Pandémie: les musiciens sur la touche (partie 2)

Par Emelie Bernier 4:00 PM - 24 février 2021
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Les salles de spectacles sont fermées depuis plusieurs mois. Et personne ne sait quand elles rouvriront.

Depuis mars, outre quelques petites éclaircies ici et là, les arts de la scène sont dans le brouillard. Alors qu’on annonce la réouverture des cinémas, les portes des salles de spectacles, elles, demeurent bien closes. Comment les artistes composent-ils avec cette pause forcée?

«Paradis blanc»

2020 aurait dû être l’année de Geneviève Jodoin. Celle qui a remporté la Voix en mai 2019 et lancé un 4e album, J’ai toujours su, en novembre, avait un carnet de tournée bien remplie pour l’année honnie. «La pandémie? Je la vis de plein fouet! J’ai eu quelques spectacles cet été, mais plus rien ou presque depuis plus de 3 mois. Des dizaines de shows ont été annulés parce que les salles de spectacles sont fermées », explique l’artiste.

On a pu la voir sur quelques plateaux de télévision dans les derniers mois, notamment En direct de l’univers. « Faire des émissions de télé, c’est vraiment agréable! On se retrouve enfin à faire ce qu’on aime, de la musique avec nos amis musiciens. Mais quand tu n’as plus de show à vendre… J’ai dû annuler tout ce qui s’appelait promotion et je ne paie plus d’attaché de presse parce que je n’ai rien à promouvoir! C’est un peu sombre comme constat, disons », lance-t-elle en rigolant malgré tout.

«Je ne suis pas stressée financièrement parce qu’on s’était bien préparé, mais disons que j’ai vraiment hâte de retrouver le public, de faire ce que je préfère : chanter! »

Elle se compte chanceuse de vivre sur L’Isle-aux-Coudres, dans un environnement dont la beauté parvient à faire oublier les aléas de l’époque. « Heureusement que je suis ici, que j’ai le fleuve pour garder le moral!»

Un été à dessiner à La Fascine

Responsable de la programmation de spectacles à son auberge, La Fascine, Geneviève Jodoin a jusqu’ici plus de questions que de réponses sur l’été qui s’en vient. « C’est dur de ne pas savoir. Est-ce que je fais une programmation que je vais devoir débâtir comme l’an dernier? Ça m’obsède! À ce moment-ci, normalement, j’aurais la moitié de «cannée». J’aurais au moins contacté les artistes et en mars, j’aurais eu fini! »

Elle ne désespère pas d’accueillir les artistes à l’ile, mais préfère attendre plutôt que de se tordre le cœur à annuler les spectacles. «J’ai l’intention de mettre des shows, bien sûr. Dès que je vais avoir le go, peu importe le nombre de personnes, mais pour l’instant, j’attends un minimum de paramètres. Qu’est-ce que ce sera, les mesures en vigueur cet été? »

L’an dernier, elle s’était « revirée de bord » pour remonter une programmation après l’assouplissement des mesures. « J’ai été capable de reconstruire en 2 semaines la programmation que j’avais dû annuler. Je vais être encore capable!», lance-t-elle.
Et quand remontera-t-elle sur les planches?
« C’est la grande question. Les concerts s’annulent les uns après les autres parce que les salles sont fermées. Ceux qui étaient prévus en mars sont annulés. Certains shows, ça fait 3 fois qu’ils changent de date. Les « bookers », ils mériteraient des médailles… »
En attendant, Geneviève chante, bien sûr, mais elle écrit peu. «J’essaie de composer, mais je n’ai pas envie de me rappeler de cette période. C’est un peu contre nature. »
J’ai essayé, mais les textes sont teintés de ce qui se passe. Je n’ai pas nécessairement envie de graver ça sur disque. J’ai plutôt envie de passer à autre chose! »

 

«J’en ai plein mon cass»

Comme la plupart de ses collègues musiciens, Nicolas Tétreault ne l’a pas eu facile dans les derniers mois. «On a eu notre lot de défi, disons! Au premier confinement, j’ai donné plein de cours en ligne, j’ai pratiqué beaucoup! Mais au second, la motivation m’a laissé tomber», confie-t-il.
S’il est parvenu à remettre la machine en marche, il a perdu énormément de parts de marché à Québec. «Je n’ai plus de show… J’ai vraiment hâte de jouer devant du monde !»

