1er Forum sur le patrimoine religieux sur l’avenir des églises de Charlevoix: concertation et mutation

Par Emelie Bernier 5 mai 2016
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Emelie Bernier

Les MRC de Charlevoix et Charlevoix-est ont travaillé de concert à l’organisation de premier forum sur l’avenir du patrimoine religieux qui s’est tenu ce jeudi à la Cité d’art, un lieu de culte qui a lui-même survécu grâce à une mutation réussie.  

Une centaine de personnes, invités, élus et citoyens, ont participé à la journée d’échanges sur le thème « Se concerter pour mieux intervenir », une première activité de réflexion sur les enjeux liés au patrimoine religieux. «On tient ce forum parce que de plus en plus les fabriques ont des difficultés à supporter l’entretien, les rénovations de ces bâtiments importants qui sont des points de repères pour les citoyens. La journée vise à permettre à tous ceux qui sont concernés- fabriques, municipalités, acteurs du développement économique et citoyens- de réfléchir ensemble à des avenues possibles qu’on devra certainement emprunter prochainement pour assurer la préservation de ces édifices importants dans le paysage local», explique Annie Vaillancourt, agente de développement culturel à la MRC de Charlevoix.

En amont de l’événement, la chargée de projet Brigitte Lavoie a d’ailleurs effectué une démarche auprès des conseils de fabriques de Charlevoix afin de dresser un portrait le plus juste possible de la situation. «Le principal constat est que les données financières, d’années en année, sont de plus en plus alarmantes», indique Mme Vaillancourt. L’état de situation des églises de Charlevoix a été résumé par Rémy Gagnon, responsable du département des fabriques et coordonateur du dossier du patrimoine religieux au Diocèse de Québec. Le partenariat semble être le mot d’ordre essentiel à la survie des églises,  comme en ont témoigné la plupart des intervenants invités à prononcer des allocutions. Mais les citoyens devront avoir leur mot à dire. «Si on attribue un nouvel usage à une église sans avoir tenu compte des besoins des citoyens, on risque de faire un flop. Le citoyen est extrêmement important, il faut savoir ce dont il a besoin au cœur de sa municipalité pour ensuite quel devraient être le ou les nouveaux usages du bâtiment », renchérit Annie Vaillancourt.

Patrice Gagnon et Alexandra Savard

En ce sens, plusieurs exemples ont été présentés aux participants du forum dont celui de l’ancienne église de Cap-à-l’Aigle, la Cité d’art, où se tenait le forum. Alexandra Savard et Patrice Gagnon ont partagé leur expérience ainsi que celle de la famille Savard. Ensemble, ils ont acquis le bâtiment et mettent tout en œuvre pour le préserver et l’animer tout en assumant les charges proportionnelles à l’ampleur du bâtiment. «Nous sommes des experts dans le réinvestissement du non-profit », a lancé Patrice Gagnon à la blague, tandis que sa conjointe a relaté la petite histoire de son grand rêve, celui d’ouvrir une école de danse dans sa région natale.

La conférence d’introduction de Luc Noppen, professeur titulaire d’UQAM, a aussi suscité l’intérêt. «L’idée d’un forum comme celui-ci est d’avoir un « pep talk » pour motiver les gens, montrer qu’on est en mode solution et que les gens voient comment d’autres ailleurs ont fait. Chaque patrimoine a ses particularités, chaque communauté a des besoins spécifiques », explique celui qui a participé à une quarantaine de séminaires du genre aux quatre coins du Québec. La mutation des églises semble inévitable.

Brigitte Lavoie et Annie Vaillancourt (absente sur la photo: France Lavoie)

« L’église a de tous les temps été le lieu de rencontre de la communauté locale. Ça doit rester au service de la population. Dans les églises aujourd’hui, on aménage des bibliothèques, des guichets automatiques, des bureaux de postes, voire même des gymnases, des murs d’escalade, des salles de spectacles; on peut ce qu’on veut », illustre M. Noppen. Il se désole de voir qu’environ 40% de ce patrimoine a déjà été rasé. « Chaque semaine on démolit une église car des gens ne veulent pas se casser la tête avec ça, mais ½ million pour amener une église aux vidanges,  c’est  de l’argent perdu. Pourquoi ne pas développer plutôt un projet? C’est une question de choix et il ne faut pas confondre la rancune de certains envers la religion et le bâtiment qui est la, qui est une réussite collective, qui a permis à tous les gens de se doter de quelque chose qui les dépasse. C’est la mise en commun des ressources de toute la communauté qui a mené cette grande affaire au milieu du village! »

Si la mutation des églises semble inévitable pour assurer leur survie, les pratiquants devront être respectés dans cette transformation, selon M. Noppen. « C’est important! Même s’ils ne sont qu’une poignée, ce sont des gens très convaincus qui ont gardé le fort. Et c’est facile d’aménager un endroit qui soit réservé au culte et de rendre la cohabitation possible. C’est facile de concilier les horaires, les usages. Il faut voir sur un horizon de 10 ans. D’ici 10 ans, quels seront les besoins et les capacités de la municipalité? Il faut être un peu entreprenant», insiste Luc Noppen.

Luc Noppen

Et les moyens existent pour soutenir les conversions de ces bâtiments gigantesques. Les conclusions du forum ainsi qu’un guide des ressources disponibles seront mis à la disposition des intervenants concernés. «Une église, ce sont des pieds cubes, pas des pieds carrés. Il y a plusieurs églises qui deviennent des prototypes d’expérimentations techniques pour les énergies vertes, par exemple. Il y a des subventions pour ça! On a une variété de modèles. Le Québec est la région au monde où on sait le mieux convertir les églises. La  reprise de l’église par la société civile doit être un nouvel événement, comme lorsque l’église a été bâtie!», de conclure, enthousiaste,  le professeur affilié à  la chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain.

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