Chronique : Fidèle au poste

Par Brigitte Lavoie 3:50 PM - 7 avril 2020
Temps de lecture :

Sophie Tremblay est préposée d’aide à domicile pour l’Agence pour vivre chez soi.

Sophie Tremblay fait ce qu’elle aime dans la vie. Même en ces temps étranges où le coronavirus pourrait user sa détermination, elle est fidèle au poste. Sophie est préposée d’aide à domicile. Elle se sait importante, utile et oui, essentielle. Et elle a raison. Elle l’est! « J’ai trouvé ma place dans la vie. Et je suis vraiment contente », me dit-elle d’entrée de jeu au téléphone. « Ça semble vous toucher que je vous dise ça… » Oui. Assez. Je trouve ça très beau, une femme de 43 ans dont le métier est d’aider des êtres humains et qui adore ça.

Sophie Tremblay est préposée d’aide à domicile et travaille pour l’Agence pour vivre chez soi depuis huit ans. «Je fais toute sorte de choses pour aider la personne qui est à la maison avec des limitations physiques et qui a besoin d’aide. Avec le temps, on a eu de plus en plus d’actes délégués. Je donne des bains complets maintenant, je peux donner certains soins comme de l’insuline préparée, aider à mettre les bas supports. Je m’occupe des stomies, je peux changer le sac et l’appareillage. Certains soins sont faits deux fois par jour. La toilette, c’est tous les jours », énumère-t-elle.

Sans son aide et celles de ses collègues de l’Agence, plusieurs personnes avec  des limitations physiques devraient prendre le chemin d’un CHSLD.

« J’ai déjà un client qui m’a dit : Une chance que je t’ai, parce que j’ai pu rester trois ans de plus chez nous. Me faire dire merci, ça me touche. Mais je fais ça avec toute une équipe. » La collaboration avec le CLSC, le personnel soignant et les différents intervenants du réseau de la santé est essentielle. « On fait le pont entre les infirmières et les gens qui ont besoin d’aide à la maison. On fait tous partie d’une chaîne dans laquelle chaque maillon est important. On travaille tout le monde ensemble et on déplace des montagnes », image Sophie.

Alors que le coronavirus confine tout le monde à la maison et menace les personnes les plus vulnérables, Sophie constate une fois de plus que son travail et celui de ses collègues sont essentiels. Rassurer et aider rythment son quotidien. Un travail qui nécessite de la bienveillance, de la patience, de la rigueur et de l’empathie. Un métier où on a le sens du devoir.

« Certains clients sont inquiets. Nous leur expliquons que c’est un virus, qu’il faut faire attention. On les rassure. On prend toutes les précautions nécessaires. Je répète tout le temps aux clients qu’il faut se laver les mains. Je suis tannante avec ça », raconte Sophie qui change de vêtements trois fois par jour, se déshabille avant d’entrer dans sa maison, se fait livrer l’épicerie et discute avec ses enfants et sa famille à distance. « Je suis à la maison ou au travail, c’est tout. Je ne vais nulle part ailleurs et je ne vois personne d’autre que mes clients », précise-t-elle. « Pour moi, c’est comme ça. On a un travail à faire et on va le faire de notre mieux. »

Coronavirus ou non, les gens avec des limitations physiques à la maison continuent d’avoir besoin d’un coup de main pour pouvoir y rester. Et on devine que l’accueil qu’ils réservent à Sophie et ses collègues est chaleureux. « On permet aux gens d’avoir encore des services. Ils sont vulnérables et on se doit de continuer à les aider. (…) Certains ne voient plus leur famille. On est parfois leur seule visite ces temps-ci. On s’est recréé comme un petit cercle, comme un genre de nouvelle famille, et on fait attention de ne pas l’agrandir. C’est mon travail de les protéger. (…) Il ne faut pas lâcher. On doit continuer. Pour moi, ce travail est une passion et je crois qu’on fait le plus beau métier du monde. »

***

L’Agence pour vivre chez soi compte en temps normal près d’une centaine de préposées d’aide à domicile offrant notamment des « services d’hygiène». La grande majorité sont des femmes et elles gagnent entre 13 $ et 16 $ / heure. Présentement, pour le maintien des services essentiels, elles sont une cinquantaine toujours en poste.

Le directeur général de l’Agence, Alain Goulet, rappelle que son organisme et le Réseau des entreprises d’économie sociale et de services à domicile militent depuis 20 ans pour faire davantage reconnaître le
travail des préposées d’aide à domicile. L’entrée en scène du nouveau programme d’aide pour les travailleurs essentiels à faibles revenus vient rappeler l’importance de ce corps de métier selon lui.

« Les préposées sont au front actuellement et elles aident une clientèle vulnérable. Elles sont en soutien au réseau de la santé » rappelle-t-il. « Nous faisons des représentations afin de s’assurer que les préposées reçoivent leur part du programme et qu’elles obtiennent un salaire juste et conséquent en période de pandémie », précise M. Goulet qui prévoit rencontrer la députée Émilie Foster afin de discuter de la question.

Ça vaut combien de dollars de l’heure un travail essentiel dont les acteurs sont dévoués à des humains et qui est exécuté dans la discrétion par des gens avec du cœur et de la bienveillance ?

Partager cet article