Chronique de Brigitte Lavoie: des histoires pour se trouver

Par Brigitte Lavoie 9:48 AM - 26 octobre 2019
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Les Charlevoisiens ont le privilège d’avoir hâte d’ouvrir leur journal chaque semaine.

Que j’avais hâte de m’y remettre! D’ouvrir une page blanche et d’y aller gaiement du clavier, de vous écrire et de vous raconter des histoires de gens de chez nous, de m’enflammer sur tout et sur rien, de monter l’infiniment petit en épingle ou de faire tomber l’infiniment grand en poussière, de virer notre région de bord, pour le plaisir de nous dépeindre, de nous remettre en question et de célébrer la vie par ici.

En fait, mon excitation à reprendre la plume dans notre journal local me surprend même un peu. Et du coup, je me rends compte que désormais, comme pour une majorité de grandes personnes, je m’excite rarement pour quelque chose.

Il faut croire que, comme les autres adultes ayant voté lundi en faisant une petite halte à l’épicerie, je reçois trop de courrier imprimé et pas assez de lettres manuscrites. Je pense au souper parce qu’il faut manger. Mais je fais aussi le plein de ma voiture en me questionnant sur l’étrange phénomène de la fluctuation du prix de l’essence en région, sur notre capacité à s’en émouvoir et notre incapacité à en avoir le cœur net. Je me demande aussi comment la dame de 83 ans de Baie-Sainte-Catherine sans permis de conduire ni ordinateur fera désormais pour faire ses transactions bancaires…

Un quotidien de régioneux routinier, donc, à vivre sans trop se hâter, à moins d’avoir des chroniques à écrire sur le sujet! Alors le voilà, mon enthousiasme qui s’enflamme. J’ai un millier de sujets qui m’ont happée pendant ces quelques mois de pause. Par exemple, je me demande vraiment si trop de cônes orange, c’est comme pas assez. Avouez que c’était, et c’est encore intense, de traverser les travaux qui n’en finissent plus entre Baie-Saint-Paul et la côte de la Miche?

C’est comme si quelqu’un s’était amusé à tester la capacité du cerveau d’un automobiliste moyen à recevoir et analyser l’information sur un chantier de construction. On aurait dit un mauvais jeu vidéo abusant de surbrillance, de ligne jaune louvoyante et ne créant pas de dépendance. Je me promets de chercher quelques réponses instructives là-dessus, surtout que j’ai une peur bleue, un de ces sombres soirs, d’accrocher un des travailleurs de ces chantiers, coincée dans le long couloir étroit des cônes orange, éblouie par les nouveaux casques lumineux de ces pères de famille déroulant l’asphalte de nuit à 2 pieds des voitures, en roulant à 34 km/h dans la zone de 50 km/h, les deux mains crispées sur le volant.

Il m’arrive aussi de plus en plus de m’interroger sur l’état de santé du Gros bon sens. Il est moribond celui-là, c’est certain. Par exemple, la décision de construire un pont sur la rivière Saguenay ne devrait-elle pas aller aussi vite que l’idée d’un troisième lien à Québec? Je veux dire, clairement l’expertise navale du gouvernement du Québec n’a rien à voir ces années-ci avec son expertise dans la construction de ponts. Est-ce qu’on peut faire simple et rapide, arrêter de compter les électeurs au km2 et mettre une équipe d’ingénieurs là-dessus? C’est comme le nouveau skate parc de La Malbaie. Il est magnifique. Vraiment. Mais ton casque, il est où mon ami? Le Gros bon sens et le Club des parents qui aiment leurs enfants voudraient vraiment que vous, les ados habiles et invincibles, misiez votre avenir sur votre tête plutôt que sur votre look.

Mais je m’écarte. Revenons à la hâte. Cet état d’esprit aussi rare chez les adultes qu’un gobelet de café réutilisable chez McDo. Quand on est enfant, avoir hâte est une habitude de vie. Les enfants ont hâte à tout ce qui est nouveau, des crayons de couleur au nouveau professeur en passant par la nouvelle trottinette et les bébés chatons. Et sautillons aussi pour les traditions, l’Halloween, le père Noël, la première neige, la visite des cousins, la récréation et le gâteau d’anniversaire.

Vous et moi, adultes raisonnables et affairés, qui font la file à la commande à l’auto, avons le privilège encore cette année d’avoir hâte d’ouvrir notre journal.

Un journal local toujours en vie, et engagé pour sa région, qui croit en l’information locale de qualité et qui apprécie la diversité des opinions et la couleur des chroniqueurs. Alors, je vous dis à la semaine prochaine!

Vous avez des sujets qui vous turlupinent ? Écrivez-moi (bbrigg@hotmail.com), on verra ce qu’on peut faire!

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