Fromages européens : une concurrence qui fait peur

Par Gilles Fiset 5:58 AM - 10 avril 2019
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Même si beaucoup de petites fromageries proposant des produits nichés craignent moins la récente ouverture du marché canadien aux fromages importés, il en est tout autrement de celles qui doivent concurrencer les géants européens, comme la fromagerie Saint-Fidèle.

Depuis la signature de l’Accord économique avec l’Union européenne, il y a de ça près d’un an et demi, les 86 fromageries québécoises sont aux prises avec la concurrence des produits européens.

C’est le cas de la Fromagerie St-Fidèle. « Ce n’est pas inquiétant, mais très inquiétant », confie la directrice générale de l’entreprise de La Malbaie, Cathy Savard, qui a déjà constaté les effets de l’accord. « Il y a un client qui m’a dit je ne peux pas te placer de commande à moins que tu sois capable de me baisser ton prix. Mais, même si le client est revenu acheter de nos produits par après, le phénomène vase reproduire. Surtout que l’entrée des fromages européens va aller en s’amplifiant. La quantité autorisée à entrer au pays, 16 millions de tonnes, n’est même pas encore à moitié atteinte », explique Mme Savard.

Cette dernière craint une guerre de prix pour ceux qui développent des types de fromage produits en grande quantité en Europe comme le suisse, la spécialité de son entreprise, mais aussi entre producteurs québécois. Pour Cathy Savard, certaines fromageries, incapables de concurrencer l’importation devront se tourner vers d’autres types de fromage et ainsi s’imposer au Québec dans des parts de marché déjà occupées par d’autres.

Une campagne avec un bémol

Pour sensibiliser les consommateurs aux problèmes, les producteurs de lait du Québec ont lancé la campagne « Je vérifie qu’ils sont d’ici », afin de stimuler l’achat local et provincial.

Malheureusement, même si l’action est louable et que les consommateurs y adhèrent, c’est loin d’être une panacée, selon Mme Savard. « On a beau vouloir encourager les producteurs d’ici, on ne sait vraiment pas tout le temps d’où provient le fromage que l’on mange. On a juste à penser à la pizza que l’on achète. Comment fait-on pour savoir d’où vient le fromage », se demande-t-elle.

Pas mieux, mais moins cher

Pour Maurice Dufour de la Maison d’affinage qui porte son nom, ce n’est pas tant le goût que le prix qui est à craindre de la nouvelle concurrence du vieux pays. « D’après les informations que l’on a eues des gérants de grands magasins et d’épiceries, les fromages d’Europe qui sont envoyés ici pour nous concurrencer ne sont pas si appréciés que ça. Ils sont faits de façon très industrielle avec beaucoup de substances laitières modifiées, ce qui donne une certaine homogénéité de goût. Mais ils sont foncièrement moins dispendieux. On a vu des produits arrivés de l’extérieur à des prix pas mal moindres que ce que l’on paie ici ».

Une peur pas toujours partagée

Certains producteurs de fromage n’ont pas eu à souffrir de la nouvelle concurrence des vieux pays et ne la craigne pas outre mesure. « On n’a pas eu de répercussion, Mais il faut dire l’on n’est pas présent dans les grandes chaines de magasins. On a décidé de se positionner dans un marché plus petit et plus sensible au marché régional », explique Bruno Labbé de la Laiterie Charlevoix.

Même son de cloche pour Maurice Dufour à qui la régionalisation de son produit donne un bon coup de pouce. « On est rentré dans les mœurs des restaurants et des hôtels de la région. Les clients qui viennent dans la région essaient nos produits et s’ils les aiment, ils en achèteront à la maison », explique-t-il.

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