Chronique d’une dérive annoncée

Par Emelie Bernier 9:25 AM - 10 mai 2017
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Primo, il n’y a pas de honte à avoir. Deuxio, ça peut arriver à tout le monde. Voilà pourquoi cette chronique exposera sans fard ma défaillance, celle qui m’a tenue loin de mon clavier et loin de vous, chers lecteurs, durant quelques lunes.
Depuis 10 ans, j’étais un fidèle matelot. J’accomplissais mes nombreuses tâches sans faillir. Je ronchonnais, certes, parfois, puis je balayais dans un racoin du pont insatisfactions, doléances et « à-boutites » bénignes ou aigües qui essaimaient mon quotidien de bon moussaillon.
Il s’en est passé, des tempêtes, en 10 ans. Des lames de fond, des ouragans et de ces bourrasques qui vous laissent un peu étourdi, mais toujours debout. J’étais toujours prête à tenir la barre quand d’autres tombaient, même si jamais, au grand jamais, je n’ai eu l’ambition de devenir capitaine au long cours. Ce navire n’est pas le mien, j’y suis matelot, vous disais-je.
Mais matelot, capitaine, on est tous dans la même galère, au final. Et l’usure menaçait les cordages.
Puis, une autre vague a balayé le pont et sans crier gare, elle m’a renversée. Pourtant, je ne me suis pas effondrée. Je me suis remise debout, j’ai relevé la tête et j’ai continué de souquer, souquer, souquer… Chaque coup de rame me demandait un effort nouveau. À contre-courant. À contre-cœur.
Sans crier gare? Ce n’est pas tout à fait vrai. Il y a eu des signes, bien sûr. Il y en a, en général. Des nuits presque blanches. Des mains invisibles autour de la gorge. Le cœur boulet rouge qui s’emballe sans raison apparente. Le nerf râpé à vif. Les larmes pour tout et rien. La patience effilochée.
J’aurais pu continuer comme ça. User ma corde jusqu’à ce qu’elle ne tienne plus que par un fil. C’est commun. Un sage avisé, avec bien des années d’étude de la condition humaine et un diplôme pour en témoigner, m’a cependant invitée à faire autrement.
J’ai donc mis pied à terre. Largué les amarres. Et le temps s’est à la fois arrêté et précipité.
Durant des semaines, je ne l’ai pas vu passer. Un mois, puis un autre. De sommeil, de jeux dans la neige, de nourritures terrestres et d’eau fraîche. De tête-à-tête avec moi-même. De réflexion. De regards au plafond. Ainsi j’ai soigné mon mal de mer.
Lentement, le cœur a repris sa cadence. Les nerfs se sont décontractés. De nuits blanches, il n’a plus été question.
J’ai lu, beaucoup, sur l’épuisement, sur ce qui y mène, sur le rythme intenable que l’on s’impose, sur les attentes qui nous mènent par le bout du nez, sur les moyens de faire autrement. Comment ne pas que survivre.
« La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent », disait Einstein.
Alors faisons autrement. J’ai envie de parler de vous, de vos passions et de vos défis, de vos failles et de vos réalités, de ce qui vous inquiète et vous nourrit. En 10 ans, ce sont vos histoires qui m’ont le plus touchée, qui m’ont le plus donné l’envie d’écrire. Si vous avez envie de m’inspirer, n’hésitez pas à m’écrire : ebernier@lecharlevoisien.com.
Pour ma part, je remonte à bord avec lucidité. En haut du mât, une vigie. Il y aura encore de grandes et petites vagues, les remous font partie du voyage… mais de les voir venir aide à passer au travers sans sombrer, à maintenir ce fragile équilibre qui permet de continuer d’avancer. Soyez vigilants, nul n’est à l’abri du naufrage…

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