Les organismes de support aux victimes d’agression sexuelle outrés par le verdict de Gilbert Rozon

Par Emelie Bernier 9:32 AM - 16 Décembre 2020
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Ironie du sort, la ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, a présenté le rapport Comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale le même jour où Gilbert Rozon a reçu son verdict de non culpabilité.

 

Le CALACS de Charlevoix, Viol-Secours et le Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale dénoncent le verdict de non culpabilité sur lequel s’est conclu le procès du magnat de l’humour Gilbert Rozon. « Les mots «manque de preuve», «présence d’un doute raisonnable» sonnent à nouveau pour justifier pareille décision. Il est inacceptable de constater que, selon le système de justice, la victime n’a pas livré ce qu’elle devait livrer », peut-on lire dans un communiqué conjoint acheminé aux médias.

La juge Mélanie Hébert n’a pas remis en cause le plaidoyer de la plaignante, commentant qu’elle avait témoigné « de façon honnête, sincère, sans biais et sans exagération », mais a évoqué « un doute raisonnable » pour expliquer sa décision puisque l’accusé a fourni une version fort différente des faits reprochés.

«La preuve résidant uniquement dans le témoignage de la victime, le fardeau de prouver l’acte criminel repose sur ses épaules. On pousse les victimes vers un système de justice qui n’est pas outillé pour les entendre et les comprendre », tancent Véronique Couillard, du CALACS de Charlevoix, Julie Tremblay, de Viol Secours et Nancy Beauseigle, du Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale.

Elles craignent l’effet dissuasif sur les dénonciations d’un tel verdict.

«Pour moi, la plus grande hypocrisie c’est de demander aux victimes de devenir le moyen de prévention. On demande à celles qui ont vécu une injustice de la dénoncer afin d’éviter que l’agresseur fasse de nouvelles victimes. On utilise leur agression pour prendre soin de la société au lieu de juste respecter ce qu’elles ont vécu et d’en prendre soin. À mon sens, tant que l’ensemble de la société ne prendra pas la responsabilité de la prévention des agressions sexuelles, les victimes seront utilisées au lieu d’être aidées», dénonce Véronique Couillard du CALACS de Charlevoix.

Ce verdict survient au moment même où un Comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale dépose son rapport. Celui-ci contient 190 recommandations notamment un accès à des conseils juridiques gratuits dès la dénonciation, l’accompagnement d’un intervenant stable, le développement de formations spécialisées pour les intervenants médicaux et psychosociaux/judiciaires, les policiers, les avocats, les procureurs et les juges en matière d’agressions sexuelles et de violence conjugale et la création d’un tribunal spécialisé.

« Encore une fois, le système actuel a démontré son inefficacité à traiter adéquatement ces dossiers. Souhaitons que le rapport du Comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale dévoilé mardi instaure des changements rapides et majeurs dans le système actuel », concluent les intervenantes.

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