Des miettes de coeur

Par Emelie Bernier 5:19 PM - 30 janvier 2017
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C’est tout près, Québec. Ce n’est ni Paris ni Ouagadougou ni Alep. Ce n’est pas Bruxelles, ni même Boston. C’est juste là, sous nos yeux, dans notre cour. Un peu plus près et on flairerait l’odeur de poudre dans l’air. Celle du sang versé aussi.
Dimanche, pendant que la province était rivée comme d’hab à un écran en train d’écouter Tout le monde en parle ou Le Banquier, un homme a bousillé la vie de toute une communauté, a déchiré la belle carte postale glacée d’une petite ville photogénique et paisible. À grandes rafales d’AK 47, la bulle de la parfaite et lisse Québec a été défoncée.
Des hommes dans un moment de recueillement, de vulnérabilité, des hommes en prière sont tombés sous les rafales effrayantes. En quelques minutes, dix-sept enfants sont devenus orphelins de père. Des femmes sont devenues veuves. Une communauté entière a été traumatisée.
Et je n’arrête pas de pleurer. Parce que ça m’écoeure. Parce que ça me fait peur. Parce que j’ai mal à mon humanité déshumanisée.
Il y a du racisme partout. On savait donc qu’il y en avait aussi à Québec. On a vu les banderoles haineuses. On a entendu les animateurs caves des radios poubelles nourrir le feu de l’intolérance, de la peur. On a su, pour la tête de porc, les tracts islamophobes… On a entendu parler de La Meute… On se disait quoi? Ça va passer, c’est Québec!?!
Le racisme est une maladie contagieuse, virulente et les incubateurs prolifèrent. D’abord, les réseaux sociaux, ces grands fourre-tout un peu anonymes où il existe des communautés pour tous les radicalismes de ce monde malade. Les extrémistes, ces désaxés de l’âme et du cœur, y trouvent non seulement une tribune, mais un lieu de réconfort où leurs idées détraquées sont partagées, promues, voire encensées! Il n’y a rien comme une communauté pour se crinquer et faire de vos délires une réalité. Partagées, les idées aussi sottes, aussi démentes soient-elles, se cristallisent. Avec les risques de dérives que l’on connaît trop bien aujourd’hui.
Dans les heures qui ont suivi l’attentat, si la majorité a spontanément joint sa voix au deuil, les propos haineux ont abondamment dégouliné sur le Web. Des trucs scabreux, dégueulasses, des appels à la haine relayés sans filtre qui ne font que confirmer qu’il y a péril en la demeure si on laisse aller les choses sans intervenir.
« […] Dans la perspective de contrer et de prévenir la radicalisation, le constat de la construction de microcosmes où des informations, tant vraies que fausses, visent à conforter l’utilisateur dans ses préjugés et à le jumeler à d’autres utilisateurs aux opinions similaires, constitue un péril face auquel nos sociétés ne peuvent rester immobiles. […] L’absence de contrôle de la plupart des plateformes ouvre la porte à toutes les dérives, transformant souvent les débats de fond en attaques personnelles, et menant au final à davantage de frustration que de compréhension mutuelle des arguments. […] Il faudra fort probablement nous pencher sur l’environnement créé par les médias sociaux et étudier comment ce nouvel environnement semble avoir un rôle déterminant dans une majorité d’attentats terroristes et de crimes haineux. Il en va de nos libertés d’expression et de la viabilité de notre démocratie », écrit Paul St-Pierre Plamondon dans Le Devoir (à lire, De l’urgence d’étudier l’impact des médias sociaux sur nos démocraties : http://bit.ly/2kn6gnk. Vous n’avez pas le temps? Prenez-le).
Le jeune illuminé qui a assassiné ces six hommes, pères de famille, prof universitaire, pharmacien, chercheur ou épicier, s’abreuvait aux réseaux sociaux. Il admirait Trump… A-t-il voulu faire sa part dans le grand ménage ordonné par son idole politique? A-t-il été validé dans ses intentions malsaines par la démonstration de force du plus puissant homme du monde? L’avenir le dira…
Ce qui est certain, c’est que dans les jours précédant l’innommable, le mal au cœur me tenaillait. Le dégoût de voir les réfugiés, même munis d’un visa, refoulés aux frontières états-uniennes ou revirés de bord comme des chiens avant même d’avoir pu prendre l’avion vers un avenir meilleur, promis, à portée de main enfin. La consternation de lire les histoires de citoyens états-uniens originaires d’ailleurs se cogner le nez aux portes de ce pays qui leur avait pourtant dit « oui ».
Trump a à peine quelques semaines de présidence au compteur que déjà, il a fait siens les « faits alternatifs » et alimenté les dissensions à grands coups de gueule babouneuse et de décrets présidentiels abjects, dépourvus de sens commun. Tordu, il a même réussi à se servir de l’attentat de Saint-Foy pour justifier son décret anti-immigration! Du miel pour les radicaux, les extrémistes de tous acabits. Il importe plus que jamais de se tenir debout devant ces aberrations.
Parce qu’il n’y a qu’une seule race sur terre, la race humaine, je vous laisse en vous invitant à visionner ce bijou de vidéo produite par la télé danoise…
https://www.youtube.com/watch?v=jD8tjhVO1Tc
Une planète, un peuple.

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