Le Québec et sa fixation sur l’hydroélectricité 

Par Alexandre Caputo 12:00 PM - 11 avril 2023 Initiative de journalisme local
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Le barrage SM2. Photo courtoisie

Le Projet hydroélectrique de la Baie-James est responsable de l’inondation de près de 11 000 km carrés du territoire l’entourant. En début d’année, Amnistie internationale Canada francophone (AICF) a publié une étude, qui était accompagnée de cris du cœur des Innus de Pessamit, concernant les impacts dévastateurs des barrages et des centrales sur l’écosystème. 

Tandis que l’étude préliminaire pour la possible construction d’un barrage hydroélectrique sur la rivière du Petit Mécatina est relancée, les experts se questionnent sur la pertinence d’un projet d’une telle envergure ; selon eux, d’autres options plus viables sont à notre disposition.

« L’hydroélectricité est une énergie propre pour les gens de Montréal, c’est différent pour les communautés en bordure des centrales et des barrages », lance d’entrée de jeu Marty Kanatakhatsus Meunier, vulgarisateur scientifique d’origine mohawk et titulaire d’une maîtrise en environnement de l’Université de Sherbrooke. 

Selon lui, le Québec manque de vision dans son approche face aux énergies renouvelables et devrait diversifier sa stratégie. Il prend en exemple le Danemark, qui tire la majorité de son énergie des éoliennes, mais qui se développe aussi rapidement dans l’exploitation de l’énergie solaire. 

« Ils [le Danemark] ont en moyenne une centaine d’heures d’ensoleillement en moins par année que nous, pourtant ils produisent beaucoup plus d’énergie solaire que nous », note-t-il. 

En 2020, c’est 4,1 % de la capacité énergétique totale du pays scandinave qui découlait du soleil, comparé à moins de 1% pour le Québec. 

Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), paru en mars, démontre que l’énergie solaire et l’énergie éolienne devront être mises de l’avant dans les années à venir, en plus de mettre l’accent sur l’importance de la protection et de la restauration des forêts.

M. Kanatakhatsus Meunier croit en la pertinence d’une commission d’enquête, pour discuter du plan de match à établir en décarbonation. 

« Il est minuit moins une », martèle-t-il. « S’ils [Hydro-Québec et le Gouvernement] continuent à bâtir des barrages, des communautés vont se retrouver inondées et ne pourront même plus sortir ».

Le Professeur Sylvain Nicolay, responsable du développement des énergies renouvelables pour l’Institut interdisciplinaire d’innovation technologique (3IT) de l’Université de Sherbrooke, est arrivé de la Suisse, où il a étudié et travaillé, il y a de cela environ une année et demie. Il s’est dit surpris de voir le domaine de l’énergie solaire si peu développé. Même s’il admet que les profits engendrés par cette forme d’énergie sont, pour le moment, moins élevés que ceux de l’hydroélectricité, M. Nicolay soutient qu’il s’agit de l’option la plus viable globalement. 

« L’impact écologique de la construction d’un barrage est très élevé, si on la compare à celle de panneaux solaires », note-t-il, en ajoutant que l’exploitation de ces panneaux n’a pas, ou presque, d’effets néfastes pour l’environnement. « On peut les installer sur des toits de bâtiments, sur certaines terres agricoles, et même, sur certaines terres d’élevage », explique celui qui a déjà aperçu un mouton qui profitait de l’ombre sous les panneaux pour se rafraîchir. 

« En revanche, les barrages polluent l’eau et les terres, ce qui contamine les animaux qui vivent de ces ressources », compare le Professeur d’origine belge. 

Moins de risques de pannes

M. Kanatakhatsus Meunier est d’avis que, « si la planète continue à réchauffer comme ça, on n’a pas fini d’avoir du verglas ». Il fait ici référence aux conditions météo qui ont dernièrement perturbé le courant d’un peu plus d’un million de résidents de l’île de Montréal. 

« Alors que l’énergie hydroélectrique est centralisée et doit souvent parcourir des milliers de kilomètres pour alimenter un milieu, l’énergie solaire travaille plus sous forme de réseaux », mentionne M. Nicolay. « Donc, en cas de panne ou de bris dans une installation, les autres [installations] du réseau peuvent prendre le relai », renchérit-il. 

Sept-Îles évalue ses options

Développement économique Sept-Îles (DÉSI) et Développement économique Port-Cartier (DÉPC) ont salué la reprise de l’étude préliminaire portant sur la rivière du Petit Mécatina. La présidente de DÉSI, Chantal Pitt, mentionne toutefois que d’autres options que l’hydroélectricité sont présentement considérées. 

« On croit qu’il est possible d’explorer d’autres sources d’énergie », confirme-t-elle. « Nous [la Côte-Nord] avons beaucoup d’ensoleillement et aussi beaucoup de vent, en plus des marées qu’il est possible d’exploiter ».

Mme Pitt affirme que des études préliminaires sont en cours et que du temps sera pris pour regarder ce qui fonctionne à l’étranger.

DÉSI et la Nation innue n’ont pas encore tenu de rencontre au sujet de la rivière du Petit Mécatina. Mme Pitt confirme cependant que l’acceptabilité sociale est un point majeur à considérer dans cette étude.

« Oui on veut que les choses avancent, mais on veut qu’elles avancent de la bonne façon ». 

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