Formation rémunérée et salaires bonifiés pour les préposés aux bénéficiaires : une offre qui “fera mal” dans les résidences pour aînés

Par Emelie Bernier 12:08 PM - 4 juin 2020
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Marie-Pierre Bouchard, directrice de la Résidence Au Gré du Temps de Saint-Urbain. Archives.

Plusieurs gestionnaires des résidences pour aînés (RPA) sont inquiets. À moins de recevoir une aide conséquente du gouvernement, ils ne seront pas en mesure  d’offrir les mêmes conditions à leurs préposés aux bénéficiaires (PAB) que celles récemment annoncées par le gouvernement Legault.

Marie-Pierre Bouchard, directrice de la Résidence Au Gré du Temps,  doit déjà composer avec une équipe de PAB réduite depuis le début de la pandémie et le recrutement n’est pas une mince affaire. « J’ai 3 préposés qui sont partis depuis le début de la pandémie dont un au profit du CIUSSS et un autre à la Résidence des Bâtisseurs. Les deux milieux offrent des meilleures conditions que nous.»

En tout, 7 à 8 préposés se partagent les quarts de travail à la résidence de Saint-Urbain. « Mes occasionnels sont maintenant à temps presque plein et je cherche quelqu’un qualifié pour faire les chiffres de nuit que je suis incapable de trouver. Je viens d’écrire un courriel au CIUSSS pour qu’on m’aide. Mes préposés sont vieillissants, ce sera un véritable problème tantôt. Ils vont tomber à la retraite et je devrai les remplacer, mais les salaires ne sont pas compétitifs », indique-t-elle.

L’offre alléchante de Legault creuse encore davantage le fossé entre les conditions dans les CHSLD publics et celles dans les RPA. « Ce que je crains le plus, c’est que le gouvernement ne donne pas la subvention aux résidences pour aînés pour équivaloir au salaire des PAB en CHSLD.  Présentement, nous leur offrons entre 17 et 19$/heure. Difficile de rester compétitif et attrayant quand les CHSLD offrent 26$/h », illustre Mme Bouchard qui a elle-même songé à changer de camp. « C’est certain que ça va faire mal.»

“Déshabiller Pierre pour habille Paul”

« C’est certain que cela est très tentant pour les PAB, mais ils/elles sont au courant que le travail en CHSLD est beaucoup plus exigeant que chez-nous, il y a aussi la qualité de vie dans le travail.  Les PAB en parlent et nous sommes, comme tout le monde,  inquiets de ce qui peut se passer », indique Alain Madore, directeur de la Résidence des Bâtisseurs à Baie-Saint-Paul.

Pour l’instant, aucun membre de son personnel n’a donné sa démission, mais la crainte est réelle. «C’est un peu déshabiller Pierre pour habiller Paul! Nous avons tous la même clientèle, soit nos personnes ainées et vulnérables », indique celui qui attend toujours l’arrivée de renfort en provenance de Madagascar pour compléter son équipe de préposés aux bénéficiaires.

Le milieu mobilisé

Le Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA) accueille «avec consternation» les récentes annonces concernant l’ attestation d’études professionnelle (AEP), rémunérée 21 $ l’heure et les salaires bonifiées à 49 000$ annuellement des préposés en CHSLD. Les «effets néfastes» se font déjà sentir, selon Yves Desjardins, président-directeur général du RQRA qui craint littéralement un  bris de service à  court  et moyen termes dans le secteur de RPA.

Le Regroupement brandit le spectre des fermetures de résidences, ce qui aurait pour conséquence de déraciner les aînés de leur milieu. Le maintien du financement des primes salariales (4 $/heure), la bonification du crédit d’impôt pour le maintien à domicile et l’application d’une méthode de fixation des loyers tenant mieux compte de la réalité des résidences pour aînés sont des pistes de solution proposées par le RQRA.

Les RPA hébergent 130 000 aînés à l’échelle de la province. 

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