ca : au rapport, camarade!
L’application etick.ca est à la fois une plateforme d’identification des tiques et une mine d’informations pertinentes.
Grâce à etick.ca, vous pourrez non seulement faire confirmer si, oui ou non, la « bibitte » dont vous acheminez la photo est bel et bien une tique à pattes noires, mais aussi consulter une carte de tous les endroits où des tiques à pattes noires (et d’autres espèces également) ont été dûment authentifiées.
Pour Charlevoix, par exemple, on constate que des tiques ont été identifiées aux Éboulements, à Clermont, à Petite-Rivière-Saint-François, Saint-Urbain, Baie-Saint-Paul, Saint-Hilarion, Sainte-Agnès depuis la mise en place de la plateforme en 2017. En 2023, le 24 mai, une infâme Ixodes scapularis a été identifiée formellement sur un animal dans le secteur du parc des Grands-Jardins et le 27 mai à La Malbaie. Sur la Côte-Nord, par exemple, une même tique a été identifiée sur un animal à Forestville le 16 mai.
Depuis 2017, 44236 ont été répertoriés sur le site. Seulement en 2023, 1022 « rencontres » avec tiques à pattes noires ont été répertoriées au Québec.
Saviez-vous que…
-Une tique peut prendre 100 fois son poids lors du repas sanguin. (Source Institut national de santé publique du Québec)
-La tique à pattes noires compte 8 pattes. Elle fait donc partie de la famille des arachnides, au même titre que les araignées.
– On compte 900 espèces de tiques dans le monde dont une douzaine au Québec. La tique à pattes noires est, pour le moment, la seule connue qui transmette la maladie de Lyme.
PPE pour prophylaxie post-exposition
(EB) Horreur ! Vous avez trouvé une tique sur votre peau, ou celle de votre enfant. Non seulement est-elle bien accrochée, mais son volume laisse supposer qu’elle a eu tout le loisir de « luncher »… Le risque que vous (ou votre enfant) contractiez la maladie entre tout à coup dans le champ des probabilités.
D’une seule dose, une PPE, ou prophylaxie post exposition, est disponible. « La prophylaxie est un antibiotique classique qu’on utilise pour traiter plein de choses et qu’on retrouve dans toutes les pharmacies. Ça fait deux ans maintenant que les pharmaciens sont autorisés à le prescrire, selon différents critères. Par contre, ce n’est pas systématique : ce n’est pas n’importe qui, qui se fait piquer par une tique, à qui on va donner une prescription », indique Simon Rebillard, futur pharmacien propriétaire chez Jean Coutu Baie-Saint-Paul. Le pharmacien, insiste-t-il, demeure le professionnel vers qui se tourner lorsqu’on fait une rencontre d’un peu trop près avec une tique.
« Il y a des critères qui vont nous guider dans l’administration de la PPE, selon l’évaluation clinique, les symptômes… Certains sont plus alarmants que d’autres. Le secteur géographique, à quel moment la tique a-t-elle été décrochée, les rougeurs, par exemple. Charlevoix n’est pas encore considéré comme un secteur géographique visé, mais cela évolue selon les données scientifiques », indique M. Rebillard.
« L’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) estime que le risque global de contracter la maladie de Lyme après une piqûre de tique à pattes noires est estimé à 1-3 % dans les zones à haut risque (où 12 à 50 % des tiques sont infectées). Le risque de transmission s’accroît notamment avec la durée de l’attachement de la tique (…). Selon deux études réalisées chez l’humain, le risque de développer un érythème migrant pourrait atteindre 25 %, si la tique à pattes noires est restée accrochée à la peau de la personne au moins 72 heures. »
Les premiers signes de la maladie de Lyme apparaissent généralement entre 3 et 30 jours après la « rencontre ».
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