Des maires ont donné près de 100 000 $ à la caisse électorale de la CAQ depuis 2021
Le premier ministre du Québec, François Legault, prend la parole lors du caucus pré-session de la Coalition Avenir Québec à Sherbrooke, Québec, le mercredi 24 janvier 2024. Photo Christinne Musch/ La Presse Canadienne
Des maires du Québec ont donné près de 100 000 $ à la caisse électorale de la Coalition avenir Québec (CAQ) entre 2021 et 2023.
C’est ce que révèle une compilation obtenue par La Presse Canadienne de source sûre, alors que la CAQ est embourbée dans des controverses sur ses méthodes de financement.
Au total, près de la moitié des maires et préfets du Québec, soit 503 sur 1138, ont contribué au financement de la CAQ depuis les dernières élections municipales en 2021.
En 2021, ils ont versé 20 535 $ dans la cagnotte caquiste, 40 155 $ en 2022 et 38 190 $ en 2023, donc au total 98 880 $. La compilation n’inclut pas les dons des milliers de conseillers municipaux.
À titre de comparaison, la CAQ a encaissé près de 779 000 $ en dons individuels en 2021, et 1,35 million $ en 2022, année électorale où les citoyens sont autorisés à verser 100 $ supplémentaires en plus du don maximal autorisé par année de 100 $.
Le don le plus fréquemment versé par les maires est de 100 $, soit le maximum autorisé par année.
La Presse Canadienne a validé par échantillonnage aléatoire les données recueillies en effectuant des recherches sur les donateurs à même le site d’Élections Québec.
La semaine dernière, François Legault avait assuré que son parti ne ciblait pas particulièrement les élus municipaux dans ses stratégies de financement.
La Presse Canadienne avait toutefois révélé mardi dernier que le député caquiste Louis-Charles Thouin a invité une dizaine de maires de sa circonscription de Rousseau à un cocktail pour garnir la caisse électorale à coups de 100 $, en échange de quoi les élus pourraient rencontrer la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, le 8 février à Saint-Jacques.
M. Legault a laissé entendre que sa formation allait réviser ses messages, mais a répété que les maires n’avaient pas à payer la CAQ pour rencontrer un ministre.
«Le dossier est clos», avait-il tranché dans une conférence de presse à l’issue d’une réunion de deux jours de son caucus à Sherbrooke jeudi dernier.
Le député Vincent Marissal, de Québec solidaire, a demandé à la commissaire à l’éthique d’enquêter sur M. Thouin, en évoquant un «stratagème de financement» de la CAQ, qui pourrait faire miroiter un entretien avec un ou une ministre en échange d’un don de 100 $. Selon le député de QS, cela contrevient à plusieurs articles du code d’éthique. La requête est en cours de traitement.
Dans un reportage de Radio-Canada diffusé en décembre, des maires de l’Abitibi exprimaient leur malaise et disaient se sentir obligés de contribuer à la CAQ pour rencontrer un ministre et ainsi faire avancer leurs dossiers.
La loi électorale stipule que le donateur à un parti politique doit attester que sa «contribution est faite à même ses propres biens, volontairement, sans compensation ni contrepartie, et qu’elle n’a fait ni ne fera l’objet d’un quelconque remboursement».
La Presse Canadienne a demandé des précisions à Élections Québec concernant la question de la contribution qui doit être versée sans contrepartie.
«L’esprit de la Loi électorale au regard du fait que la contribution doit être faite “sans compensation ni contrepartie” est d’éviter qu’un parti ou qu’un candidat se trouve dans une situation où il se sentirait redevable face à la contribution versée par un donateur et de s’assurer que chaque donateur agit volontairement pour verser sa contribution, de son propre chef et à même ses propres fonds, sans subir de pression ou de promesse d’une tierce personne», a précisé un porte-parole d’Élections Québec dans un courriel.
Dans son message de sollicitation, le député caquiste indiquait, pour justifier sa démarche: «chaque député doit, chaque année, amasser des fonds en vue des prochaines élections, toutefois cette année j’ai décidé de vous proposer une nouvelle formule».
Il disait qu’il veut ainsi «joindre l’utile à l’agréable» en invitant les élus à un «cocktail privé» au coût de 100 $, formule 5 à 7, en présence de Mme Guilbault.
«Geneviève et moi serons ravis de vous accueillir et de pouvoir échanger avec vous sur divers sujets qui vous préoccupent dont les enjeux de transports routiers et collectifs», écrivait-il.
Rappelons que le ministère des Transports et sa ministre sont en contact constant avec les municipalités sur des enjeux de financement des infrastructures routières, de transport en commun, d’entretien des routes, de nouveaux tronçons, de sécurité, etc.
Rencontrer la ministre peut ainsi permettre à un élu municipal de faire avancer un dossier, mais un élu qui sollicite un rendez-vous avec un ministre ne doit pas avoir à payer pour obtenir sa rencontre.
Il y a deux semaines, Radio-Canada avait révélé une autre controverse sur le financement de la CAQ qui touchait le député de Chauveau, Sylvain Lévesque.
Une citoyenne qui souhaitait que son député fasse progresser son dossier s’est fait offrir de rencontrer le ministre des Finances, Eric Girard, en échange d’une contribution de 100 $ à la caisse du parti.
La commissaire à l’éthique et à la déontologie de l’Assemblée nationale a annoncé la semaine dernière qu’elle entreprenait une enquête sur le cas de M. Lévesque.
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