Salve de critiques contre l’adoption précipitée de la réforme Dubé

Par Ugo Giguère 11:50 AM - 8 Décembre 2023 La Presse Canadienne
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Le ministre de la Santé, Christian Dubé, répond à l’opposition lors de la période des questions, le 29 novembre 2023. Photo Jacques Boissinot La Presse Canadienne

Huit mois après avoir déposé sa volumineuse réforme du réseau de la santé avec laquelle il promettait que «les colonnes du temple (allaient) shaker», le ministre Christian Dubé est pressé d’en finir et d’adopter sa «Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace» sous bâillon. Plusieurs groupes déplorent cet empressement et s’inquiètent des conséquences d’une telle précipitation.

«C’est notre projet de société qui est en jeu», s’insurge la porte-parole de la Coalition solidarité santé, Lise Goulet. Parlant au nom de 38 groupes incluant des syndicats et des organismes communautaires, elle affirme qu’il y a beaucoup de «gens en colère» qui ne veulent pas laisser «une poignée d’élus jouer comme ça avec notre destinée».

L’élément qui irrite le plus cette coalition, c’est la tendance de fond qui vient ouvrir les portes toutes grandes au privé dans les soins de santé. Lise Goulet souligne que toutes les tentatives d’amendements visant à assurer «la primauté du caractère public du réseau» ont été vaines.

À son avis, la manière dont le ministre s’y prend pour imposer sa vision va braquer ceux qui portent le réseau à bout de bras. Elle lui reproche de ne pas avoir laissé le temps aux gens de bien comprendre les ramifications de sa réforme, puis de ne pas les avoir écoutés. 

Rappelons que le projet de loi 15 est l’un des plus imposants jamais étudiés par l’Assemblée nationale. Dans sa version originale, il comptait 1180 articles venant réécrire entièrement l’actuelle Loi sur les services de santé et les services sociaux. L’élément majeur au cœur de la réforme consiste en la création d’une société d’État nommée Santé Québec qui aura le mandat de gérer les opérations du réseau de la santé.

«Le ministre a dit que ça lui prenait l’adhésion et la collaboration de tous les travailleurs pour que son plan fonctionne. Comment voulez-vous qu’on adhère, qu’on mobilise et qu’on collabore quand, un, on n’est pas d’accord. Deux, on ne comprend pas. Puis, trois, il y a eu un bris de confiance», résume-t-elle en entrevue à La Presse Canadienne.

Pour la Coalition solidarité santé, l’urgence démontrée par le ministre trahit le fait que des travaux sont déjà en cours et que le gouvernement s’est donné un calendrier serré pour enclencher les prochaines étapes. 

Processus bâclé et improvisation

Depuis le début de la démarche, en mars dernier, l’Association des conseils multidisciplinaires du Québec (ACMQ) considère que le processus est «bâclé» et empreint d’«improvisation».

Là aussi, on déplore des consultations expéditives en amont de l’étude du projet de loi, puis l’ajout de dizaines d’amendements en cours de route, ce qui laisse croire à un manque de préparation et de rigueur dans la rédaction initiale du projet de loi, soutient-on.

Du côté des Médecins québécois pour le régime public (MQRP), on s’interroge aussi sur le bien-fondé d’adopter la réforme à toute vapeur alors qu’il reste des centaines d’articles qui n’ont pas été analysés et débattus en commission parlementaire. On martèle l’importance capitale que revêt l’organisation des soins pour l’ensemble de la population et qu’il faudrait accorder tout le temps et les énergies nécessaires pour s’assurer que le travail soit bien fait.

À la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le problème n’est pas tant la précipitation à l’adopter, mais plutôt la réforme elle-même. De l’avis de son président, le Dr Marc-André Amyot, il s’agit d’un nouveau brassage de structure qui ne s’attaque à aucun des réels problèmes d’accès aux soins. 

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