Dans son documentaire Pour la suite du monde, le défunt cinéaste et poète Pierre Perrault a fait connaître au monde entier le peuple de l’Isle-aux-Coudres. Peu avant sa mort, il a sondé le fond de l’âme des insulaires dans un livre-testament, Nous autres icitte à l’île, qui vient d’être réédité.
« On a affaire à un classique », juge l’historien et chroniqueur Jean-François Nadeau, qui avait travaillé sur le livre comme directeur littéraire lors de sa première parution en 1999. « C’est peut-être l’un des plus grands cinéastes qu’on a eu, mais on oublie le grand écrivain. Il a quand même reçu trois Prix du Gouverneur Général pour un essai, de la poésie et du théâtre. »
« Ses livres sont exceptionnels et ne sont pas différents de la reconnaissance internationale de ses films », ajoute l’homme de lettres, qui pense que les deux médiums de l’artiste étaient profondément liés. « Il écrivait son cinéma, il filmait ses livres. »
Dans Nous autres icitte à l’île, Perrault parle à cœur ouvert de sa fascination pour les insulaires et plusieurs de leurs représentants qu’il avait filmés quelque 30 ans plus tôt. Une approche qui rejoint tout de même le cinéma direct qui a fait la renommée du cinéaste.
« Il présentait son cinéma comme une forme de vérité, mais c’est lui qui faisait dialoguer ses personnages », soutient Jean-François Nadeau. « Perrault voit le jaillissement de la parole. Il dessine ses personnages à l’image, il tient aussi la plume en images. »
« Nous autres icitte à l’île, cette triple affirmation d’insularité dont les syllabes claquent, Perrault l’avait noté dans la bouche de plusieurs des figures de l’île aux Coudres », écrit M. Nadeau dans sa préface de l’œuvre. Les désormais célèbres personnages que sont Grand-Louis, Marie, Alexis ou Léopold, Perrault les « avait habités de l’intérieur ».
Jean-François Nadeau croit que jusqu’à sa mort et bien après, l’artiste n’aura jamais fini de faire parler le présent et le passé. « Il faisait dialoguer ses personnages au-delà du temps. »
Dans nombre de ses œuvres, Perrault cherchait aussi à comprendre le sens de notre territoire. Pour Jean-François Nadeau, il a exprimé l’insularité « de façon exemplaire et universelle ». Il cite notamment une connaissance japonaise qui a présenté Pour la suite du monde dans son pays. Les insulaires du Japon ont trouvé un écho entre leur histoire et celle de l’Isle-aux-Coudres.
Écrire jusqu’au dernier souffle
La collaboration avec Pierre Perrault aura été marquante à plusieurs égards pour Jean-François Nadeau. À l’approche de l’achèvement du livre, il se rendait régulièrement chez l’auteur alors que celui-ci était sur son lit de mort. Il l’aidait à compléter ses dernières pages et corrections.
« En ce printemps 1999, Pierre Perrault était malade depuis quelques mois déjà. La maladie faisait son nid en lui irrésistiblement. (…) Il était amoindri, tout en gardant toute sa tête. (…) Ce faisant, il n’en était que plus résolu, aurait-on dit, à terminer ce livre, sachant bien que ce serait son dernier », témoigne-t-il dans sa préface du livre.
L’œuvre posthume de Perrault a donc été achevée dans un « sentiment d’urgence décuplé par la propre arrivée de sa mort », se rappelle Jean-François Nadeau. Il aura été marqué par la « puissance de travail » de l’artiste, un homme qui « occupait tout l’espace, qui rayonnait ».
Pour celui qui reste, cette ultime œuvre de Perrault représente d’abord un adieu au peuple de l’Isle-aux-Coudres, mais aussi « un retour sur son propre parcours, la dernière page du livre de sa propre vie ».
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