Attendre l’ambulance

Par Dave Kidd 24 février 2016
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Avez-vous déjà attendu l’ambulance? Selon l’urgence de la situation, les secondes deviennent des minutes dans votre tête. L’incontrôlable mélange de stress et de panique s’installe… Le camion jaune n’arrivera jamais assez vite si votre enfant ou votre blonde a besoin d’aide. Les paramédics pourraient arriver plus rapidement, mais l’horaire de travail ne le permet pas toujours. 

Avant de débattre sur le sujet, voici le portrait de la situation. La Coopérative des techniciens ambulanciers du Québec (CTAQ) dessert Charlevoix. Elle dispose d’une flotte de neuf ambulances réparties dans quatre points de service. Deux ambulances basées à Baie-Saint-Paul et La Malbaie fonctionnent selon un horaire à l’heure. Les ambulanciers patrouillent sur la route de 8 h à 20 h du mercredi au dimanche. Lundi et mardi c’est de 8 h à 18 h. Les six autres véhicules sont assujettis à un horaire de faction. L’horaire de faction, introduit en 1989, prévoit que le paramédic est de garde chez lui. Il travaille 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, puis bénéficie d’une semaine de congé. 

J’ai souvent écrit sur ces horaires qui ont pour effet de diminuer le temps de réponse d’une ambulance.  Entre 20 h et 8 h le matin, si vous composez le 911 pour obtenir une ambulance, elle arrivera moins rapidement qu’en plein cœur de l’après-midi à Baie-Saint-Paul ou La Malbaie.  
L’efficacité de l’horaire à l’heure n’est plus à démontrer. Plusieurs reportages ont été faits sur des vies sauvées par des ambulanciers arrivés rapidement au chevet d’une victime d’un arrêt cardio-respiratoire. J’ai eu le privilège de discuter avec des « survivants » et des membres de leurs familles. Dire qu’une vie n’a pas de prix est une expression bien faible en comparaison du bonheur qui les habite et de la reconnaissance qu’ils expriment aux gens qui ont fait la différence. Aucun ambulancier ne se présente en héros après une intervention. C’est son travail de sauver des vies. 

La semaine dernière, le regroupement des paramédics desservant les territoires de la Beauce, de Bellechasse, des Etchemins et de la région de Lac-Mégantic (TASBI) a lancé une campagne de sensibilisation pour démontrer que l’horaire de faction n’est plus adapté. Le ministre de la Santé et des Services sociaux a commenté au 101.5 FM de la Beauce. Il a confié  que la révision des ententes et des règles concernant le service ambulancier est en cours. Il ne dit pas que les horaires de faction vont disparaître, mais il assure vouloir travailler pour offrir le meilleur service possible. 

Les paramédics de Charlevoix, surtout les jeunes, semblent majoritairement en faveur du changement d’horaire. Un ambulancier de 20 ans de service m’explique que « c’est anormal de ne pas avoir un horaire de travail normal pour un métier qui ne donne pas droit à l’erreur ». Une second trace un parallèle avec les policiers de la SQ. « Les MRC de Charlevoix et de Charlevoix-Est bénéficient des services de la Sûreté du Québec qui paie ses policiers à l’heure. Pourquoi pas les ambulanciers? Ce n’est pas important ? »  Des arguments qui arrivaient bien après qu’ils eurent fortement insisté sur le fait que  « c’est la population qui en bénéficierait le plus ». 

Le syndicat des paramédics de Charlevoix, affilié à la CSN, favorise le changement d’horaire. Son président est loin d’avoir déchiré sa chemise sur ce sujet jusqu’à maintenant. Généralement, la CSN excelle dans les campagnes de sensibilisation. Je suppose que  la stratégie doit être en élaboration. 

Les compagnies ambulancières sont solidaires des revendications « pour l’amélioration du service à la population ». Le contraire aurait été plutôt surprenant. Elles risquent de faire plus d’argent si la liste d’employés s’allonge. En ne se mêlant pas du dossier , elles conservent une belle image « de partenaires du ministère et des CIUSSS » en laissant les syndicats se taper le sale boulot en sortant publiquement. Les dirigeants de compagnies n’ont qu’à suivre l’actualité et à la limite à couler de l’information aux syndicats afin d’alimenter le débat.  

Car la conversion des horaires aura un coût. Les horaires actuels entraînent déjà des dépenses supplémentaires en considérant ce que les paramédics appellent les « débordements ». Pour faire une histoire courte, après 16 heures de travail sans une période de quatre heures de repos ou en l’absence de repos pendant 8 heures sur 24 h de travail, le paramédic est remplacé. Son remplaçant est payé à l’heure pendant huit heures! Le ministère de la Santé paye les heures supplémentaires. 

J’espère que le ministre Barrette va donner un électrochoc au milieu préhospitalier. Le rapport  Services préhospitaliers : Urgence d’agir, aussi connu sous le nom de Rapport Ouellet, fait 116 recommandations. Le document publié en 2014 n’épargne aucun maillon de la chaîne. Il comprend assez de matière pour passer à l’action.   

Au final, c’est une question d’argent : sommes-nous prêts à payer pour obtenir un meilleur service? 

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