Soeurs Sourire

Par Émélie Bernier 3:55 PM - 15 octobre 2019
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Soeur Carmen Gravel

 

Tranche de vie : enfant et ado, j’ai suivi des cours de piano pendant des années avec la plus aimable des Sœurs Sourire. Si je n’étais pas la plus assidue des musiciennes, Sr Carmen Gravel, elle, était constante dans sa joie de transmettre son amour de la musique.

 

J’ai revu Sr Carmen l’autre jour, quand les Petites Franciscaines sont revenues faire un tour dans leur ancien chez elles devenu depuis le beau grand ramassis éclectique et foisonnant de Maison Mère. L’ambiance était à la joie, une des valeurs fondamentales des disciples de Saint-François.

D’un coup, une flopée de souvenirs sont revenus au galop! Les arrivées par la grande porte avant et le sourire, derrière sa vitre,  de la religieuse qui m’accueillait lorsque je venais suivre mes cours. Le petit salon au mobilier « royal » où mon regard curieux s’attardait en passant les premières portes. Les grandes robes brunes et les voiles crème qui m’impressionnaient tant.

Le parfum singulier du couvent, un mélange de savon, de bois et d’effluves de nourriture mijotant quelque part dans les dédales de l’édifice-labyrinthe.

La redoutable, et si vaste,  salle sombre aux armoires vitrées pleines de livres et d’animaux empaillés…C’est en courant que je la traversais pour gagner la petite pièce cachée derrière la scène au rideau bleu où ma gentille professeure m’attendait pour tenter de m’inculquer le b-a ba de la musique. Ses mains à la peau lisse et brillante dont les doigts couraient habilement sur les notes noirs et blanches du piano. Son sourire, immuable, même quand les miens s’enfargeaient sur les mêmes notes. Je ne crois pas l’avoir déjà vue fâchée, même quand je butais péniblement sur mes exercices de Hanon ou mes sonates de Bach…

Elle ne s’est pas fâchée non plus quand la logique a dicté aux sœurs de plier bagage et de quitter leur belle, mais si grande maison.

«Ça été un grand deuil, mais à travers ce dépouillement qui nous était demandé, il y avait énormément de sérénité.  On avait confiance que le Seigneur nous amènerait autre chose! On ne s’en allait pas mourir, mais revivre, d’une autre manière», me confiait-elle alors que les retrouvailles battaient leur plein dans l’ancien réfectoire.

Ah, ce fameux et fabuleux réfectoire où, pour me récompenser après mes cours, Sœur Carmen m’amenait manger une patte d’ours après mes cours de piano! Je n’avais jamais rien mangé d’aussi délicieux! Et que dire de toute la gentille attention dont m’inondait les sœurs de ma professeur! Car, dans ma tête de gamine,  elles étaient toutes frangines… C’est bien ainsi qu’on les appelait, non? Une belle et grande famille!

Mais revenons à ce qu’elles sont devenues… Aux Bâtisseurs, où elles ont élu domicile, les religieuses sont aussi près de leur mission qu’elles peuvent l’être, rappelle Sr Carmen. « Notre mission est toujours la même, porter l’amour aux gens qui nous entourent, et dans cette résidence,  les occasions ne manquent pas. C’est très beau de voir l’alliance qui s’est créée entre les laïques et nos sœurs! Ça prouve qu’on a quitté la maison, mais pas la mission, qui est l’accueil inconditionnel des personnes. Et répondre aux besoins du milieu où on se trouve », résume la religieuse.

La maison qu’elles ont quittée est elle aussi toujours habitée par la mission, constate Sr Carmen et ses consoeurs Hélène Lavoie et Rolande Simard. « L’accueil, ici, se fait d’une manière inconditionnelle ! Il y a l’Auberge de jeunesse des Balcons, de l’hébergement alternatif, le Mousse Café, des organismes communautaires, des artistes… », s’enthousiasment-elles

D’ailleurs, preuve s’il en faut que « tout est dans tout », une dizaine de travailleurs de Madagascar, où la congrégation est établie depuis 50 ans, pourraient bientôt profiter des anciennes petites chambres des sœurs. « Les Bâtisseurs font venir une cinquantaine de Malgaches pour travailler dans les résidences un peu partout au Québec. Il n’y a pas de hasard dans le fait que certains seront logés ici… », glisse Sr Carmen avec un autre de ses sincères sourires.

Sœur Rolande Simard

Sœur Carmen Gravel, Sœur Hélène Lavoie, Sœur Rolande Simard, avec qui j’ai eu l’occasion de jaser en ce beau dimanche, ont en commun cette sérénité devant le changement, cet espoir, cette fierté de voir leur ancienne maison vibrer comme jadis, quand leur communauté fleurissait et que chaque petite chambre était habitée.

«On ne peut dire que des mercis! C’est la continuité… », m’ont-elles lancé tour à tour.

Voilà qui fait l’unanimité!

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