La région perd ses producteurs laitiers

Par Gilles Fiset 7:30 AM - 10 avril 2019
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Richard Bouchard dans son étable à la ferme Pérou.

Depuis une dizaine d’années, le nombre de producteurs laitiers a diminué de 50 % dans Charlevoix, une situation qui inquiète.

Le nombre de producteurs laitiers est passé d’une trentaine à une quinzaine seulement en une dizaine d’années seulement, selon le président des producteurs de lait de la Capitale-Nationale-Côte-Nord, Richard Bouchard de la ferme Pérou, à Baie-Saint-Paul. De ce nombre, deux entreprises ont fermé l’an dernier seulement et d’autres fermetures seraient à prévoir.

Pour M. Bouchard, ce déclin est multifactoriel. « C’est certain que c’est de moins en moins intéressant financièrement et c’est devenu de plus en plus “lourd” d’exploiter une entreprise de production laitière. On a juste à penser aux nouvelles normes environnementales par exemple. C’est une bonne chose en soi, mais ça demande beaucoup de temps et de gestion et ça vient s’ajouter au fardeau d’un travail qui roule déjà sept jours sur sept. Ça en décourage certains. Il y en a qui vendent parce qu’ils n’ont tout simplement pas de relève. D’autres ont de vieilles installations et ils préfèrent arrêter parce qu’ils trouvent que ça ne vaut plus la peine d’investir pour se moderniser ».

La peur de voir tomber le système de quotas, mis en place dans les années 1970 pour diminuer la concurrence étrangère, jouerait aussi dans la décision de plusieurs. « Il y en a qui ont peur de voir les quotas tomber et que le libéralisme économique s’implante. Ils se disent que s’ils vendent maintenant, ils vont en avoir pour leur argent, mais s’ils attendent trop, ils vont perdre leur investissement », explique Richard Bouchard. Ce dernier affirme qu’il n’a pas peur de voir le système s’effondrer du jour au lendemain, mais « les chauffeurs de taxi ne pensaient pas il y a cinq ans vivre ce qu’ils vivent présentement ».

Des effets économiques et psychologiques

Le déclin amène son lot de problèmes. Un des plus marquants, l’accès aux services reliés à l’entretien de l’équipement. « Ça nous coûte plus cher qu’avant parce que les services viennent de plus en plus loin. Les réparateurs les plus près pour les équipements laitiers proviennent de Saint-Bruno au Lac-Saint-Jean ou de Yamachiche en Mauricie. Avant, on en avait un à la Laiterie Charlevoix, mais il n’y avait pas la masse critique de producteurs pour y maintenir du personnel qualifié en permanence », soutient Richard Bouchard.

Il en va de même pour les soins aux animaux. « Pour l’instant dans la région, on est chanceux, on a une bonne équipe de vétérinaire, mais s’il y a trop d’entreprises qui cessent leurs opérations, il risque de ne plus en avoir assez pour retenir les vétérinaires dans la région », s’inquiète le président des producteurs laitiers.

Mais c’est le moral surtout, selon M. Bouchard, qui en prend pour son rhume. « Le côté le plus pervers, c’est que ça nous joue dans la tête. On perd du dynamisme. On se dit qu’un autre de nos “chums” arrête, alors pourquoi je continue ».

Encore du soleil à l’horizon

Malgré tout, Richard Bouchard reste optimiste. « Tout n’est pas complètement noir. Le Canada a les normes de production les plus sévères et produit un des meilleurs laits au monde. Il y a même de plus en plus de transformateurs qui viennent s’installer ici pour produire et exporter leurs produits ailleurs, assure-t-il. Le public et les consommateurs apprécient ce que nous produisons, ils sont derrière nous. La consommation a augmenté de 20 % depuis dix ans. Ce n’est pas tout noir dans l’industrie ».

 

 

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