Ils devaient dénoncer les crimes de leur voisin

Par Karine Dufour-Cauchon 6:00 AM - 29 mars 2022
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Le palais de justice de La Malbaie.

Lorsque vous mettez une propriété en vente, assurez-vous d’avoir bien tout révélé à votre acheteur potentiel. Deux propriétaires de Baie-Saint-Paul l’ont appris à leurs dépens alors qu’ils ont omis de mentionner le passé criminel d’un voisin et doivent payer le prix d’une erreur «de bonne foi».

Le 1er juin 2019, Rebecca* acquiert la maison de Mme et M. Boies*, située à Baie-Saint-Paul. La mère monoparentale de deux enfants était à la recherche d’un endroit «intime et tranquille» mentionne le document judiciaire dont le journal a obtenu copie.

La transaction est complétée et quelques instants après la signature de l’acte notarié, les parties sont réunies au domicile. Lors d’une conversation, Rebecca mentionne à Mme Boies que son fils parle régulièrement au voisin.

C’est là que Mme Boies avise la nouvelle propriétaire de «faire preuve de prudence, car le voisin a été accusé pour des infractions criminelles sur des mineurs», peut-on lire dans le jugement de l’affaire. Elle ignorait toutefois la teneur exacte des accusations.

Après vérifications, elle constate que le voisin en question a effectivement été condamné pour des contacts sexuels ou d’incitation à des contacts sexuels sur des enfants de moins de 14 ans à quatre reprises entre 2000 et 2007. À la lumière de ces informations, Rebecca veut annuler la vente et allègue que son consentement a été vicié. Elle enclenche une poursuite en août 2019.

La conclusion de l’affaire est connue en février 2022 et lui donne raison. Les deux anciens propriétaires ont commis une erreur en omettant cette information, même si elle était «de bonne foi», déclare la juge Manon Gaudreault dans son verdict. 

«[M. et Mme Boies] ont rendu un témoignage sincère et empreint de tristesse. Pour eux, ce n’était pas une information qu’ils ne voulaient pas dire, c’est une information qui ne leur est pas venue à l’esprit lors des discussions de prévente».

La juge Manon Gaudreault

L’acheteuse demandait au départ 15 000 $ en dommages et intérêts. Entre temps, elle revendra la maison et fera un profit de près de 9000 $. La cour demande finalement aux vendeurs de verser 3000 $ à la plaignante.

*Les noms utilisés sont fictifs

L’importance de s’informer


Avec les nombreuses transactions immobilières qui ont court, la vigilance est de mise.
Ce genre de situation peut arriver lors d’une transaction immobilière si les parties ne sont pas bien informées, croit l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), l’autorité provinciale qui encadre les courtiers.


Me Sandra Barrette, directrice de la certification et du Centre de renseignements Info de l’OACIQ, ne désire pas se prononcer directement sur le verdict de la juge Gaudreault. Toutefois, elle mentionne que de l’accompagnement avec un courtier permet de couvrir les angles morts potentiels.

«Les courtiers ont des obligations déontologiques en vertu de la loi et la réglementation qui est adoptée sous son égide. Lorsqu’ils interviennent pour représenter une partie dans une transaction immobilière, ils ont des obligations à respecter, dont celle d’informer les parties de tout facteur qui pourrait affecter défavorablement les acheteurs», indique-t-elle.

La porte-parole mentionne entre autres l’obligation de remplir une «déclaration du vendeur, qui agit à titre de curriculum vitae de l’immeuble». Dans le cas d’informations déclarées comme celles dont fait l’objet la poursuite relatée dans ce reportage, le courtier doit être prudent, indique Me Barrette.

«Il faut éviter de tomber dans la diffamation ou dans l’atteinte à la réputation pour ce genre d’informations sensibles, puisqu’elle touche une personne en particulier et non à la qualité ou aux attributs d’un immeuble. Ça ne doit pas se baser sur une perception, mais bien sur des documents sur lesquels le courtier peut s’attacher, comme un support journalistique».

Me Sandra Barrette directrice de la certification et du Centre de renseignements Info de l’OACIQ

La leçon de cette histoire : soyez bien informé des tenants et des aboutissants d’une transaction immobilière et pensez à fournir toute l’information dont vous disposez avant de vous lancer. Que vous soyez ou non accompagné d’un courtier, allez vous informer sur des plates-formes de renseignements comme Info OACIQ, centre de renseignements de l’organisme.

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