Merci, monsieur le professeur Duguay

Par Jean-Sébastien Tremblay 1:36 PM - 31 octobre 2018
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Treize ans plus tard, la classe de « Monsieur Gilles » est toujours située au même endroit qu’à l’époque : troisième étage, à droite, au bout du corridor de droite. Les élèves s’assoient encore en paire derrière les mêmes bureaux de bois. La vue de la ville de La Malbaie et du fleuve Saint-Laurent au-delà des fenêtres arrière est toujours une oeuvre d’art en soi.
Malgré toutes ces similarités, les murs de la classe revêtent un différent visage. Entre le tableau périodique des éléments et le tableau blanc interactif gracieuseté du jadis gouvernement libéral de Jean Charest, le béton blanc beige est recouvert par les assemblages de photos captées lors de l’activité Dreamteachers et Trioophm, des créations de Gilles Duguay.
Innover pour la réussite scolaire
Dreamteachers est un spectacle présenté au public mettant en vedette les enseignants et les élèves de l’École secondaire du Plateau qui jouent ensemble de la musique. Cette collaboration iconoclaste permet de mettre en valeur les talents artistiques et les habiletés de chacun, peu importe leur rôle respectif dans l’écosystème scolaire.
Ensemble, ils s’unissent dans le cadre d’un projet créatif et enrichissant. « Lorsque les jeunes font de la musique, ils ne font pas de mauvais coups ! », rigole-t-il. Aussi, ce dernier souligne que liens créés entre les jeunes et le personnel favorisent la réussite scolaire.
Aussi, l’enseignant de mathématiques, de chimie et de physique au cinquième secondaire a mis sur pied l’activité Trioophm il y a cinq ans. « [Cette dernière] permet à une trentaine d’élèves méritants de faire le tour de Charlevoix à bord de voitures exotiques à la fin de l’année scolaire », avance-t-il.
Sa genèse est le fruit d’une collaboration entre les frères Duguay, Roger complétant le duo. Ce dernier, qui a aussi grandi à Saint-Irénée et à l’École secondaire du Plateau, occupe maintenant un poste important dans le Québec inc. montréalais.
Il a réussi à mobiliser des hommes et des femmes ayant connu eux aussi du succès dans le monde des affaires, comme le dragon François Lambert, afin qu’ils valorisent la réussite scolaire des jeunes d’ici.
« Les élèves ne sont pas choisis au hasard. Ils sont sélectionnés par les enseignants qui ont remarqué leurs efforts et leur persévérance », explique M. Duguay. L’an dernier, certains récipiendaires étaient en situation d’échec. « Les progrès d’un jeune qui a travaillé fort pour passer de 30% à 58% méritent d’être soulignés. Pour lui, cela peut faire toute la différence », déclare-t-il.
Au-delà de l’expérience sensorielle procurée par les bolides haut de gamme, leurs petits habitacles sont propices aux échanges et à la confidence. Les jeunes découvrent le parcours des conducteurs et peuvent s’en inspirer. Quant à eux, les conducteurs découvrent la résilienceb et la vivacité d’esprit de la jeunesse charlevoisienne. Ils en ressortent tout aussi grandis.
« Sky is the limit »
Dans mes souvenirs d’adolescent, Gilles Duguay m’apparaît comme étant l’enseignant m’ayant le plus motivé à atteindre l’excellence. Entre deux notions de chimie, il n’hésitait pas à parler de réussite professionnelle et financière, des thèmes encore mal vus dans notre société moderne au fond judéo-chrétien.
Il aborde toujours ces sujets avec ses étudiants actuels. « Je souhaite [leur] démontrer que, même s’ils sont dans Charlevoix, les seules limites qu’ils ont, ce sont celles qu’ils s’imposent. S’ils ont un rêve, je les invite à oser, à bouger et à faire des efforts. Il n’y a aucune raison pour laquelle ils ne pourraient pas l’accomplir », avance-t-il avec conviction.
Gilles Duguay reconnu
Parlant d’excellence, la sienne a été reconnue un juin dernier. En effet, M. Duguay a été l’un des 50 méritants décorés de l’Ordre de l’excellence en éducation du Québec. Cette distinction souligne l’apport de ceux et celles qui contribuent au rehaussement et au rayonnement du système d’éducation.
Paul Gérin-Lajoie, Sébastien Proulx et Hélène David, des politiciens ayant tous dirigé un ministère en lien avec l’éducation, comptent aussi parmi les 50 récipiendaires.
Cherchant à connaître les sentiments du méritant, eut égard à ladite distinction, son humilité me déconcerte : « C’est intéressant et je suis fier. Par contre, lorsque je revois au centre d’achat mes étudiants 5, 10, 15 années après leur graduation, et qu’ils me remercient pour l’impact que j’ai eu dans leur vie, c’est tout aussi valorisant ».
Merci, chers enseignants de ma vie
Même après avoir arrêté l’enregistrement de mon formel dictaphone numérique, Gilles et moi continuons à échanger sur les voitures, sur les relations et sur Charlevoix. L’homme de chimie et de mathématique et celui de lettres convergent sur ce qu’ils ont en commun, plutôt que de s’arrêter sur les deux solitudes de leurs matières respectives. Et j’en apprends davantage sur la vie.
Après avoir quitté Gilles Duguay, en descendant les marches de l’escalier extérieur, près de la sortie de la rue des Cimes, je réalise l’impact qu’il a eu dans ma vie.
Je ne me souviens plus de grand-chose apprise dans mon cours de chimie 536. Je ne pourrais nommer aucun des éléments du tableau périodique ni aucune formule chimique. Néanmoins, sa philosophie de vie, voulant que l’impossible, ce n’est rien, à condition d’y mettre les efforts nécessaires, continue aujourd’hui de m’habiter et de me guider.
De la même manière, défilent alors dans ma tête les leçons de vie que m’ont transmises Karine Lavoie (5e année), Mariette Duchesne (2e secondaire), André Lessard (3  et 4e secondaires), Josée Simard (4e secondaire), Gisèle Bouchard (4e secondaire), Monique Brassard (4e secondaire), Claudine Brassard (4e et 5e secondaires). Tous ces professeurs exceptionnels m’ont transmis une partie d’eux-mêmes.
Car les enseignants et enseignantes ne font pas que transmettre des connaissances, ils contribuent à édifier l’humanité.
 

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