Hausse de la valeur des terres agricoles: une situation loin d’être unique

Par Émélie Bernier 5:15 AM - 4 avril 2023 Initiative de journalisme local
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Les terres agricoles aux abords de la route du Fleuve ont connu les hausses d’évaluation les plus importantes. Fait à noter, la hausse des transactions immobilières liée à la pandémie n’a eu que peu d’impact dans ce rôle d’évaluation qui se base sur les transactions effectuées avant juillet 2021.

« Au Québec, la valeur des terres cultivées est en hausse constante depuis 37 ans. En 2022, la province a enregistré une augmentation de 11,0 %, après avoir progressé de 10,0 % en 2021 et de 7,3 % en 2020 », indique le Rapport valeur des terres agricoles de financement Agricole Canada 2022, publié le 13 mars 2023.

La situation des producteurs éboulois n’est pas différente de celle d’agriculteurs ailleurs dans la province, rappelle le maire des Éboulements et préfet de la MRC de Charlevoix Pierre Tremblay, lui-même propriétaire d’une exploitation agricole, ex-producteur porcin et agronome.

Il a bel et bien entendu les doléances de ses congénères, mais a tenu à leur rappeler que le pouvoir des municipalités et des MRC est limité.

«Je comprends leur désarroi, mais actuellement, on fonctionne avec la loi sur la fiscalité et la seule façon d’évaluer, c’est avec des comparables. Aux Éboulements, plusieurs terres ont la vue sur le fleuve, certains appellent ça la « taxe de vue », c’est une plus value qui fait que certaines terres vont se vendre beaucoup plus cher que l’évaluation, avec l’impact que l’on voit sur le prix des terres voisines», indique-t-il.

La municipalité a maintenu son taux de taxes depuis deux ans afin de limiter l’augmentation de la facture. « On fait ce qu’on peut », indique le maire qui n’a toutefois pas exclu la possibilité d’appliquer un taux de taxes préférentiel aux producteurs dans le prochain budget. “C’est une option qu’on va regarder, mais si je ne prends pas l’argent là, il va falloir que je le prenne ailleurs”, a-t-il mentionné, évoquant une hausse des coûts généralisée.

D’autres mesures permettent d’atténuer le fardeau des agriculteurs, rappelle Karine Horvath, directrice générale de la MRC de Charlevoix dont le Programme de crédit de taxes foncières agricoles (PCTFA). 73% des taxes foncières liées aux terres en production sont déduits par la municipalité de la facture  acheminée aux agriculteurs qui doivent remplir les conditions d’admissibilité soit être enregistrés au MAPAQ et générer annuellement un revenu agricole brut de 5000$.

La Loi sur la fiscalité municipale explique la situation actuelle. « Nous sommes tributaires de la Loi sur la fiscalité municipale, ce sont des lois qu’on applique avec des mécanismes très précis et seul un changement à la loi provinciale pourrait modifier ces mécanismes», s’entendent pour dire le préfet et la directrice de la MRC..

Ils concèdent que la vue sur le fleuve n’a aucune incidence sur les revenus agricoles, malgré son impact sur la valeur des terres. « Les vaches ne produiront pas plus si elles ont la vue sur le fleuve, on le sait, mais il y a l’inflation, la surenchère… Ici, on a à la fois l’agriculture et la villégiature. Les taxes foncières sont l’envers de la médaille », admet le maire.

Un processus établi

Les évaluations foncières ne relèvent pas du bon vouloir de l’évaluateur, insiste Mme Horvath. « Ce n’est pas de l’évaluation individuelle, mais bien de masse.  On prend l’ensemble des propriétés, on travaille avec des médianes, l’analyse des transactions dans chaque unité de voisinage… Ce sont des choses qui sont faites sur la base de chiffres et de données probantes. L’évaluateur a très peu de latitude et de marge de manœuvre, c’est mathématique. »

Qu’est-ce que le concept « d’unité de voisinage »?  Si votre voisin vend sa terre avec vue sur le fleuve deux fois le prix de l’évaluation municipale et que sa propriété fait partie de la même unité de voisinage que la vôtre, la valeur de votre terre subira fort probablement une révision à la hausse.

Les propriétaires terriens qui se sentent lésés sont invités à contester leur évaluation.

« Dans les domaines forestiers et agricoles, quand un producteur dit « ma terre est en friche » ou  « j’ai récolté tout le bois », oui, la valeur peut changer. Si une terre est bûchée à blanc, elle n’aura pas la même valeur. Il y a un mécanisme de demande de révision simple où les propriétaires peuvent faire valoir des arguments », indique Mme Horvath. Ce processus, qui coûte 75$ aux propriétaires dont la propriété ne dépasse pas les 500 000$ et 300$ pour ceux qui franchissent ce seuil, n’est pas « laborieux ».

«Notre évaluateur agréé procède à l’analyse des demandes et fournit une réponse. Si la réponse ne convient pas, on peut aussi éventuellement aller au tribunal administratif du Québec. Il faut comprendre que ce sont des mathématiques qu’on applique, on n’y va pas avec le cœur ou les moyens de la personne. Ce n’est pas une variable dans notre calcul. »

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