Pierre Rochette, l’archiviste au Kodak

Par Emelie Bernier 11:00 AM - 24 avril 2024
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Pierre Rochette, un pilier du Charlevoisien.

Que celui qui ne connaît pas Pierre Rochette lève la main. Personne? Évidemment! Pierre, c’est LE photographe de Charlevoix. Ou mieux encore, des Charlevoisiens. Les cheveux en bataille, le sourire à l’avenant, toujours le mot pour rire, Pierre est de tous les événements depuis bientôt 50 ans. Nous l’avons rencontré pour qu’il nous parle de ses années, nombreuses, dans le giron de ” l’Hebdo “. 

(NDLR: dans le cadre de la parution de la dernière édition “papier” du Charlevoisien, nous avons demandé à une poignée de collaborateurs de partager avec nos lecteurs quelques souvenirs de leur passage dans l’équipe. Nous avons également demandé à Pierre Rochette de nous fournir 6 photos qui ont marqué sa carrière de photographe, chez nous comme ailleurs.)

Les débuts 

” J’étais au Plein-Jour depuis 1981, mais tous mes chums Charles, Guy, Sylvain venaient de traverser l’autre bord pour se lancer ensemble. J’ai traversé l’autre bord moi aussi! C’était une question d’amitié “, résume Pierre avec sa gouaille habituelle.

Une question d’amitié, oui, mais aussi un pied de nez à Québecor, propriétaire du Plein-Jour. Une ” grosse machine sans cœur “. 

Cette photo prise lors de l’incendie de la tourbière, à L’Isle-aux-Coudres, le 23 mai 2010,  est un des coups de cœur de Pierre Rochette.

” Disons que j’étais pas en amour avec leurs politiques… À l’Hebdo, c’était pas des gros salaires, mais je l’ai choisi pour l’équipe, les valeurs, la façon de travailler, l’approche…”

Au fil des ans, au sein de l’équipe de l’Hebdo, Pierre a appuyé sur le détonateur de son ” Kodak ” un nombre incalculable de fois. ” Juste dans mes années au journal, je dirais que j’ai pris plusieurs centaines de milliers de photos… Ça frise le million! “

Comme dans tout média régional indépendant (donc forcément un peu fauché), impossible de n’être que photographe. Malgré sa plume assurée, Pierre n’a jamais vraiment aimé écrire. ” La photo, ç’a toujours été ce que j’aimais le plus. Bien franchement, j’écrivais par obligation “, lance-t-il en riant. (C’est d’ailleurs pour cette raison que j’écris ce petit texte à sa place!)

Les portraits ont toujours été une des forces du photographe.

La quête de la photo parfaite

Peu de premières pages ont échappé à Pierre Rochette durant ses années au sein de l’équipe. Et le principal intéressé concède que chacune d’entre elles l’a rendu fier. “C’était une récompense, une satisfaction de voir mes photos imprimées, que ce soit à la première page, dans les pages des sports ou ailleurs… Je me sentais valorisé! “

Nombreux ont été les commentaires élogieux à l’égard de son travail, d’ailleurs maintes fois récompensé aux Grands Prix des Hebdos. Il a notamment été couronné de trois grands prix provinciaux à titre de photographe de l’année par Hebdos Québec. 

” C’était chaque fois une belle tape dans le dos! Et ça m’a donné 500 $ la shot, que je donnais à Marie! C’est avec cet argent-là qu’elle a acheté sa première tablette… “, raconte-t-il. Si Pierre est un fieffé conteur, il est également l’amoureux inconditionnel de sa douce Marie. 

Il suffit de les connaître un peu pour savoir que l’un ne va pas sans l’autre. 

” Marie a toujours été là, elle est avec moi depuis l’âge de 15 ans. On est ensemble depuis 55 ans. On s’est marié il y a 50 ans. Marie, c’est mon cadeau de la vie! Et ça, je le dis à tout le monde “, confie le principal intéressé avec émotion.

Des pitous atomiques à l’œuvre. Cette photo saisissante capturée lors de la défunte Classique de course de chiens de L’Isle-aux-Coudres a remporté le 1er prix dans la catégorie sport au Gala des Grands Prix des Hebdos de 2012.

Témoin de Charlevoix

Des circonstances sur lesquelles on ne s’attardera pas ont incité Pierre à quitter le Charlevoisien en 2016, mais il n’a jamais cessé de faire de la photo pour autant. Son site, photopierrerochette.com, en témoigne. On y déniche une tonne d’archives surprenantes. ” Depuis 1981, je les ai toutes encore, sauf de 1995 à 2004 parce qu’en 2005, j’ai démissionné du Plein-Jour pour aller à l’Hebdo et Québecor a jeté tous mes négatifs à la poubelle… Neuf ans de travail perdu! J’ai pas pleuré, mais j’étais en maudit… J’ai collaboré beaucoup au Soleil et au Journal de Québec, mais là aussi, mes négatifs ont disparu… C’est la vie! “

Il n’en conserve pas moins des milliers de photos en noir et blanc et en couleurs où plusieurs d’entre vous se reconnaîtront. 