Arrangeur et compositeur, Nicolas Tétreault a profité de cette période de flottement pour travailler sur le projet de disque de David Létourneau. L’album sortira cette année. «J’ai fait les arrangements et on a presque fini l’enregistrement. On a fait les voix avec Sébastien Rivard, des lignes de guitares chacun de notre côté, une partie des « tracks » au Pantoum…On a pu se voir un peu quand c’était déconfiné», explique-t-il.

Le processus a été plus laborieux qu’en temps normal, mais ils ont pu y consacrer davantage de temps. «Je suis confiant que le résultat sera à la hauteur du travail qu’on met dans le projet !»
En plus de travailler sur le disque de son ami Létourneau, Nicolas Tétreault complète sa maîtrise en musique et enseigne en ligne la guitare, la basse et le ukulele en ligne.

Il a profité du confinement pour travailler sur ses propres compositions et sur un disque à son nom, largement instrumental. Le temps n’est cependant pas élastique pour le père de deux enfants. « Je suis papa a la maison. Ce n’était pas possible d’avoir les deux enfants à la même garderie alors on a fait ce choix et financièrement, c’est mieux. Disons que mes revenus ont pas mal fondu… », dit Nicolas Tétreault.

Dire que le marché des soirées cocktail corporatives et des spectacles de jazz dans les restaurants et les bars n’est plus ce qu’il était est un euphémisme!
Autour de lui, plusieurs de ses amis musiciens se sont tournés vers un plan B. « J’évalue toutes les options. C’est certain que si ça dure trop longtemps, je vais devoir faire un « move » et penser à me trouver un emploi dans un autre domaine… mais j’espère continuer à faire ce que j’aime. »

 

«Donnez-moi de l’oxygène»

Annie Turcotte, au centre, avec des membres de la Société lyrique de Charlevoix.

Choriste au sein du Chœur polyphonique depuis la genèse de l’ensemble il y a plus de 22 ans, membre active de la chorale de l’église de Notre-Dame-des-Monts et de la Société lyrique de Charlevoix, Annie Turcotte chante comme elle respire. Et les derniers mois l’ont privé d’une bonne part de son oxygène. «La musique a arrêté en mars et à partir de là, il y a eu de gros trous dans mon horaire. Avant, tout était organisé autour des répétitions, pour le chœur, les concerts, les Dimanches lyriques, les spectacles au marché de Noël, les funérailles à l’église… », indique-t-elle.

Depuis mars, elle tente de garder la motivation de chanter. «Pratiquer toute seule, c’est plate, mais de temps en temps, j’ai des petites bourrées. Je dois continuer à pratiquer mes pièces pour les funérailles, par exemple, ne serait-ce que pour entraîner ma voix », indique-t-elle. Elle s’ennuie beaucoup de l’énergie de l’ensemble. « Le chœur est quasiment une famille! Mon horaire a toujours été fait en fonction des répétitions du mardi. »

L’avenir est incertain. «Tout est sur la glace. Le chœur, pour l’instant, on oublie ça. On a quelques pièces à monter, dans l’espoir de faire les Dimanches lyriques, mais réunir 50 personnes dans une petite salle au Carrefour culturel, avec la moyenne d’âge de notre public? Il ne faut pas se faire d’illusions. J’aime autant ne pas me faire trop d’attente pour pas être déçue! Et l’église? On ne sait pas non plus. Tant qu’on doit restreindre à 25 pour les funérailles, les gens, pour la plupart, ils attendent! »
Annie Turcotte n’est pas du genre à se tourner les pouces. Elle s’est réinscrite a des cours de karaté. «Ça faisait 25 ans que je n’en avais pas fait et là, j’ai repris, avec ma fille. Je fais 4 ou 5 cours par semaine, sur zoom. C’est bien le fun, mais rien ne remplace la musique!»

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