Évolution Charlevoix doit composer avec des listes d’attente

Par Dave Kidd 11:09 AM - 23 novembre 2022
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Photo Istock

Évolution Charlevoix a malheureusement beaucoup trop de travail. Notre région n’est pas coupée du reste du monde : les comportements violents ne sont pas en hausse uniquement dans les grands centres. L’organisme qui travaille pour réduire la violence conjugale, familiale et sociale voit ses demandes d’aide monter chez les adultes, mais aussi chez les adolescents. Il y a même des listes d’attentes.

Le programme jeunesse existe à Évolution Charlevoix depuis 2006. Dans ce temps-là, on parlait du Service pour hommes impulsifs et colériques. Avant le changement de nom qui est survenu en 2021, 10 ans plus tôt, le programme pour les jeunes qui vivotait est devenu prioritaire. « Les jeunes garçons seront bientôt des adultes. La prévention était nécessaire », se souvient Valérie Bilodeau, la directrice générale d’Évolution Charlevoix.


Dans les cinq dernières années, le nombre de jeunes qui ont été suivis par l’intervenante a explosé. « En 2017, on a accompagné 6 ados. L’an dernier, c’était 45. De ce nombre, 89 % ont été victimes ou témoins de violence conjugale. Il y avait aussi une liste d’attente », laisse tomber la directrice générale.
Pour l’année financière qui a débuté le 1er avril, 53 jeunes ont été vus. 15 sont en attente. « La Covid a vraiment été dure. On le constate, nous. Elle a fait ressortir le côté sombre de certaines personnes. Il y a plein de choses qui ne vont pas bien. Les séparations et les chicanes. La souffrance est terrible », dit-elle également.


La DPJ réfère des jeunes. « C’est souvent relié à des comportements violents. Certains arrivent après être passés à quelques reprises dans le bureau du directeur de l’école pour des « pétages de coches ». Dans un sens, je suis contente que la clientèle augmente, parce que les 53 jeunes on va peut-être les empêcher d’avoir des comportements violents. On travaille en prévention. On agit également sur la délinquance et la criminalité », analyse la directrice générale d’Évolution Charlevoix.


Les cas sont de plus en plus lourds. Initialement, le programme jeunesse était constitué de huit rencontres. C’est impossible aujourd’hui d’effectuer le travail en si peu de rencontres. « La norme est maintenant de 12 ou 15 rencontres. 224 rencontres avec les jeunes ont été nécessaires l’an dernier. C’est presque deux fois plus que l’année d’avant », ajoute-t-elle.


Financement et ressource


L’organisme voudrait bien embaucher une seconde intervenante pour les jeunes. La pénurie de main-d’œuvre ralentit le processus tout comme les critères d’utilisation des fonds. « J’ai besoin d’une autre intervenante à temps plein. Or, l’argent n’est pas récurrent. On colmate une hémorragie avec un pansement. Et ce pansement-là, il va lâcher parce que je ne peux pas développer ni embaucher », explique Valérie Bilodeau.


Elle poursuit en disant que le financement, bien qu’insuffisant, n’est pas moribond pour autant. « Mais les fonds dédiés à la prévention de la violence conjugale sont bardés de critères.»


Valérie Bilodeau donne en exemple les 65 000 $ reçus pour intervenir auprès de la communauté LGBTQ+, les autochtones et les personnes handicapées. « Nous sommes déjà prêts à recevoir cette clientèle. Avec le travail qu’on a, je n’ai pas le temps d’aller plaider dans un bureau de député pour que les cadres d’un programme soient plus larges », dit également Valérie Bilodeau.


142 personnes au total (92 adultes) ont été suivies en 2021-22. Un adulte s’engage dans un processus qui dure un minimum de 6 mois. 529 heures d’intervention en mode présentiel ont été comptabilisées alors que ce nombre était de 238 pour l’exercice précédent.


« Il y a plus d’homicides. On doit faire une évaluation de risque d’homicide pour tous les adultes qui rentrent dans nos bureaux. Le travail est plus stressant et l’imputabilité est plus élevée. Quand je quitte à la fin d’une journée, le hamster tourne encore et encore », ajoute-t-elle.

Valérie Bilodeau est directrice générale d’Évolution Charlevoix


Elle a failli abandonner


Des éléments expliquent aussi l’augmentation des demandes. Évolution Charlevoix est crédible et jouit d’une bonne notoriété. Plus d’aide est dispensée, mais cela use et ébranle les troupes.


Valérie Bilodeau a elle-même pensé à faire autre chose tellement elle « n’en pouvait plus de voir chaque matin les crimes violents rapportés dans les médias. J’ai pris une semaine de vacances. Je me demandais sincèrement si ce que l’on faisait aidait pour vrai tellement les homicides conjugaux étaient nombreux à ce moment », raconte-t-elle.


C’est un appel d’une policière de la Sûreté du Québec, à la suite d’une gestion de crise, qui a prouvé que son implication donnait des résultats. « Si vous n’aviez pas eu l’instinct, elle serait morte, m’a dit la policière. Ça m’a donné le goût de continuer », confie Valérie Bilodeau.


Elle affirme que le « système de santé n’est pas malade juste dans les hôpitaux ». Pour elle et son équipe, ce qui compte c’est d’aider au changement de comportement. « Malheureusement, l’étiquette fait encore plus mal », termine la DG.

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