Projet Huttopia: des citoyens aux aguets

Par Émélie Bernier 4:59 AM - 5 Décembre 2023 Initiative de journalisme local
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Des tests, notamment du forage, ont cours sur le territoire visé par Huttopia. Les résultats de ces tests sont un jalon de plus vers la réalisation du projet que contestent des résidents du secteur et des citoyens de La Malbaie. Courtoisie

Le territoire visé pour le développement du site de prêt-à-camper par l’entreprise Huttopia est, à ce jour, relativement vierge. La faune, les adeptes de la Traversée de Charlevoix, les fondeurs du Mont Grand-Fonds, les amateurs de motoneige et les clients de la pourvoirie Domaine Comporté le sillonnent,  toutefois, cette partie de la « vallée » de la rivière Comporté est surtout peuplé d’épinettes, d’éricacées et de zones humides. Depuis quelques semaines, des vrombissements de machinerie troublent le silence.

Christophe Dandurand, qui réside tout près, est préoccupé. «De ce que j’en sais, ce projet existe depuis un an et demi et les terres concernées par le projet Huttopia ont été retirées du parc du Mont Grand-Fonds depuis. Il y a environ un mois, j’entends du bruit et sur place, je vois quatre camions, du monde qui font des forages le long de la rivière. Quand je les questionne, on me répond « on ne peut rien vous dire, c’est secret, mais on a été mandaté par la MRC », commente-t-il.

 Le directeur de l’aménagement du territoire et de la foresterie de la MRC de Charlevoix-est a été surpris d’entendre cette affirmation. « C’est un projet de la Ville, la MRC n’a rien à voir dans ces travaux », a commenté Stéphane Charest, admettant en savoir bien peu sur les visées d’Huttopia.

Le gestionnaire de Chalets spa Canada Christophe Dandurand ne s’inquiète nullement de voir sa clientèle déserter les chalets locatifs luxueux au profit des prêts-à-camper d’Huttopia, mais il questionne la façon de faire des autorités dans ce dossier.

« Ce n’est pas ma clientèle, je m’en fous, mais ça va faire jurisprudence et dans 10 ans, on aura des chalets, des hôtels jusqu’au Lac Comporté. Qu’en est-il du « diamant vert » que M. le maire voulait tant protéger? », s’insurge l’entrepreneur.

Et il n’est pas le seul résidant du secteur à s’inquiéter. Une personne qui demeure dans le secteur, mais qui ne souhaite pas être identifiée, se questionne sur la « stratégie de conquérant » de l’entrepreneur derrière ce projet. « Dans ce dossier, on dirait que tout se fait sans moratoire, sans consultation, par la bande, avec une stratégie de conquérant qui se présente en mécène/sauveur. Je ne suis pas contre le développement,  il en faut, mais là,  ça part en vrille. Je garde espoir que tout sera fait dans le respect des règles… »

Plusieurs personnes ont manifesté leur intention d’assister au conseil de ville du 11 décembre.

« On est en train de monter un collectif de citoyens au Mont Grand-Fonds et on va demander des réponses! Jusqu’à preuve du contraire, une municipalité n’est pas un promoteur immobilier ni un vendeur de terrain… Que ce soit beau ou pas, ce sont des terrains municipaux qui appartiennent à tout le monde. On a parlé de 150 000$, est-ce que c’est vrai qu’on sacrifie une forêt et la quiétude d’un secteur pour si peu? », questionne Christophe Dandurand, connu pour son franc-parler.

Vérification faite, le montant de la transaction serait plutôt de 215 600$.

La question de l’accès, des systèmes septiques, de l’approvisionnement en eau potable  et de la gestion des matières résiduelles est préoccupante, selon M. Dandurand. « 100 cabanes, c’est 200, 300 personnes qui ch…t dans le bois, ça va aller où tout ça? Et dans les autres villages Huttopia, il y a des piscines, des infrastructures… Dès qu’on coupe un arbre, ce n’est plus un projet écologique!  Et si c’est un camping, il n’y aura pas de taxes commerciales… Il y a pas mal de choses assez spéciales dans ce dossier, à commencer par l’omerta qui l’entoure! », renchérit-il. Christophe Dandurand, à l’instar de nombre de ses voisins, ne souhaite pas voir Grand-Fonds devenir « un centre-ville ».

« 100 petits chalets sur pilotis, c’est au moins 250, 300 personnes qui vont passer par là et ne vont ramener rien à la Malbaie! On va détruire tout un écosystème très très beau qui est apprécié par les gens qui font la Traversée, les randonneurs… Et pourquoi?» questionne-t-il.

Assistera-t-on à une levée de bouclier comme sur l’Ile d’Orléans? Rappelons que le projet de village de prêt-à-camper dans le secteur de la point d’Argentenay avait rencontré une vive opposition, jusqu’à ce qu’Huttopia retire carrément ses billes. Un seul village Huttopia a pris racine jusqu’ici au Québec, dans le secteur de Sutton. Plusieurs dizaines de sites sont exploités en Europe et quelques-uns aux États-Unis.

Au moment d’écrire ces lignes, nos appels à Huttopia étaient restés sans réponse.

Un dossier à suivre.

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