On ressent la douleur du cowboy dans cette photo croquée sur le vif au Rodéo de Charlevoix. Intitulée Ouille!, elle a valu à Pierre Rochette un 1er prix du Gala des Grands Prix des Hebdos en 2015 dans la catégorie Sports.

Outre ces archives, le site web de Pierre présente une couverture imagée des événements qui se déroulent encore aujourd’hui dans son milieu. 

Le ” bonhomme “, comme il se dénomme lui-même, a toujours adoré croquer sur le vif les moments joyeux, les matchs sportifs, les carnavals, les gens à la fois ordinaires et extraordinaires… 

” Moi, j’aime raconter la vie des Charlevoisiens en photos. Voir les petits jeunes qui jouent au hockey, les futurs Ann-Renée Desbiens, Marie-Claude (Savard-Gagnon) et Luc (Bradet), Dominique Maltais… Je vais encore au Centre-Femmes, aux événements de l’Association des personnes handicapées de Charlevoix, aux Lions… C’est l’fun parce que les gens sont toujours contents de me voir! “, rigole-t-il.

Quelques dénominateurs communs relient ses images. Des pouces en l’air, souvent. Et des sourires, immanquablement. Car Pierre a ce don de mettre ses sujets à l’aise.

5-Ann-Renée Desbiens s’est retrouvée maintes et maintes fois devant la lentille de Pierre Rochette, et toujours avec plaisir!

Les faits divers n’ont jamais été sa tasse de thé. ” J’y allais, sur les accidents, les incendies. Mais je n’aimais pas ça. Le cœur me serrait… Après, mon Kodak sentait la mort… “, glisse-t-il.  

Il salue toutefois les différents services avec lesquels il a dû collaborer dans ces moments difficiles. ” J’étais en bons termes avec les policiers, les ambulanciers, les pompiers… On a toujours eu de belles relations. Quand le Petit Manoir du Casino a flambé, il y avait des policiers de Québec qui bloquaient l’entrée. J’ai mis mon Kodak dans le cou d’un pompier de La Malbaie et il est allé prendre des photos à ma place! “, se remémore-t-il en riant.

Une photo prise lors de l’incendie d’une grange à Cap-à-l’Aigle le 2 octobre 2022. «Les policiers m’avaient averti qu’il y avait un risque d’explosion. J’ai cliqué au bon moment ! Une « luck » !

À 75 ans bien sonnés, Pierre n’a nullement l’intention de ranger son ” Kodak ” (il ne jure que par la marque Nikon, d’ailleurs). ” J’ai toujours aimé le monde, toujours aimé écrire l’histoire de Charlevoix avec mon Kodak! Si j’arrêtais, je continuerais à faire de la photo parce que c’est ma passion et mon hobby! Je vais arrêter quand je vais être mort! “, lance-t-il avec un de ses éclats de rire franc et contagieux qui fait que tout le monde aime Peter Rocket.

Moi la première! 

QUESTIONNAIRE 

Entrée en poste : 2005

Départ : 2016

Poste : Photographe et journaliste

Que faites-vous aujourd’hui?

“Je suis toujours photographe pour mon site web, photopierrerochette.com. Le nom du site, c’est Pierre Rochette, Charlevoix d’est en ouest…je l’ai volé au Plein Jour! Ah!ah!”

Quelle nouvelle, parmi toutes celles que vous avez couvertes, vous a le plus marqué?

“Le G7! C’est le reportage d’une vie… J’étais le seul photographe québécois sur place. Même si on n’aime pas Donald Trump, c’est l’homme le plus médiatisé du monde…”

Quelle a été la plus difficile à couvrir?

“L’accident de la grande côte aux Éboulements.”

Quel est votre plus beau souvenir de vos années au sein de l’équipe du Charlevoisien? 

“Mon plus beau souvenir, c’est l’équipe! Le fun qu’on a eu à rire ensemble! “

Avez-vous un mot à dire à nos lecteurs?

“Moi aussi, je trouve ça dommage, la fin du papier. J’achète encore le Journal de Québec, des revues de photos à la tabagie. Je suis un lecteur papier alors oui, ça me fait de la peine, mais il faut quand même croire à l’avenir. Moi, je suis juste sur le web depuis 2016 et ça marche! Je suis un précurseur! Ah!ah!”

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