Les «vraies affaires» et les autres

Par Emelie Bernier 24 février 2016
Temps de lecture :

Dans la langue de bois des politiciens, il y a beaucoup de longues phrases tarabiscotées qui ne veulent rien dire, des euphémismes, des lapalissades et des expressions consacrées, creuses par définition et répétées à l’envi.

Parmi celles-ci reviennent régulièrement M. et Mme Tout le monde, mais les « vraies affaires » figurent en tête de liste. Il faut se dire les vraies affaires, venons-en aux vraies affaires, parlons des vraies affaires, comme si tout le reste n’était que futile blabla et poudre aux yeux. Le hic, c’est que ces fameuses « vraies affaires » sont encore plus poudreuses que le reste. Elles ne sont qu’une formule, une charnière dans le discours, un claquement de doigts pour faire lever les sourcils aux masses assoupies pour mieux  leur asséner une nouvelle dose d’éther…

« En langage politique, on prête volontiers à la langue de bois des tares et des vertus qui la rendent nécessaire: elle permet de transformer, de réécrire ou cacher la vérité, de répondre à côté d’une question gênante ou de noyer une absence de pensée et de maîtrise d’un sujet sous un déluge de paroles creuses. Il s’agit souvent de faire appel aux sentiments pour dissimuler la carence de faits ou de connaissances concrètes. Bref, savoir s’exprimer sur tout sans être expert en rien.(…) Elle permet de neutraliser ou d’adoucir les choses qualifiées, de faire acte de prudence et de ruse. » (Source : lefigaro.fr)

Il y a même un nom savant pour cette fameuse voie d’évitement de la réalité, soit  la xyloglossie ou la xylolalie du grec xylon : bois et glossa : langue ou laleô : parler) Faut–il que ce soit ancré dans les usages….

Parce qu’on trouve de tout sur les internets, le politicien en mal d’inspiration tordue pourra visiter le générateur de langue de bois. Simple d’utilisation, le site propose de mettre quelques mots clés dans des cases et vous pond un long texte pompeux et d’une abyssale vacuité en un rien de temps.  (envie d’essayer? http://www.presidentielle-2007.net/generateur-de-langue-de-bois.php)

Au chapitre des reproches, innombrables, que l’on peut adresser à l’infâme Donald Trump, ne figure cependant pas la xylolalie. Le bois est trop mou pour le bonhomme au toupet peroxydé qui fait plutôt dans la langue dure, intransigeante, pesante des pires préjugés.

Vous ne connaissez pas le personnage? Il faut voir absolument cet éditorial d’Ezra Klein, de Vox: https://www.youtube.com/watch?v=drWh6vBa45k (ou plus simplement bit.ly/1oDgajV).

Sous ses airs de clown un peu gnochon se cache ce que Klein n’hésite pas à qualifier de « plus dangereux candidat à la présidentielle américaine de tous els temps». Son discours est littéralement terrifiant, définitivement rétrograde. À côté de Trump, Jean-Marie Le Pen est un Câlinours altermondialiste!  Pour le milliardaire américain, les Mexicains sont tous des vendeurs de drogue, des voleurs et des violeurs. Poutine est un leader exemplaire. Les portes des États-Unis devraient être complètement hérmétiques aux immigrants de confession musulmane. Et les journalistes féminines qui insistent un peu trop sur ses dégradants et récurrents propos sexistes (il a notamment qualifié les femmes de truies, de chiennes, d’animaux dégoûtants…)  ne sont que de faibles créatures qui sont sûrement en train d’avoir leurs règles…  (Envie d’être bien définitivement dégoûté? Lire sur l’Affaire Megyn Kelly).

Raciste, sexiste, homophobe, démagogue, narcissiste, intimidateur. Et sans scrupule. Ce ne sont là que quelques-uns des adjectifs qui lui vont comme un gant. Et dont il semble absolument fier.

Le pire dans tout ça, c’est qu’il a la cote. Même les enfants l’adorent.  (https://www.youtube.com/watch?v=8_GHUz_v5R0 ou bit.ly/24mnKPU ). Comme cette gamine qui braille de joie,  j’en pleurerais. Mais pas pour les mêmes raisons.

Même le pape François, dont le mandat n’est pas a priori politique, est sorti de ses gonds devant l’ignoble Trump. « Une personne qui veut construire des murs et non des ponts n’est pas chrétienne », a déclaré François 1er. Pour que le souverain pontife se permette cette rare ingérence papale dans une campagne présidentielle américaine, imaginez à quel point il doit être outré sous sa calotte.

L’indigeste clown Donald a déclaré illico la guerre au pape… comme quoi rien ne l’arrête, même pas Dieu!

Puissent les électeurs Américains cesser de voir en lui un nouveau héros. Moi qui ne suis guère catho, je me prends à prier tous les Saints du ciel pour que ce barbare ne devienne pas l’homme le plus puissant du monde.

***

Retour en arrière

La semaine dernière, j’ai oublié d’indiquer, à la fin de ma chronique sur le consentement, un lien fort à propos « Le consentement sexuel expliqué par une tasse de thé ». Un lecteur me l’a souligné… et voici, la boucle est bouclée. A voir absolument : https://www.youtube.com/watch?v=oQbei5JGiT8 ou http://bit.ly/1FmbnXe. Sans ambiguïté.

Partager cet article