De l’épineuse question du consentement

17 février 2016
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Épineuse? Si on veut qu’elle le soit, peut-être. Car au fond comme en surface, la question est plutôt simple. Sans oui, c’est non. C’est d’ailleurs le slogan judicieux d’une campagne qui s’étend dans plusieurs universités québécoises (un site à suggérer à vos ados, tiens : http://sansouicestnon.umontreal.ca).

On parle beaucoup de viol, d’agressions sexuelles, de proxénétisme de mineurs, de consentement éclairé ces temps-ci. La faute à Ghomeschi. Aux tordus qui kidnappent des ados fugueuses pour en faire des esclaves sexuelles dopées jusqu’au trognon. À Bill Cosby, la star à l’aura terni à jamais.  À Marcel Aubut, l’incarnation parfaite du pervers pépère. À Richard Martineau, sans commentaires.

Mais aussi grâce à des hommes moins caves comme le rappeur Koriass, par exemple. Et grâce à des femmes qui se tiennent debout, les Ingrid Falaise, Lise Payette,  Arielle Desabysses, Lucy Decoutere de ce monde.

Car même si on apprend tout petit à se tenir debout, ce n’est pas toujours facile. Il y a toujours quelqu’un quelque part pour tenter de minimiser la patente. De discréditer, par exemple, les témoignages des victimes de Ghomeshi, comme le fait avec acharnement et, c’est plate à dire, avec doigté, son avocate. Certes, cette cause n’est pas simple. Parce que les victimes présumées se sont échangées des milliers de courriels. Parce qu’elles sont presque toutes revenues quémander l’amour tordu à la « Fais moi mal, Johnny » de leur agresseur, malgré cette fois-là où elles avaient dit non à la main serrée autour du cou, aux cheveux tirés et à l’humiliation. Sans oui, c’est non, aurait-on envie de souffler au juge qui devra rendre le verdict sans même entendre le témoignage de Ghomeshi. Car même ça, ça s’explique. «Si on pense aux femmes qui accusent Ghomeshi, leur comportement consistant à garder des contacts, voire à continuer à le courtiser ne me surprend pas du tout. Il est très commun de faire preuve de déni à la suite d’une relation sexuelle non consentie. Maintenir des contacts avec cet homme, faire « comme si de rien n’était » permet de se convaincre que « ce n’était pas si grave », « je n’ai pas été agressée». Il s’agit ici d’un « mécanisme de défense couramment utilisé pour éloigner de la conscience l’humiliation qui vient avec le constat d’un abus », dixit la psychologue Megan Murphy dans une entrevue avec Sylvia Galipeau de La Presse sur ledit consentement (http://www.lapresse.ca/vivre/sexualite/201602/12/01-4950061-quest-ce-que-le-consentement.php).

Quoi qu’il en soit, pour qu’il y ait consentement, il faut que les deux parties soient d’accord et le restent tout au long du « processus ».  C’est pas mal la fondation de l’édifice.

Dites-le à vos filles, mais aussi à vos fils. Qu’ils agissent en toute conscience et connaissance de cause. Dites-leur que « tout ce qu’on voit sur internet n’est pas vrai ». Que la porno, c’est pas de l’amour.

Même si ça risque de les rebuter et de leur donner envie de prendre leurs jambes à leur cou, abordez la question du consentement de manière frontale. Parlez-leur de la drogue du viol. C’est plate, mais on en est rendu là. L’amour au temps du GHB, c’est moins romantique que Garcia Marquez, mettons.

Et tant qu’à aborder la question, pourquoi ne pas écouter avec eux ce bouleversant et si lucide témoignage

http://zonevideo.telequebec.tv/media/26827/arielle-desabysses/deux-hommes-en-or, début a 1min20) de la jeune Arielle Desabysses. À 14 ans, elle  a fui un centre jeunesse pour s’engouffrer dans la spirale de la prostitution. Peu de chance que ça arrive si un de vos jeunes fait une fugue à Saint-Urbain ou La Malbaie, mais il y a la matière à réflexion. L’adolescence, c’est dur. En plus des hormones qui font la java et virent l’ado à l’envers, il y a les pairs qui le regardent de travers quand il sort un peu du lot, l’entraînent et le rejettent sans suite logique. Il y a la dope qui tombe du ciel. Et pas juste le petit joint de « pot » baba cool le vendredi soir. Le fly, la coke, la pinotte. Le matin avant de rentrer à l’école. Tout pour vous bousiller le cerveau dans une période tellement critique! Mais bon, ça, c’est une autre histoire…

Petits enfants, petits problèmes, grands enfants, grands problèmes, qu’ils disent. Ce n’est pas une raison pour abdiquer, même si c’est dur parfois de percer la coquille de vos ados. Insistez, ça vaut la peine.

En matière de sexualité, au fond, ce qui compte, c’est l’amour. Le respect. Et la pas épineuse du tout question du consentement. Sans oui, c’est non, point barre.

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