De Baie-Saint-Paul à Quantico

Par Dave Kidd 5:00 AM - 16 janvier 2024
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La remise du diplôme par le directeur du FBI . Christopher A. Wray. Photo Courtoisie

Le lieutenant Mathieu Bouchard de la Sûreté du Québec a complété avec succès la formation de l’Académie nationale du FBI. Ce fils de Charlevoix travaille pour le Service des enquêtes des crimes contre la personne. Il était le premier membre de la SQ depuis 5 ans à recevoir son diplôme des mains du directeur du FBI.

Meurtres, prises d’otages, alerte Amber font partie de son travail quotidien. Une entrevue sollicitée par le Charlevoisien n’allait pas déstabiliser l’officier qui est déjà intervenu dans sa région natale alors qu’il était négociateur et durant le G7 en 2018.

La formation qu’il a suivie ne fait pas de lui un profiler. Elle s’adressait aux gestionnaires de corps policiers du monde entier. 199 policiers l’ont suivie en même temps que lui. 174 Américains et 24 de pays étrangers (il était le seul représentant du Canada) ont débarqué à Quantico en Virginie pour suivre cette prestigieuse formation aux États-Unis, exigée dans certains cas pour être nommé shérif.

Le lieutenant Mathieu Bouchard. Photo courtoisie

11 semaines sur une base des Marines à parfaire les habiletés en gestion avec des présentations du négociateur de l’attentat du marathon de Boston et d’un ancien Marine américain qui était dans le bunker avec le vice-président des États-Unis le 11 septembre, c’est toute une expérience.

« Je n’en revenais pas de voir le petit gars de Baie-Saint-Paul être rendu là. C’est impressionnant », admet-il sur le plan humain. « J’aime apprendre et je suis un gestionnaire ouvert aux nouvelles pratiques qui visent à prendre soin de nos membres », continue celui qui a obtenu une note supérieure à B+ exigé pour décrocher le diplôme.

C’est un gestionnaire de la Sûreté du Québec qui a soumis sa candidature, laquelle devait être ultimement approuvée par la directrice générale de la police nationale. « Des rencontres et des entrevues avec le FBI suivent », poursuit Mathieu Bouchard. Qui dit FBI dit sécurité et vérifications. « J’ai fourni mes empreintes digitales. Mon dossier professionnel est passé au peigne », dit-il.

Il revient de Quantico après avoir étudié des stratégies en enquête de crimes graves, les comportements humains (pathologies pas uniquement chez des criminels), des notions en profilage, la prise de décision en situation de crise et les négociations. « Des exercices de table ont été faits à partir de cas réels. On a étudié des crises et des sièges comme celui de Waco en identifiant des choses à améliorer », résume le lieutenant Bouchard.  

En plus du volet formation, cette expérience lui a permis de bonifier son réseau de contacts policiers. « Une association existe et regroupe tous ceux qui ont suivi la formation. J’ai accès à 55 000 finissants. Cela peut aider dans une enquête lorsque des suspects se trouvent dans un autre pays. Durant les 11 semaines, on échange beaucoup sur nos façons de faire. Tu apprends beaucoup des autres. Ça donne des idées », dit-il aussi.

Le lieutenant Bouchard aura réalisé 7 présentations dans la langue de Shakespeare durant sa formation. Photo courtoisie

Il faut préciser que l’Académie nationale du FBI n’est pas l’institution où sont formés les futurs agents du bureau fédéral. Toutefois son expérience lui a permis d’effectuer une visite au quartier général du FBI à Washington. Même s’il s’agissait de policiers de plus de 20 ans d’expérience, « on devait laisser nos cellulaires à l’entrée. La visite s’est faite avec escorte », relate-t-il.

Un des moments forts de la formation est la Yellow Brick Road. C’est une course de 10 km. Un parcours construit par les Marines américains :
escalader des murs et des parois rocheuses, courir à travers des ruisseaux, sauter à travers des fenêtres simulées et ramper sous des barbelés dans de l’eau boueuse, entre autres.

« Je suis satisfait d’avoir sonné la cloche et obtenu ma brique jaune », a dit Mathieu Bouchard, qui a devancé au fil d’arrivée un lieutenant-colonel des Marines responsable de la police militaire Asie-Pacifique basé au Japon. « C’était un honneur de courir avec lui. En plus, j’en ai fait un partisan des Canadiens de Montréal! », a lancé le Québécois.

Même s’il s’estime privilégié d’avoir vécu cette expérience, Mathieu Bouchard garde les deux pieds sur terre. Il n’y est pas allé dans le but d’obtenir une promotion. Il est encore motivé comme à son premier jour de travail, en 1999. « Je veux servir mon organisation. Les grades ne comptent pas tout le temps. Être un bon leader, c’est d’amener les autres à se développer », résume-t-il.

Durant son séjour en Virginie, il a été en mesure d’entendre de bons commentaires sur la police d’ici. « Nous sommes très bien formés au Québec et on est reconnu. Les Canadiens sont vus comme étant de bons policiers », ajoute-t-il.

« Tout se sait dans la police. Une affaire concernant deux Américains kidnappés dans l’État de New York et amenés au Québec en 2020 s’était rendue aux oreilles d’un professeur de l’Académie. J’avais la charge du dossier qui s’est soldé par des condamnations », a précisé Mathieu Bouchard.

Des amitiés se lient également, surtout lorsque les « étrangers » sont invités à faire découvrir ce que leur pays propose. Oui, le sirop d’érable s’est retrouvé sur la table du lieutenant Bouchard. Ce qui a connu encore un plus grand succès : les chips au ketchup!